CONFLIT A L’INTÉRIEUR
DE LA COMMUNAUTÉ JUIVE

octobre 2009

« J Street », pour la « rue juive », a été créée aux États-Unis en avril 2008 pour faire un contre-feu face à l’extrémisme du « lobby pro-israélien » de l’AIPAC (1) aux États-Unis.

« J Street » se présente comme « une organisation pro-israélienne pour la paix ». C’est une des premières associations juives américaines à avoir été invitée à la Maison Blanche après l’élection de Barack Obama. Son entrisme dans les milieux politiques inquiète les radicaux de la communauté. Ceux qui, jusqu’à aujourd’hui, prétendaient parler au nom de tous les Juifs en monopolisant la communication.

On a déjà vu comment des Juifs, francs-tireurs courageux, comme Rony Brauman (2), sont insultés par leurs coreligionnaires pour avoir osé dire des vérités gênantes sur les excès d’Israël.

A la hargne de ces réactions contre des individus isolés, on pouvait imaginer la vigueur de la réponse quand la contestation émane d’une organisation reconnue par le Président des États-Unis.

L’attaque est venue du journal israélien « Jerusalem Post ». Il s’en prend à « l’endroit qui fait mal » : le portefeuille. Dès la première ligne, il lance : « Le comité politique de J Street a reçu des dizaines de milliers de dollars de dons de douzaines d’Arabes et de musulmans américains, ainsi que d’individus liés à des organisations intervenant dans les dossiers palestiniens et iraniens »(3).

En d’autres termes, l’auteur de l’article laisse entendre que « J Street », aux ordres des « lobbies musulmans », n’est qu’une officine au service des intérêts arabes.

En réalité, « les donateurs musulmans et arabes représentent un très petit pourcentage, au plus 3%, sur les milliers de contributeurs à l’organisation », précise Jeremy Ben Ami, le directeur de « J Street ».

Les noms des donateurs cités par le « Jerusalem Post » font du reste presque sourire. Geneviève Lynch est présentée comme « membre du Bureau du conseil irano-américain ». Le mot iranien est destiné à faire peur. Il ne s’agit pourtant pas d’une émanation des mollahs mais d’une structure communautaire, aidant les réfugiés d’Iran, qui ont fui le régime, à s’intégrer dans la société américaine.

Dans le journal, présentés comme dangereux pour Israël, figurent aussi les noms de Richard Abdoo, homme d’affaires américain d’origine libanaise, Nancy Dutton, une avocate qui, une fois, a représenté l’ambassade saoudienne, et Nicole Shampaine, directrice du bureau Égypte et Proche-Orient au Département d’État (4).

L’un des donateurs, il est vrai né Palestinien, Zahi Khouri, est chrétien. Il a accepté de répondre : « Je crois, a-t-il dit, qu’ils (J Street) sont sincères dans leur approche pro-israélienne favorable à la paix. Je vois dans l’AIPAC une ennemie d’Israël plutôt qu’une amie parce qu’elle ne fait rien pour promouvoir la paix ».

Un raisonnement qui doit faire grincer des dents dans certaines officines, mais qui ne manque pas de bon sens. Difficile en tout cas de faire passer Zahi Khouri pour un homme de guerre. Il travaille à développer des structures économiques dans Gaza et les territoires occupés et demande l’égalité des droits entre Palestiniens et Israéliens.

En réalité, nous savons où le bât blesse. Quand le directeur de « J Street » affirme son organisation « basée sur les valeurs juives et le désir de soutenir l’État d’Israël » il sape les positions de l’AIPAC, donnant à penser que l’on peut respecter les principes juifs, défendre l’État d’Israël et travailler honnêtement pour l’instauration de la paix.

Aveuglés par une certaine idée de l’État hébreu, les adversaires de « J Street » ne comprennent pas qu’ils devraient se réjouir de la situation. Quand des Arabes et des musulmans soutiennent une organisation qui défend ouvertement l’existence d’Israël, cela signifie qu’un nombre grandissant de musulmans accepte l’existence de l’État hébreu. Voilà qui vaut reconnaissance de fait et la paix en prime. A moins que les détracteurs de « J Street » ne veuillent pas de la paix, car elle mettrait un terme à la colonisation et à l’expansion d’Israël.

Au fait, détail qui a son importance, Richard Perle est l’un des directeurs du quotidien le « Jerusalem Post » et un proche de Bush. On se souvient, en 2003, de l’insistance avec laquelle il soutint la guerre contre l’Irak, cautionnant la propagande concernant les prétendues armes de destruction massive de Saddam Hussein.

 

Notes

(1) Voir « Des juifs américains contre la politique d’Israël ».
(2) Voir « Interview de Rony Brauman ». Membre fondateur de Médecins Sans Frontières, Brauman, né en Israël, est de parents juifs.
(3) In « Jerusalem Post » du 14 août 2009, en anglais.
(4) Pour mémoire, l’équivalent des Affaires étrangères chez nous.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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