DU SANG
POUR RAMA & MAHOMET

octobre 2008

Le 13 septembre 2008, sur huit bombes, cinq explosent à New-Delhi, la capitale de l’Inde. De sources hospitalières, on compte 24 morts et une centaine de blessés. En l’espace de 45 minutes, les attaques ont ciblé des sites symboliques de la modernité dont se réclament les classes moyennes du pays : le quartier de Greater Kailash, avec ses bars, la place Connaught, entourées de commerces et de restaurants, et, plus au nord, les magasins d’électronique.

Le surlendemain, la police indienne arrête deux suspects, des musulmans, par ailleurs soupçonnés d’avoir participé à une autre tuerie : les 16 attentats perpétrés le 26 juillet 2008 à Ahmedabad, causant la mort de 58 personnes.

Du reste, comme cette fois-là, les attaques sont revendiquées par le mouvement des « Moujahidine indiens » « pour que vous sentiez, dit le communiqué, l’injustice et l’oppression infligée aux musulmans à travers le pays ». Le même groupe avait revendiqué une attaque le 13 mai au Rajasthan, causant la mort de 61 victimes, et au Bengalore le 25 juillet 2008.

Beaucoup plus que ne le disent les autorités indiennes, cette violence communautariste s’inscrit dans une tradition locale. Tout remonte à 1947, quand le Pakistan, faisant sécession du reste de l’Inde, créa un État musulman. L’échange de population, entre hindouistes* et mahométans, fut déjà l’occasion de massacres.

En 2002, une nouvelle flambée de violence anti-musulmane avait embrasé Ahmedabad, causant la mort de 2000 personnes. Un parti hindouiste, le « Bharattiya Janata Party », assumait la responsabilité de ces massacres. Si face aux attentats du 13 septembre le « Times of India » et le « Hindustan Times » ont pris des accents « bushistes » pour se déclarer en guerre « contre le terrorisme », un autre journal, « The Hindu », rappelait dans son édition du 15 septembre « la rage alimentée par l’échec déprimant de l’Inde à agir contre les auteurs de la violence des fondamentalistes hindous ».

On comprend d’autant mieux la réaction de « The Hindu », que l’Inde compte 150 millions de musulmans, soit 14% de la population totale, face à 80% d’hindouistes. Les gens éclairés craignent que le fanatisme de certains hindouistes ne provoque une guerre civile. L’inquiétude se justifie d’autant plus que le « jihadisme », importé du Bengladesh et surtout du Pakistan, tend à imprégner l’esprit d’un nombre croissant de jeunes musulmans avides de vengeance.

Or, sur ce plan, se dessine l’ombre portée du Pakistan. Plusieurs partis jihadistes de ce pays entretiennent des relations avec les musulmans indiens. Parmi eux, le Harakat-ul-Jihad-Al-Islami, le Lachkar-i-Taïba et le Jech-e-Mohammad.

Le premier est dirigé par Jal Mohammad, un Cachemiri. Nous avons vu des photos de lui brandissant des têtes d’Indiens décapités. Le second a été interdit au Pakistan mais sous un autre nom, Jamaat Ud-Dawaa, continue d’être actif au Cachemire sous une couverture humanitaire.

Enfin, le troisième, le Jech-e-Mohammad, est dirigé par maoulana Massoud Athar. En décembre 1992, celui-ci avait été choqué par la destruction de la mosquée Babri par une foule de fanatiques hindouistes dans la ville indienne de Ayodhya. Cette dernière avait été construite par les musulmans au XVIème siècle, à la place d’un temple indien consacré au dieu Rama.

Athar avait alors fondé un mouvement en Inde, le « Indian Hindus As Sooti Romal », et s’était rendu dans ce pays pour prononcer des conférences enflammées devant les musulmans de l’Inde. Résultat, il avait été incarcéré et n’avait dû sa libération, en décembre 1999, qu’à une prise d’otages organisée par ses partisans. De retour au Pakistan, il avait créé le Jech-e-Mohammad et était entré en relation avec Oussama Ben Laden et Mollah Omar en Afghanistan. Aujourd’hui, on sait qu’il dispose, entre autres, de plusieurs camps d’entraînement militaire dans la région de Mansehra, ville située à une soixantaine de kilomètres au nord d’Islamabad.

Dans le sous-continent indien, une ligne de front se constitue entre deux fanatismes : l’hindouiste et l’islamiste. Il faut craindre le pire quand, en même temps, Israël resserre ses relations militaires avec New Delhi, dans l’intention de prendre l’ensemble musulman à revers.

* L’hindouisme est une religion polythéiste héritée des conquérants indo-européens, venus de la steppe asiatique à partir du deuxième millénaire avant J-C. Mêlée de croyances des populations indigènes, elle est devenue le marqueur identitaire du plus grand nombre des Indiens.

 

 En Inde, flambée
de violences antichrétiennes

Le 23 août 2008, dans l'État indien de l'Orissa, Swami Laxmanananda Saraswati, l'un des responsables du Conseil mondial hindouiste, était assassiné avec quatre de ses coreligionnaires. Le lendemain, la guérilla maoïste, très implantée dans cette région du pays, revendiquait ces crimes. Mais les partis politiques hindouistes rejetaient cette déclaration et accusaient la minorité chrétienne avant de se lancer dans une campagne de manifestations qui ont dégénéré.

Meurtres, destruction d'églises et écoles chrétiennes ensanglantaient l'Orissa. Le 25 août, les émeutiers attaquaient un orphelinat pour enfants lépreux tenus par des religieuses catholiques. Ils y ont mis le feu et tué Rajani Majhi, une jeune infirmière âgée de 20 ans.

Pour survivre, des chrétiens ont été obligés de signer des documents affirmant qu'ils appartiennent à la religion hindouiste. D'autres ont été contraints de détruire leurs églises et leurs maisons.

Le 19 septembre, on comptait au moins 25 morts et environ 50 000 chrétiens en fuite dont beaucoup se terraient dans la forêt. Un demi millier de maisons et des dizaines de lieux de culte étaient incendiés. Six prêtres, blessés, ont été hospitalisés, rapporte l'archevêché de Cuttack-Bhubaneshwar. Pendant le week-end du 13 au 14 septembre 2008, la police était obligée d'abattre deux émeutiers hindouistes.

Cependant, à peine la violence baissait-elle en intensité en Orissa, qu'elle s'emparait de l'État du Karnataka. Le 20 septembre, on dénombrait déjà une dizaine d'églises mises à sac et plusieurs dizaines de personnes blessées.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com
 

 

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