Liu Xiaobo
Un Nobel sous influence

novembre 2010

Le 8 octobre, le Prix Nobel de la paix était décerné à Liu Xiaobo, un universitaire et opposant politique chinois, condamné à onze ans de prison pour « subversion » depuis décembre 2009. Cette nomination fait suite à plusieurs d’opposants à un régime autoritaire, dont ceux attribués à Chirine Ibadi (2003) pour sa défense des droits des femmes en Iran, à Aung San Suu Kyi (1991) chef de l’opposition au régime des généraux en Birmanie, ou à Lech Walesa (1983) leader anti-communiste polonais.

C
e n’est donc pas une première. D’autant moins qu’en 1989, déjà, la Chine s’était vue mise involontairement en avant avec l’obtention du même Nobel par le Dalaï Lama pour sa lutte non-violente en faveur de « la libération du Tibet ».

Si les jurés n’ont donc pas dérogé en portant leur choix sur Liu Xiaobo, ils n’en n’ont pas moins été attaqués. Par le gouvernement chinois tout d’abord, qui accuse le comité Nobel de s’être « déshonoré » et prédit une dégradation des relations sino-norvégiennes.

Par certains dissidents chinois en exil ensuite, qui ne voient pas dans Liu Xiaobo le plus méritant d’entre eux. A première vue, on peut estimer cette critique la manifestation d’un sentiment de jalousie. D’autant plus que le comité Nobel donne de solides raisons pour défendre son choix : le lauréat, privé de liberté, est en outre un opposant résidant de plus en Chine et non à l’étranger.
La biographie de Liu Xiaobo plaide en faveur de son élection. En 1989, enseignant, il avait participé aux manifestations de la place Tian’anmen. On se souvient, l’armée avait fait rouler les chars sur les étudiants causant la mort, selon un rapport de la Croix Rouge, de 2 600 personnes. Il avait alors participé à une grève de la faim pour soutenir les étudiants.

Lors des troubles au Tibet et de la reprise de contrôle violente de la ville de Lhassa par les forces chinoises, en mars 2008, il cosignait l’appel à la modération de 28 intellectuels chinois. Il a également dénoncé les brutalités policières au Xinjiang.

Il existe néanmoins quelques ombres au tableau. À plusieurs reprises, depuis 2003, Liu Xiaobo a soutenu l’agression de George W. Bush contre l’Irak. D’après la traduction des textes en chinois, il verrait dans la méthode Bush le meilleur moyen de traiter les États dépourvus de morale pour soutenir la liberté et la démocratie dans le monde. Il aurait aussi salué la mort de Yasser Arafat comme l’avènement de la paix entre les Israéliens et les Palestiniens.

Enfin, de 2003 à 2007, il a été président de l’ « Independent Chinese Pen Centre », puis membre du bureau exécutif. Cette organisation non-gouvernementale, dont la maison mère, l’ « American Pen Center », est basée en Californie, reçoit un important financement du NED (« National Endowment for Democracy »), lui-même dépendant des ressources des Affaires étrangères des États-Unis.

Ce n’est pas tout ! Au mois de janvier dernier, un quarteron de personnalités avait signé une pétition, largement reprise dans la presse internationale, principalement anglo-saxonne, pour réclamer l’attribution du Prix Nobel de la paix 2010 à Liu Xiaobo. On s’étonne tout d’abord que des personnes, fussent-elles éminentes, se permettent de suggérer avec insistance une nomination de la part d’un organisme indépendant. On s’étonne encore plus que cet organisme se soumette à cette pression quelques mois plus tard car, après tout, il ne manque pas d’hommes et de femmes courageux combattant des régimes intolérables de par le monde.

Parmi les huit signataires de cet appel, figurait le nom d’André Glucksmann, lui aussi un fervent partisan de l’offensive américaine contre l’Irak. On voit des réseaux d’influence décider de tout, manipulant l’opinion à coups d’émotions. Nous sommes tous devenus des « fils de pub ».

Néanmoins, si cette fois, l’argent américain peut servir utilement, ébranlant la dictature politique chinoise, réjouissons-nous. D’autant plus que la libéralisation du régime s’accompagnera nécessairement de l’augmentation des salaires, préludant à des relations économiques moins destructrices pour nos emplois. C’est pourquoi, après tout, il faut saluer l’obtention du Prix Nobel de la paix par Liu Xiaobo.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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