DIDIER JULIA PARLE

juin 2005
 

 Le Centre de Recherches sur le Terrorisme se réjouit de la libération de notre consoeur Florence Aubenas. Trop d'entre nous savent, par expérience, l'effroyable dureté de ces séjours entre la vie et la mort...

On a cependant été déçu par sa prestation à la conférence de presse. Trop de non-dits, trop de mots passés sous silence. Le talent de Florence pour communiquer n'aura pas suffi à combler le vide.

Un exemple. Les otages roumains disent avoir été détenus avec elle. Florence n'infirme ni ne confirme, nous laissant mal à l'aise.

En outre. Rentrant en France, avant de donner sa conférence de presse, elle a séjourné dans une base de la DGSE. Nous voudrions savoir pour quoi faire ?

Si nos services voulaient recueillir des informations, ils étaient dans leur fonction. Quant à Florence, pour des raisons humanitaires, songeant aux captifs présents et, craignons-le à venir, elle avait le devoir de parler aux hommes et aux femmes chargés de libérer nos concitoyens.

Mais s'il s'agissait de passer sous les fourches caudines de la raison d'État, alors nous ne sommes pas d'accord. Un journaliste a pour mission de parler, non de se taire.

Il y a dans cette affaire des hommes accusés de fautes graves. Si l'on s'en tient à la version officielle, ils auraient manqué à l'honneur. Pire, mis en péril la vie des anciens otages : Christian Chesnot et Christian Malbrunot.

Ou, coupables, ils doivent payer les conséquences, ou, innocents, les autorités de notre pays ne peuvent laisser peser sur eux d'aussi graves accusations. Or, si Didier Julia dit vrai, aucune action judiciaire n'a été menée pour l'entendre. Quelle serait cette Justice décrétée par la rumeur ? Quels seraient ces enquêteurs judiciaires qui n'entendraient pas les accusés ?

Pour l'honneur des uns, pour la sécurité des autres, pour nous éviter à tous d'être la risée des pays civilisés, nous demandons de la clarté.

Voilà pourquoi nous avons donné la parole à Didier Julia dans ce numéro. Pour écouter sa vérité, avant de connaître la Vérité.

 

Question : Le vendredi 10 juin je vous ai parlé au téléphone et vous m'avez dit la libération de Florence Aubenas pour la semaine prochaine. Vous aviez raison. Quelle était votre source d'information ?

Didier Julia : Ce n'était plus un secret, cette libération a été annoncée en Irak par la télévision Al Aarabiya. En outre, mes correspondants à Bagdad m'avaient confirmé l'information. Les négociations étaient pratiquement terminées.

Q : Confirmez-vous vos échanges téléphoniques avec les ravisseurs de Florence Aubenas ?

D. J. : Je l'ai toujours dit. J'ai eu des appels le 23 mars puis le 25 mars, entre autres.

Q : De quelle longueur ont été ces appels ?

D. J. : Pas très longs car, dès le début du premier appel, j'ai dirigé mon interlocuteur sur les services français et l'Ambassade de France à Bagdad. Le second appel a été plus long, car la personne m'a dit : " Si vous voulez qu'elle rentre en pièces détachées, vous n'avez qu'à ne pas vous occuper de son cas... " Puis il a parlé de chiffres et commencé à s'exprimer en anglais. A nouveau, j'ai invité mon correspondant à entrer en contact avec les autorités françaises.

Q : Vous ne parlez pas anglais ?

D. J. : Ce n'est pas la question ? Je ne voulais pas parler de chiffres.

Q : Voulez-vous dire que vous refusiez de parler d'argent ?

D. J. : Bien entendu. J'ai dit que je ne comprenais pas.

Q : Comment expliquez-vous que, jusqu'au moment où on a vu la cassette sur nos téléviseurs, aucune information n'avait été diffusée sur l'affaire alors que les ravisseurs étaient supposés avoir contacté l'Ambassade de France ?

D. J. : A ce qu'ils m'ont dit, les ravisseurs avaient du mal à entrer en contact avec l'Ambassade de France. La personne que nos autorités ont appelé l'Imprécateur était apparem-ment mal reçue. A mon avis, le dialogue était difficile parce qu'un ambassadeur est formé pour parler avec des officiels, éventuellement d'autres ambassadeurs. Pas pour communiquer avec des gens du peuple sur des dossiers à caractère sensible.

Q : Pourquoi les ravisseurs ont-ils voulu passer par vous ?

D. J. : Parce qu'ils voulaient trouver une solution. Ils voulaient passer par ce qu'on appelle un circuit de confiance.

Q : Pourquoi votre rôle et celui de vos collaborateurs, pour obtenir la libération de notre consoeur, ont-ils été systématiquement minimisés voire décriés ?

D. J. : Ils ont été décriés par Serge July de " Libération. " C'est tout. Le gouvernement a des difficultés à communiquer avec le Parlement, notamment en matière de politique étrangère. C'est un travers de notre système actuel. Le gouvernement n'imagine pas qu'un député ou le Parlement puissent être utiles dans les relations avec les pays étrangers.

Q : Comment expliquez-vous que l'interview que j'ai conduit avec Zafer Sobhi Al Obeidi , de Falloujah, ait été refusée dans toute la presse ?

D. J. : Je l'ignore. Pourtant votre interview était très significative. Je crois la presse dominée par un sens du politiquement correct. Tous les journaux disent la même chose. A partir du moment où les propos de ce haut représentant du peuple irakien, que vous rapportiez, n'émanaient pas du Quai d'Orsay, la presse n'a pas voulu les reprendre.

Q : Où en sont les poursuites judiciaires contre vous et vos collaborateurs ?

D. J. : Ils sont au point mort puisque, depuis le début de l'année, aucun acte d'instruction n'a été publié à mon encontre ou à celui de mes collaborateurs. En dépit de mes lettres, adressées au juge, pour l'informer de ma volonté de collaborer, je n'ai pas reçu la moindre convocation. En attendant, mes collaborateurs sont sous contrôle judiciaire. L'un d'eux est même interdit de travailler.

Q : Les contacts sont-ils toujours interdits entre vous ?

D. J. : Absolument. C'est pourquoi d'autres personnes sont intervenues pour établir entre nous des relations indirectes. On ne pouvait pas faire autrement. Je suis triste pour mon pays, la France. D'un certain point de vue, nous avons une Justice qui ressemble un peu à celle des pays sous développés. L'état donne des ordres et la justice exécute. Rien ne justifie notre mise en examen. Rien. Cela cause un préjudice à l'image de la France.

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