HEURS ET MALHEURS
DE LA CIA

septembre 2007

En février 2007, l'amiral en retraite Mike McConnell a quitté un poste fort lucratif dans le secteur privé pour prendre en main et tenter de sauver les services secrets américains, dont on ne dit pas dans quel état pitoyable ils se trouvent.

Logo de la CIA
Logo de la CIAA contrario, l'épouvantail d'une CIA, plus puissante que jamais et " dangereuse pour la démocratie et les démocraties européennes ", était agité récemment encore. De quoi faire sourire le SVR et le GRU, car rarement durant le demi-siècle écoulé l'Agence et les services chargés de l'espionnage et du contre-espionnage américains auront été autant pénétrés par les fidèles de l'équipe Poutine.

Un cas connu des seuls spécialistes illustre bien cette affirmation. Lorsqu'en 1997 George Tenet fut nommé directeur de la CIA (le cinquième en six ans!) venaient d'être découverts les ravages causés à l'Agence. Nommé à la direction de la " Ferme ", lieu de formation des futurs cadres de la CIA, Harold J. Nicholson, ancien chef de poste en Roumanie, s'était révélé un agent de Moscou. Ce qui signifiait qu'à peine remise des dégâts causés durant la dernière décennie par Hazen Andrich Ames, autre espion de l'URSS infiltré dans les structures de la CIA, les promotions des nouveaux spécialistes des années 1994, 1995, 1996, 1997 étaient brûlées. Le Kremlin savait où elles étaient infiltrées dans le monde ou dans quels circuits d'analystes. Enfin démasqué, Nicholson a été condamné à 23 ans de prison.

A cette époque, alors à la Maison blanche, jamais Bill Clinton ne s'est intéressé à la CIA, hormis deux visites éclair à Langley. De plus, son conseiller pour la Sécurité nationale, Tony Lake, se déclarait ouvertement gauchiste, tout comme le vice-président Al Gore.

Porter J. Goss, un mois avant la nomination de George Tenet, dont il était un des officiers supérieurs, disait du " service ", devant la commission du Congrès pour le Renseignement, " que la plupart des cadres de la CIA étaient des incompétents, des inexpérimentés, ne connaissant rien des pays où ils étaient envoyés en poste et n'en parlant même pas la langue ". Diplômé de Yale University en 1959, Goss avait appartenu aux équipes de McCone et de Richard Helms, les derniers responsables des équipes, qui avaient certes des défauts et pouvaient commettre des erreurs, mais servaient les États-Unis.

La CIA ne parvenait pas à se relever des coups portés dans son personnel depuis les épurations internes opérées vingt ans auparavant par la gauche pacifiste, sous prétexte que l'équipe du contre-espionnage du patron de l'époque, James Angleton, se composait de paranoïaques et d'obsédés du danger soviétique.

La CIA souffrait toujours de la tempête qui avait soufflé sur ses rangs, et basculait dans la pire des crises avec la pénétration dans ses équipes clandestines ou chez les analystes d'hommes et de femmes ou politiquement marqués, ou qui n'avaient pas la vocation pour ce métier. Ils étaient entrés dans l'Agence comme on devient fonctionnaire. (Les services français ont pâti des mêmes maux, lorsque des officiers, qui n'avaient pas le goût du renseignement, se sont trouvés par rotation à la DGSE).

Cet état de fait explique en partie que l'actuel président, G.W. Bush se soit tourné plutôt vers la DIA (le service de renseignement du Pentagone) que vers la CIA. Mais c'était tomber de Charybde en Scylla, puisque le noyau de l'AIPAC et des néo-conservateurs autour de Rumsfeld en a profité pour pousser le président à déclencher, sur de faux renseignements, la guerre contre l'Irak.

Ces dernières années, le FBI était aussi noyauté que la CIA, comme l'a montré l'affaire de l'espion soviétique Robert Hansen, plus de dix ans en poste au contre-espionnage interne.

On comprend dès lors pourquoi l'État américain n'est pas à la hauteur du rôle qu'il devrait jouer à une époque où non seulement la Russie, national-soviétique, devient la puissance menaçante qu'elle n'était plus il y a une dizaine d'années, mais aussi quand la Chine émerge avec un potentiel nouveau dans un monde en remous constants. Reste une différence : la Chine n'est pas, ou n'est pas encore, militairement expansionniste, alors que la Russie l'est, et ne s'en cache pas.

Pierre de Villemarest

 
 
"At the center of the storm, my years at the CIA", livre de George Tenet.
 

 

LE RETOUR DE CERTAINS VÉTÉRANS

La désignation de l'ancien Amiral McConnell en tant que superviseur de la CIA et des quatorze autres services qui participent aux affaires secrètes a été saluée unanimement par les Démocrates et les Républicains.

A notre connaissance, il n'appartient pas aux coteries du CFR. En revanche, elle a été mal perçue par John McLaughlin, jusqu'à présent réel patron de la CIA.
McLaughlin appartient au CFR. Il craint sans doute de ne pouvoir contrôler McConnell.

Autre changement à la CIA : Stephen Kappes, qui avait démissionné il y a dix-huit mois avec fracas de son poste de n°2 pour conflit avec Porter Goss, a repris sa place en mai dernier. Il a été confirmé au poste de directeur-adjoint auprès du général Michael Hayden, directeur en titre de la CIA. Il incarne l'espoir d'un renouveau d'efficacité de l'Agence. Après cinq ans chez les Marines, Kappes, natif de Cincinnati, a fait carrière dans la " Maison ". Il a tout de suite été remarqué pour son professionnalisme dans la Division des Opérations, avant d'être chargé en 1988 de la " station " de la CIA à Francfort, en Allemagne.

Il parle le russe et le farsi, ce qui l'a conduit au Proche et au Moyen Orient, notamment au Koweït, puis à Moscou, avant de retourner au Directorat des Opérations clandestines auprès de son haut responsable James Pavitt, qui a d'ailleurs démissionné en même temps que George Tenet.

Kappes l'a aussitôt remplacé. C'est lui qui a découvert le rôle du scientifique pakistanais, Abdul Qadir Khan, dans la dissémination de la fabrication de l'arme nucléaire, au profit de plusieurs pays. Du même coup, il a " coulé " les projets du colonel Kadhafi de faire entrer la Libye dans la danse des armes de destruction massive.

Durant les dix-huit mois qui ont suivi sa démission, jusqu'à sa réintégration, Kappes a été vice-président exécutif du groupe privé de sécurité basé à Londres, l'Armor Group.
On ne peut que lui souhaiter le succès dans la réorganisation de la CIA, d'avoir les mains libres, et que la Maison-Blanche veuille bien l'écouter.

La grise mine des responsables du SVR et du GRU, lors de leur dernière réunion autour de Poutine, provient sans doute du retour de Kappes dans un service qui n'est plus depuis deux ou trois décennies que l'ombre de ce qu'il fut.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 
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