La mise à mort de l’apostat au Maroc

juin 2013

Le Maroc est une destination à la mode. Certains Occidentaux nourrissent même le projet d’y terminer leurs jours. N’y a-t-il cependant pas quelques aspects de ce pays qu’ils ignorent ?

Le quotidien arabophone marocain « Akhbar Al Youm » (1) a suscité une belle polémique. Dans un article daté 16 avril il a affirmé que consulté par la Délégation ministérielle des droits de l’Homme (2), le Conseil supérieur des Oulémas avait estimé qu’un musulman renonçant à sa foi islamique méritait la peine de mort.

Pour donner son avis, le Conseil des oulémas s’est appuyé sur un recueil de fatouas qui vient d’être publié par ses soins. À la page 291, il est dit que « le musulman qui change de croyance mérite la mort »

Si, en France, la presse à grand tirage na pas pipé mot de cette déclaration, nombre de médias militants, inquiets de la montée de l’islamisme, voire de l’islam, ont réagi avec vigueur. Ces derniers croyaient déjà la peine de mort pour apostasie de l’islam inscrite dans la loi marocaine.

La vérité est un peu plus nuancée, même si la position des oulémas est inquiétante. Ceux-ci, en effet, ne jouissent ni d’un pouvoir législatif, ni d’un pouvoir exécutif. Ils sont uniquement interrogés par les autorités à titre consultatif.

Les réactions sont du reste très révélatrices de l’isolement des oulémas parmi les notables marocains. D’après l’enquête réalisée par la publication « Lakome » (3) Ahmed Assid, un chercheur marocain et militant des droits de l’Homme a dit : « Nous sommes face à un avis juridique englué dans l’extrémisme et le sous-développement, faisant de ses auteurs des personnes vivant en marge du siècle qui est le nôtre ».

Plus significatif encore, Abdessamad El Idrissi, député et membre du parti islamiste PJD (4), s’opposant à la mise à mort de l’apostat, a estimé la liberté de croyance relevant des droits de l’Homme.

Il est vrai, pendant des siècles, la mise à mort pour apostasie de l’islam a été couramment admise, même si très peu pratiquée, personne n’étant assez fou pour abjurer cette religion en terre musulmane. Si les islamistes radicaux restent attachés à cette sanction, la tendance générale est cependant à sa suppression.

Sur ce sujet et dans d’autres, on assiste à une évolution des sociétés musulmanes, y compris de la part de certains islamistes (5). S’il convient de dénoncer les errements doctrinaux de certains oulémas, il faut aussi signaler les efforts d’ouverture de musulmans de plus en plus nombreux.

Un conflit de société a pris place dans le monde musulman entre intégristes et modernistes. Nous serions bien inspirés de soutenir les seconds contre les premiers, plutôt que de jeter systématiquement l’anathème sur tout ceux qui se rendent à la mosquée.

Notes

(1) L’article a été repris en français par « Lakome », une autre publication marocaine.
(2) Cet organisme présidé par le roi du Maroc a posé sa question dans le cadre des travaux sur un « Pacte international relatif aux droits civils et politiques » qui doit se tenir en Suisse.
(3) Publiée le 16 avril 2013.
(4) Parti pour la Justice et le développement, dirigé par Abdelillah Benkirane qui est l’actuel chef du gouvernement.
(5) Hassan Attourabi, leader islamiste soudanais, nous a dit être pour sa part être opposé à la condamnation à mort de l’apostat. Voir « Islam avenir du monde » publié chez Lattès et écrit par Alain Chevalérias.

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