" GUY MÔQUET "
Lettre ouverte à Xavier Darcos

Monsieur le Ministre de l'Éducation nationale,

Le 15 octobre 2007, dans votre tribune du quotidien Le Monde, vous confirmez votre campagne en faveur du jeune Guy Mocquet (comme ainsi orthographié dans la presse communiste de l'époque, et non Môquet, comme écrit aujourd'hui dans tous les journaux) dont le père, Prosper Mocquet, député communiste de la Seine, était interné pour trahison des intérêts de l'État, puisqu'il avait souscrit au Pacte germano-soviétique d'août 1939, ainsi que tous ses camarades de la Chambre des Députés.

Dans le texte du Monde, vous écrivez que ce garçon " était partagé entre la piété filiale et l'intérêt supérieur de la Nation ". Étrange affirmation ! Si vous aviez consulté la collection complète de L'Humanité parue sous l'Occupation depuis l'été 1940, au moment où la Wehrmacht défilait sur les Champs-Élysées, vous auriez constaté que la prose que le jeune Guy Mocquet distribuait alors dans le pays adhérait pleinement à la collaboration avec l'occupant. Cette collection intégrale de L'Humanité et divers tracts communistes de l'époque sont éventuellement à votre disposition.

Tous les numéros de ce journal se félicitaient en été et automne 1940 du Pacte germano-soviétique " qui consolidait la paix à l'Est de l'Europe ", et assuraient que " plusieurs millions d'hommes étaient libérés " (sic).

Datée du 3 octobre 1940, L'Humanité se plaint que Londres ait interdit la parution en Angleterre du Daily Worker, organe du PC britannique, car ce quotidien célébrait l'entente entre Moscou et Berlin. De même, on relève encore le 10 mai 1941 que L'Humanité attaque " De Gaulle et Larminat et autres réactionnaires ".

Le fils Mocquet distribuait ce genre de prose que vous attribuez " à l'intérêt supérieur de la Nation " !

Vous me permettrez de rappeler qu'au même moment, tout en terminant ma première année de Droit, j'avais aussi à peine 17 ans. Or avec mon ami Pierre Garanger, nous avons fondé dans une cave de Vichy " La Dernière Colonne ", qui a apporté à Emmanuel d'Astier de La Vigerie ce qui servit de main-d'oeuvre au mouvement " Libération ", cautionné dans nos rendez-vous clandestins par le professeur à la Faculté de Clermont-Ferrand, Henri Cavaillès, présent au jour de la fondation du mouvement et resté mon ami jusqu'à ce qu'il quitte " Libération " pour militer comme moi, et pour les mêmes raisons, dans d'autres réseaux.

A l'époque - il est besoin de vous le dire puisque vous semblez ignorer les dessous de l'Occupation - la fraction des communistes ralliée à Jacques Duclos militait pour la " coopération " avec l'occupant. Certains de ces activistes, non seulement " fraternisaient " avec les soldats allemands (comme il était recommandé de le faire dans L'Humanité), mais certains ne se gênaient pas pour dénoncer à la Gestapo des gens comme nous autres. Henri Cavaillès en est mort. (J'ai moi-même été recherché et poursuivi en 1943 et 1944 par le groupe germano-français de la Gestapo, dit Kommando 306, bien connu rue Lauriston, à Paris).

En un mot, Guy Mocquet a été victime de son zèle, dans la filiation de son père, pour une politique à laquelle les premiers résistants dès l'automne 1940, et non après juin 1941, étaient hostiles. Henri Cavaillès, Pierre Garanger et la quelque centaine de jeunes militants de " La Dernière Colonne " agissaient, eux, dans plusieurs départements, " dans l'intérêt supérieur de la Nation ", ce qui n'apparaît pas dans le texte de Guy Mocquet. Voilà donc un abus d'interprétation auquel les survivants et authentiques résistants ne sauraient souscrire.

Il s'agit là d'une grave atteinte à la vérité historique. Mocquet fut arrêté le 10 octobre 1940, tandis qu'il distribuait une prose contraire à l'intérêt national, au moment où Berlin et Moscou étaient plus que jamais alliés.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, mes regrets distingués.

Pierre Faillant de Villemarest

Pierre Faillant de Villemarest a été agent P 2 du réseau Kleber-Galien et officier dans le Vercors pendant la Résistance. Il a reçu la Croix de guerre 1939-1945, une Citation à l'ordre du Corps d'Armée, la Croix du Combattant Volontaire de la Résistance et la Médaille des Engagés Volontaires 1939-1945. Il est membre de l'Amicale des Anciens des Services spéciaux de la Défense nationale et membre de l'Association des Écrivains Combattants.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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