ESTROSI :
UN RASTIGNAC

juillet 2009

La nomination de Christian Estrosi au ministère de l’Industrie est la consécration d’un parcours d’arriviste.


Christian EstrosiChristian Estrosi

Député (RPR puis UMP) de la 5ème circonscription des Alpes-Maritimes depuis 1988, il est réélu de justesse, en 1993, avec 51,57 % des suffrages, face à son adversaire du Front national, Jacques Peyrat (1).

Mais, la même année, il fait un mauvais calcul en prenant parti pour Édouard Balladur contre Jacques Chirac. Cela lui vaut de perdre la présidence de la fédération départementale du RPR. Cependant, dissident, Estrosi reprend la place en 1996, négociant son ralliement avec… Jacques Peyrat, passé au RPR, en échange d’une allégeance à Chirac…

Conscient du poids de la droite nationale dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, il s’aligne sur le programme de Le Pen et, localement, tente de favoriser des alliances entre le RPR et le Front national. Menée par la tête de liste RPR/UDF, François Léotard, une partie de son camp entre alors en guerre contre lui.

Les affrontements sont féroces. Ainsi, le 20 mars 1998, à la suite de la percée du Front national au premier tour des régionales, Léotard trouve Estrosi, dans l’enceinte du conseil régional, tentant de négocier une majorité avec les élus FN pour prendre la présidence de la PACA. Léotard l’apostrophe sans ménagement : « Dégage d’ici avec tes amis ! » éclate-t-il.

Après la victoire de Chirac à la présidentielle de 2002, dans l’impossibilité de s’allier localement au Front, Estrosi tente d’utiliser l’hebdomadaire Minute pour faire évoluer sa propre image. Le directeur de la publication, Jean-Marie Molitor, raconte : « Nous étions à moins d’un an des élections régionales. Estrosi a suggéré un recentrage de Minute à l’un de mes collaborateurs, « juste le temps des régionales et uniquement pour la PACA », a-t-il dit. De sorte que nos lecteurs, qui sont nombreux dans cette région, soient plus « réceptifs » aux arguments électoraux du RPR… Bien sûr, nous en aurions été récompensés... J’ai demandé à mon collaborateur de l’envoyer se faire f… »

Estrosi est cependant élu en 2003 et devient président du Conseil général des Alpes-maritimes. A la même époque, sur les bancs de l’Assemblée, il soutient Nicolas Sarkozy et se lie étroitement à Nadine Morano, député de Meurthe-et-Moselle.

Une proximité payante ! En juin 2007, bénéficiant de l’entregent de Morano, devenue secrétaire d’État à la Famille, Estrosi entre dans le deuxième gouvernement Fillon.

Au contact de celle-ci, liée elle-même aux « Jeunes UMP », que nous qualifierons d’économiquement à droite et de politiquement à gauche, il gauchise son image, reniant sans vergogne les idées qu’il professait pourtant au cours de la campagne présidentielle…

Lors de l’ouverture des grands débats de l’UMP, à Nice, le 24 octobre 2008, par exemple, Estrosi accueillait Benjamin Lancar (2), venu prôner la discrimination dite « positive » en faveur des populations d’origine immigrée. Prenant la parole, il s’enorgueillit d’avoir chassé le FN de « sa cité » et se flattait de favoriser les immigrés partout où il le peut. Notamment en donnant des responsabilités, dans l’équipe municipale, à une Africaine et à une Maghrébine, en raison de leur appartenance ethnique. Pas mal pour quelqu’un qui cherchait à s’allier au Front national !

Autre exemple : le 20 avril 2009, sur RTL, on lui demandait s’il existe un lien entre immigration et insécurité. Il répondait : « Je me refuse à établir ce lien ! » Ce lien, pourtant, il l’établissait sans hésiter dans les colonnes de Minute, en juillet 2000, à la suite d’émeutes ethniques.

A l’égard des homosexuels, même opportunisme. Estrosi s’est fait introduire par Morano auprès du Gaylib, le lobby homo de l’UMP, alors qu’il avait signé le manifeste contre le PACS, en 1999. Le 7 novembre 1999, à l’Assemblée, il avait même déclaré « Ce projet (le PACS) est pernicieux, car il déstabilise la société ». Plus fort : entre les deux tours de l’élection municipale de 2008, il a réuni les associations homosexuelles de Nice pour regretter publiquement d’avoir voté contre le PACS et s’est engagé à soutenir la création dans cette ville d’un « centre gay et lesbien ».

C’est ce qui s’appelle, comme dit la chanson, retourner sa veste… et son pantalon.


Patrick Cousteau

 

Notes

(1) L’élection est néanmoins invalidée en raison d’irrégularités dans ses comptes de campagne et il est condamné à un an d’inéligibilité.
(2) Benjamin Lancar est président des « Jeunes populaires », organisation de jeunesse de l’UMP.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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