LES FARC DE COLOMBIE
ENTRE BANDITISME, TERRORISME
ET PROPAGANDE

juin 2012

Couvrant une opération antidrogue menée par l’armée colombienne pour France 24, Roméo Langlois s’est retrouvé sous le feu dans une embuscade tendue par les FARC, les « Forces armées révolutionnaires de Colombie ». Quatre soldats ont été tués. Lui-même touché au bras, il a été capturé par les attaquants.

Après les six années de captivité d’Ingrid Betancourt, kidnappée le 23 février 2002 par les mêmes FARC, on pouvait attendre le pire. Langlois a eu plus de chance et, le 30 mai dernier, après un mois d’incertitude, a retrouvé la liberté. Pourquoi cette prompte libération ?

Les FARC n’ont rien d’une bande de boy-scouts. Ils émergent en 1958, dans le contexte de la création de zones autonomes à prétention paysanne mais en réalité d’inspiration communiste. Attaqués par l’armée colombienne le 22 juin 1964 et forcés à la fuite, ils font de cette date celle de leur fondation.

Ouvertement marxistes léninistes, jusqu’en 1991 ils apparaissent comme le bras armé du Parti communiste colombien dont ils s’émancipent cette année-là, ce dernier ayant refusé d’organiser son congrès dans une zone contrôlée par la guérilla.

Organisés, disciplinés, structurés en fronts et en milices d’encadrement de la population, ils contrôlent de vastes régions reculées du pays qui échappent à l’autorité de l’État. À plusieurs reprises, des négociations prennent place avec la capitale. En 1984, sous le gouvernement de Belisario Betancur, puis en 1998, avec le Président Andrés Pastrana. Ce dernier crée même une zone démilitarisée par les belligérants. Mais les FARC, violant l’accord, se servent de celle-ci comme base arrière pour lancer des opérations militaires. Puis, ruinant tout espoir de conciliation, ils chassent les fonctionnaires de l’État de la zone démilitarisée.

Au début des années 2000, forts de 17 000 combattants, présents jusque dans la banlieue de Bogota, la capitale, on leur prête alors la capacité de renverser le pouvoir.

Néanmoins, le renforcement de l’aviation de guerre colombienne et l’apparition de milices para-militaires provoquent leur affaiblissement. Faisant évoluer leur tactique, ils se lancent alors dans l’enlèvement d’hommes politiques, renforcent leurs activités dans le trafic de la drogue, légitimé dès 1982 par leur VIIè congrès, et transforment l’extorsion de fonds et les kidnappings contre rançon en véritables industries.

Les FARC s’intègrent aussi dans le dispositif terroriste international. En 2001, trois hommes de l’IRA (mouvement terroriste irlandais) ont été interceptés à Bogota et condamnés pour avoir transmis leur savoir-faire en matière d’attaques à l’explosif à leurs « collègues » colombiens. Des échanges de connaissances ont aussi eu lieu entre l’ETA (mouvement terroriste basque) et les FARC

À partir de 2002, l’élection d’Alvaro Uribe à la Présidence leur donne un coup redoutable. Celui-ci mobilise l’armée contre eux. Ils perdent plusieurs commandants au combat et l’État reprend ses droits dans des régions dont le contrôle lui échappait totalement. En 2010, les FARC ne disposent plus que de 8 000 hommes, dont des enfants recrutés de force.

Plus grave pour eux, jusque-là conciliant à leur égard allant jusqu’à les soutenir, sur son territoire, le Venezuela voisin coopère désormais avec la Colombie pour arrêter des commandants des FARC.

À cela s’ajoute le peu de soutien dont jouit l’organisation dans l’opinion colombienne. Preuve du peu d’engouement qu’elle suscite, les partis de gauche, en raison leur proximité idéologique avec les guérilleros, ne parviennent pas à dépasser quelques pour cents aux élections.

C’est dans le contexte de l’érosion de leurs forces qu’il faut placer la libération de Roméo Langlois par les FARC. On note qu’à son retour en France, ce dernier était porteur d’une missive adressée par leur commandement à François Hollande pour demander « une sortie négociée » du conflit.

Cette apparence d’ouverture des FARC ne doit pourtant pas duper. Dans la région de Caqueta, le 3 juin dernier, sur le chemin d’une maternité, ils assassinaient quatre personnes : une femme qui allait accoucher, son accompagnatrice et les deux policiers qui les escortaient. Les atrocités commises par l’organisation colombienne nous rappellent que les islamistes radicaux ne sont pas les seuls à pratiquer le terrorisme.

Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 
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