LA FAUTE POLITIQUE SAOUDIENNE

janvier 2016

Dans l'article "2016, année de l'anti-jihad", nous dénoncions le manque d’unité dans la lutte contre les jihadistes, les gouvernements privilégiant leurs intérêts particuliers et cultivant leurs disputes.

Le 2 janvier, en exécutant le cheikh Nimr Baqr Al-Nimr avec 46 autres condamnés, les Saoudiens ont parfaitement illustré notre propos. Dans cette affaire, ils en sont désespérants de naïveté quand, à la face de l’opinion internationale, ils ont réussi à passer pour de méchants assassins, l’Iran parvenant à se draper dans la toge de la victime.

Tout le monde l’oublie un peu vite, l’Iran pratique à doses bien plus massives la peine de mort. Sur les dix premiers mois de 2015, on compte chez les ayatollahs 830 exécutions capitales, contre 158 environ, pour la même année, en Arabie Saoudite.

Mieux, la plupart des 47 suppliciés du 2 janvier sont des membres d’Al-Qaïda, des gens pas plus sympathiques que ceux de Daech. Des gens, même, pour lesquels nombre de Français remettraient volontiers la guillotine en usage. Quant au cheikh Al-Nimr, l’homme a aussi son côté sombre. Certes, il est un défenseur de l’importante communauté chiite saoudienne, mise à l’écart par le pouvoir sunnite. Mais, chez lui, la haine prend souvent le pas sur la simple contestation politique, déjà difficilement acceptée chez les Saoud. Ainsi, en juin 2012, on a pu le voir sur une vidéo se réjouissant de la mort du prince héritier, Nayef Ben Abdelaziz. On l’entendait dire sur Nayef : « Que les vers le mangent ».

Une quinzaine de jours plus tard il était arrêté. Il faut dire sa saillie tombant mal. On était à la deuxième année des dits « Printemps arabes », ces mouvements de populations qui ont provoqué la chute de plusieurs gouvernements, de la Libye au Yémen en passant par l’Égypte. L’instabilité avait même poussé les Saoudiens à intervenir militairement au Bahreïn en mars 2011, pour soutenir la monarchie sunnite qui y règne sur une population en majorité chiite. Or, Nimr ne faisait pas dans la dentelle. De la mosquée de son village d’Awamiya, il appelait à la sécession de l’est, à forte composante chiite, de l’Arabie Saoudite. Que Nimr ait longtemps séjourné en Iran pour étudier ne faisait que conforter la conviction saoudienne d’un complot de Téhéran, pas complètement imaginaire, pour faire tomber les pouvoirs sunnites de la région aux mains des chiites.

Mais c’est justement dans l’est de l’Arabie Saoudite que se concentrent les richesses pétrolières du pays. La sécession de cette région revien-drait pour les autorités de Riyad à perdre la rente qui les fait vivre. Nimr, comprend-on, jouait avec le feu.

Les Iraniens, pour leur part, ont saisi la balle au bond. Ces théocrates, bien plus au fait des stratégies de communication que leurs adversaires saoudiens, ont propagé la nouvelle de l’exécution de Nimr avec des accents pathétiques. En même temps, ils ont actionné leurs réseaux de propagande à travers les communautés chiites pour provoquer des manifestations, allant jusqu’à favoriser des attaques contre les locaux diplomatiques saoudiens... tout en réprimant de l’autre main les mêmes manifestants sur leur sol. De l’art bien persan du double jeu.

Sans attendre, faisant front derrière l’Arabie Saoudite, plusieurs pays sunnites coupaient, en même temps qu’elle, leurs relations diplomatiques avec Téhéran. Alors qu’un front arabe combat la rébellion chiite soutenue par l’Iran au Yémen, le même front, en Syrie, finance l’opposition armée au régime des Assad, favorable lui à Téhéran. On comprend que c’est une véritable guerre qui se met en place entre l’Iran et l’Arabie Saoudite.

On en oublierait presque Daech.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

Lire aussi: Opinion d'un Saoudien sur la lutte contre le terrorisme par Abdulrahman Al-Rashed

 

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