HISTOIRE

LES BARBARESQUES

avril 2006

Il est au goût du jour de ne voir que grandeur dans l'histoire des autres peuples et comportements vicieux se penchant sur celle de notre pays. Ainsi nous sert-on de larges rasades sur l'esclavage des Noirs et, c'est vrai, l'ignoble méthode qui consistait à les enlever d'Afrique pour les envoyer dans les plantations d'Amérique. Certes, nous sommes coupables, mais moins que les autres Noirs, qui nous vendaient leurs frères après les avoir capturés pour recevoir en échange des armes ou de la verroterie. Si nos ancêtres avaient là leur part de responsabilité, on n'entend guère parler d'un autre esclavage, celui auquel les pirates musulmans réduisaient les chrétiens des côtes méditerranéennes. C'était l'époque des barbaresques, du XVIème siècle au début du XIXème.

 En droit, les côtes actuelles de l'Algérie, de la Tunisie et de la Libye relevaient de l'autorité de l'empire turc. Le Maroc avait préservé son indépendance. Ces pays étaient pauvres et, se réclamant du jihad contre les " infidèles, " les maîtres des lieux avaient institué une profitable industrie de la piraterie.

 Les corsaires musulmans auraient pu se contenter de piller les cales des bateaux mais, la notion même d'esclave étant légitimé par le Coran, ils préférèrent le trafic d'humains, autrement plus profitable.

Pour ce faire, ils ne se contentaient d'attaquer les navires venant d'Europe, mais lançaient aussi des assauts contre les terres chrétiennes.

En 1566, par exemple, 6000 Turcs et corsaires maghrébins attaquèrent l'Italie provoquant l'exil de la population sur une zone de 1300 km2 allant de Francavilla del Mare à Serracapriola.carte de l'empire Ottoman XVIIème siècle

La côte calabraise vit 700 personnes emmenées en esclavage par les Barbaresques en un seul raid en 1636, un millier en 1639 et 4000 en 1644. Entre les XVIème et XVIIème siècles, les pirates installèrent des bases d'assaut quasi permanentes sur les îles situées face à la baie de Naples.

Plus vulnérables que les côtes françaises, celles d'Italie payèrent le prix fort. De la peur des attaques nocturnes des musulmans, pour surprendre leurs proies au lit, naquit une expression : " Pigliato dai Turchi, " ce qui signifie littéralement " pris par les Turcs " ou être attrapé endormi.

La Corse avait construit un chapelet de tours le long de ses côtes. On entassait un bûcher de bois au sommet. La nuit, pour alerter la population, les veilleurs y mettaient le feu quand surgissaient les Barbaresques.

Les pirates d'Afrique du Nord naviguaient loin vers le nord. Un raid mené en Islande, en 1627, permit aux corsaires algériens de s'emparer de 400 esclaves. De 1606 à 1609, la marine britannique a avoué la perte de 466 navires marchands attaqués par les Barbaresques. Entre 1622 et 1644, on estime à 7000 le nombre des Britanniques razziés sur les côtes.

Au milieu du XVIIème siècle, on comptait 25000 esclaves vivant à Alger (1) dans le " bagne, " propriété de l'État, ou servant sur les galères et chez les particuliers. Parmi eux, un certain Cervantès, auteur de " Don Quichotte, " qui passa cinq ans, de 1575 à 1580, en esclavage à Alger, jusqu'à son " rachat " et à sa libération par l'ordre religieux des Trinitaires.

Entre 1530 et 1780,estime le professeur Robert C. Davis(2), entre un million et un million 250000 Européens chrétiens ont été capturés et réduits à l'esclavage par les musulmans. Plus que d'Africains forcés à la captivité par nos négriers puisque l'on évalue les victimes de la traite des Noirs à 800000 âmes.

Pourtant, l'on tait cette autre honte de l'humanité, comme si les souffrances subies par des Blancs ne pesaient pas du même poids.

Elles n'étaient pourtant pas moindres. Les galériens, plus durement traités, finissaient leur vie enchaînés à leur banc. Trop faibles ou malades, on les jetait par-dessus bord. Aussi le taux de mortalité était-il très élevé dans les rangs des esclaves. Sur les 400 Islandais capturés en 1627, 8 ans plus tard, on ne comptait que 70 survivants.

 

Pourtant, aujourd'hui, tenir rigueur aux mahométans des mauvais traitements infligés par leurs ancêtres aux nôtres, relèverait de l'imbécillité. L'inverse est aussi vrai.

Il n'existe pas de peuples innocents et de peuples coupables, mais des hommes, tour à tour victimes et bourreaux. Les événements du Moyen-Orient en attestent.

 

Jean Isnard

est consultant au:

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001

 

(1) " The Cambridge history of islam, " Cambridge University Press, 1970.
(2) " Christian slaves, muslim masters : white slavery ... " Robert C. Davis.

L'ESSENTIEL DE NOS INFORMATIONS PROVIENT DE CES DEUX OUVRAGES.


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