« Tsar Kiro » et les émeutes anti-Roms en Bulgarie

décembre 2011

Débutant le 26 septembre, des émeutes anti-Roms ont agité la Bulgarie jusqu’à la fin de ce mois.

Tout a commencé avec la mort d’un jeune Bulgare de 19 ans, renversé le 23 septembre par un véhicule de « Tsar Kiro », Kiril Rashkov pour l’état-civil, dans le village à majorité rom de Katunitsa (Bulgarie).

Tsar Kiro, titre dont il s’est affublé, ne donne pas dans la simplicité. Il s’est fait construire un trône sur lequel il parade portant sceptre et couronne. Son royaume s’étend sur la communauté des Roms, dont il fait partie, et son budget s’alimente de divers trafics dont celui de l’alcool frelaté. Il jouit pourtant d’une quasi impunité depuis l’ère communiste.

La mort du jeune Bulgare a déclanché de violentes manifestations anti-Roms dans plusieurs villes, dont Sofia, la capitale, et Varna, pourtant située à l’autre bout du pays à plus de 400 km.

L’incident le plus significatif s’est déroulé dans le village de Tsar Kiro, à Katunitsa. Soutenu par des jeunes à pied, une horde de motards a effectué un raid sur les lieux, incendiant plusieurs maisons aux cris de « Bulgarie, héros ». Ces représailles ont causé la mort de deux personnes et, outre la police, les troupes d’élite de l’armée ont dû intervenir.

L’Église bulgare, commentant ces émeutes, a dit dans un communiqué : « L’ampleur des événements est le résultat de l’accumulation de la colère et de la haine dans le pays ». Elle a ajouté : « Cela arrive toujours quand on autorise le non respect des lois... Quand l’État tolère l’ostentation des comportements criminels de certains individus, le peuple est forcé de se révolter. Le rôle de l’État est de punir les criminels et de protéger les faibles ».

La dureté du ton, de la part d’une institution habituée à plus de modération, révèle la profondeur de la crise.

Il faut connaître le parcours de Tsar Kirov pour comprendre. Âgé aujourd’hui de 69 ans, il a été arrêté la première fois en 1962, à 20 ans, pour un vol à la tire dans les rues de Skopje, capitale de la Macédoine voisine.

Rentrant dans son pays sous diktat communiste, il se consacre au commerce, alors prohibé, des métaux précieux. La police finit par s’en émouvoir et, au cours d’une perquisition, découvre chez lui deux millions de léva, la monnaie locale, et un stock d’armes.

Tsar Kirov se retrouve en prison. Mais, étrangement, à l’occasion d’une amnistie réservée aux prisonniers politique, le pouvoir le fait libérer bien avant la fin de sa peine. En guise de remerciement, il aurait alors servi de modérateur de sa communauté au service des autorités.

Avec la chute du régime communiste, il se lance dans la production d’alcool frelaté, couvrant la Bulgarie de sa production. En 1992, au cours d’une visite dans son usine, la police confisque 126 000 litres d’alcool pur et des dizaines de milliers de bouteilles de whisky, de vodka et de rakia, l’alcool national.

Nouvelle preuve de la complaisance du pouvoir, Tsar Kiro est libéré quelques jours plus tard en raison de son « mauvais état de santé » et reprend son fructueux business.

Son arrogance monte alors d’un cran. Il s’approprie 86 hectares de terrain appartenant à l’État pour élever des cerfs et des biches destinés à satisfaire sa passion de la chasse. Des gardes armés protègent sa réserve personnelle. Quand des journalistes s’intéressent à ses activités, ils sont menacés. Ainsi, en 1998 une bombe explose devant le journal Trud, à la suite de la publication d’une enquête qui lui est consacrée. La même année, ses hommes retiennent prisonnier un reporter de la télévision coupable d’avoir pris des photos de ses propriétés.

Voilà le résultat de la prolifération de zones de non droit dans un pays : commençant par des échauffourées, la guerre civile le menace.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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