HUGO CHAVEZ
Ange ou démon ?

avril 2013

Hugo Chavez est décédé d’un cancer le 5 mars à l’âge de 58 ans. Ministre français de l’Outre-mer, Victorin Lurel représentait le gouvernement aux funérailles. Il a dit : « Chavez c’est De Gaulle plus Léon Blum. De Gaulle parce qu’il a changé fondamentalement les institutions et Léon Blum, c’est à dire le Front populaire, parce qu’il lutte contre les injustices ». Et d’ajouter : « Le monde gagnerait à avoir beaucoup de dictateurs comme Hugo Chavez puisqu’on prétend que c’est un dictateur... » À l’autre bout de l’éventail politique, Alain Soral avait lancé en 2011 le slogan « Nous voulons un Chavez pour la France ». Les contempteurs ne manquant pourtant pas qui qualifient le Vénézuélien de « dictateur » qui a fait couler le sang de son peuple, de « bouffon fantasque » en quête de
popularité. Qu’en est-il ?

Le petit Hugo est né dans le Llanos, région agricole du Venezuela, en juillet 1954. Son père et sa mère étaient instituteurs mais vivaient néanmoins chichement. Détail d’importance, il est l’arrière-petit-fils de Pedro Pérez Delgado, surnommé Maisanta, un chef de guérilla qui se rebella contre le pouvoir et mourut en prison.

Élève doué, de plus passionné par l’étude, il s’intéressa très tôt à la politique et aux écrits de Simon Bolivar* tout en exerçant une activité sportive intense comme joueur de baseball. Exception à l’époque, il accéda au collège et, à 17 ans rejoignit l’armée puis l’académie militaire afin de devenir officier.

Très vite, il se fit remarquer par son militantisme et, avec quelques autres élèves officiers, réfléchissait à une ligne politique à la fois gauchiste et nationaliste dirigée contre l’influence écrasante des États-Unis dans le sous-continent. Ils surnommèrent cette idéologie le « Bolivarianisme » en référence à Bolivar.

Le 5 juillet 1975, le jeune Chavez sortit de l’académie avec le grade de sous-lieutenant. Il était 8ème de sa promotion. Mais les ambitions politiques le taraudaient et le 24 juillet 1983, au sein de l’armée, il créa le « Mouvement révolutionnaire bolivarien 200 », ou MBR-200. Ne rencontrant pas d’opposition du pouvoir et comptant ne pas s’arrêter sur un si bon chemin, le 4 février 1992, avec son parti il tenta un coup d’État. Ce fut un échec et Chavez se retrouva en prison. Incarcéré mais pas abattu, du fonds de sa geôle il enregistra un nouvel appel au soulèvement qui avorta lui aussi.

En 1994, réélu, le Président Rafael Caldera lui accorda sa grâce. Mais le bouillant jeune homme ne renonçait pas et, en 1998, créa un nouveau parti, le
« Mouvement cinquième République » ou MVR. Candidat, pendant la campagne présidentielle il donna à fond dans le populisme de gauche, se présentant comme « le fléau de l’oligarchie et le héros des pauvres ». Bon calcul, car le 6 décembre 1998, il se voyait élu avec 56% des suffrages exprimés, un record jamais atteint au Venezuela.

Commence alors l’une des présidences les plus surprenantes du pays.

Dès le 25 avril 1999, Chavez appelle à un référendum pour changer la Constitution. Puis un second le 19 décembre pour approuver le nouveau texte : c’est un oui à 92%. Le pays prend alors le nom de « République bolivarienne du Venezuela », le sénat est supprimé, une seule chambre subsistant, et la possibilité d’un « référendum révocatoire » est institutionnalisée, permettant aux Vénézuéliens de destituer les gouvernants, fonctionnaires et même le Président de la République.

De nouvelles élections générales ont alors lieu le 30 juillet 2000. Le MVR remporte 93 sièges, sur 165, à l’Assemblée nationale et Chavez est élu à 59,5%. Il se lance alors dans un programme de réformes : redistribution d’une partie des terres, prise de contrôle par l’État du secteur pétrolier, générateur du principal revenu du pays, et confiscation généralisée des terrains côtiers.

Le principe de ces changements n’est pas critiquable en soi. En effet, de grands propriétaires possédaient la plus grande partie des terres, les « latifundias », et les laissaient plus ou moins à l’abandon. Quant à la production pétrolière, elle bénéficiait principalement aux compagnies américaines au détriment du pays lui-même.

C’est surtout la méthode qui nous apparaît discutable : décrétées plus que négociées, ces réformes violent le droit de propriété et radicalisent contre le pouvoir non seulement les nantis mais aussi les classes moyennes. Elles s’inscrivent, non dans une démarche de justice sociale, mais de lutte des classes.

Mais Chavez joue de malchance. Les attentats du 11 septembre 2001 provoquent l’effondrement des cours du pétrole, principal revenu du pays. Le pays est plongé dans la crise économique. Le 10 décembre, le patronat et les syndicats appellent à la grève générale. En réponse, le pouvoir organise des manifestations de masse pour soutenir Chavez. La tension monte de mois en mois.

Le 7 avril 2002, à l’émission hebdomadaire qu’il s’est octroyée, « Alo Presidente », Chavez apparaît muni d’un sifflet, l’instrument de l’arbitre des matchs de football, pour destituer en direct sept dirigeants de PDVSA la compagnie pétrolière nationale. Les manifestations redoublent en intensité. Des affrontements éclatent entre les deux camps. Le 11 avril, les premiers morts tombent. Chavez ordonne à l’armée de mettre en oeuvre le plan d’action contre « les troubles de l’ordre public ».

Mais dans l’armée elle-même, le « Presidente » n’a pas que des amis. Le général Rosendo, en charge, n’exécute pas l’ordre et soutient les officiers qui demandent la démission du gouvernement. Puis son collègue, le général Romero, apparaît à la télévision et déclare ne plus reconnaître l’autorité de Chavez. Le 12 avril, il annonce la démission de ce dernier qui est fait prisonnier. Pedro Carmona, le président d’un syndicat patronal, assure l’intérim à la tête du pays. Tout semble dit.

Mais dans la nuit du 13 avril, les partisans de Chavez parviennent à s’emparer d’une chaîne de télévision. Puis une faction de l’armée manifeste son soutien au Président déchu et, le 14 avril au matin, une unité héliportée le libère et de réinstalle à la tête de l’État.

Ce qu’ils n’ont pas pu obtenir par la force, les adversaires de Chavez vont alors essayer de l’avoir légalement. Ils déclenchent la procédure du « référendum révocatoire » inscrite dans la nouvelle Constitution. Mais le 15 août 2004, c’est à nouveau 58% des Vénézuéliens qui votent contre sa destitution. Succès confirmé aux élections du 3 décembre 2006 avec 62,8% des voix.

Pourquoi, s’interroge-t-on, cette popularité de Chavez ? Il y a bien sûr son style direct, à mi-chemin entre Robin des Bois et un personnage de cirque pour parler au nom des intérêts des plus démunis. Ceci dans un pays où la classe moyenne reste en sous-effectifs par rapport aux démunis qui forment le gros des contingents d’électeurs.

Il y a aussi la redistribution des revenus du pétrole. D’abord grâce aux emplois publics : sur 6,5 millions de salariés 2 millions servent dans les structures de l’État. Ensuite, ont été mis en place un système de distribution de nourriture subventionnée, le MERCAL, et un programme alimentaire scolaire dans les écoles publiques en même temps que les aides sociales croissaient de 160%. Enfin, l’arrivée de 20 000 médecins cubains rétribués avec la manne pétrolière a permis de soigner les moins bien lotis.

Résultat, la pauvreté a baissé de moitié, le taux de chômage est passé de 11,3% en 1998 à 7,8% en 2008, les décès liés à la malnutrition ont chuté de 35%, le revenu par habitant a bondi de 4000 $ à 13 000 en 2009, l’analphabétisme a été éradiqué et le nombre d’étudiants admis dans l’enseignement supérieur a doublé de 1999 à 2008. Les classes populaires ont des raisons de vénérer Chavez.

Néanmoins, il faut voir aussi le revers de la médaille. Le miracle Chavez ne tient que grâce au pétrole et à son prix élevé. Or, « el Presidente » n’a rien fait pour développer l’industrie, les moyens de communication, l’agriculture ou les services du pays. En d’autres termes, pour des raisons sociales et par manque de préparation, le Venezuela est structurellement encore plus dépendant du pétrole après qu’avant Chavez.
Tout aussi grave apparaît sa gestion de la politique étrangère. Sa haine des États-Unis l’a poussé à des excès. D’abord en insultant leur Président jusqu’à la tribune des Nations Unies. Ensuite en s’alliant à des gens comme Ahmadinejad, Kadhafi ou Bachar El Assad, tous connus pour leur degré peu élevé d’humanisme.

C’est sans doute ce qui restera à l’étranger comme le trait marquant du gouvernement de Chavez. Parce qu’en choisissant ses amis chez les ennemis de ses ennemis, il s’est enfermé dans le camp des parias.

Note

* Simon Bolivar (1783-1830) est le héros de l’émancipation des colonies espagnoles d’Amérique du sud.

 PLACE DU VENEZUELA
DANS LE MONDE

Population :

28 millions d’habitants, 45ème place,
dont 93% urbanisés

Économie

PIB : 402 milliards de dollars, 34ème place dans le monde
Taux de croissance : 5,7% en 2012
PIB par tête : 13 200 $, 96ème place
Chômage : 8% en 2012

Importance du pétrole :

94% des exportations
La moitié des ressources de l’État.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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