LOI SUR
LE RENSEIGNEMENT

juillet 2015

Il y a le totalitarisme de droite, mais aussi le totalitarisme de gauche. Aujourd’hui il pourrait émaner de la gauche et s’exprimer dans la création d’un nouvel outil, la loi sur le renseignement votée le 24 juin. On remarquera qu’en 1ère lecture à l’Assemblée nationale, 438 députés ont voté pour, 86 contre et que 42 se sont abstenus. Le 24 juin, en plus petit comité, avant le renvoi du texte devant le Conseil constitutionnel, pas une voix d’opposition n’a été enregistrée. Cela en dit long sur la connivence qui existe entre députés de gauche et députés de droite, pour ne pas parler des sénateurs, sur certains sujets sensibles, comme l’Europe, les relations avec les États-Unis, le mondialisme inavoué mais omniprésent et, dans l’affaire qui nous intéresse, en matière de contrôle de la population.

On nous dit cette loi destinée à renforcer les moyens des services de renseignement pour combattre le terrorisme. En ces temps troublés, après les épopées sanglantes du 7 au 9 janvier derniers, l’attentat perpétré le 26 juin par Yassin Salhi, les multiples attaques commises à travers l’Europe, mais surtout en Afrique et au Moyen-Orient et, disons-le, la peur de voir revenir d’Irak ou de Syrie de jeunes musulmans fanatisés, qui de raisonnable pourrait dénigrer une loi réputée mieux protéger notre pays et ses citoyens ?

Personne, bien sûr. Personne si cette loi n’est destinée qu’à cela. Personne si elle le fait, aussi, en évitant autant que possible de réduire nos libertés essentielles et de violer notre vie privée. Or, sur ces points, nous avons les plus grandes craintes.

En effet, dans le texte de la loi, il est dit que la mission des services de renseignement s’étend aux recherches concernant les « atteintes à la forme républicaine des institutions ». Être royaliste ou bonapartiste et le proclamer représente-t-il une « atteinte » à ces sacro-saintes institutions ? Pire, remettre en cause cette idée étrange, aujourd’hui légalisée, du « Mariage pour Tous », peut-il être considéré comme une menace pour la République ? Il est permis de se le demander quand on a vu avec quelle fureur, parfois, les pouvoirs publics ont réprimé les manifestations des opposants à cette lubie.

On peut craindre par conséquent que cette nouvelle loi ne serve aussi à surveiller et isoler les indociles. Que, finalement, elle ne soit qu’un nouvel outil pour modeler l’opinion en l’intimidant.

Il est vrai, les méthodes autorisées ne sont pas nouvelles. Elles vont de la « géolocalisation », en plaçant un émetteur dans un véhicule, jusqu’à l’interception des différents moyens de communication (téléphone, courrier électronique etc...) et à l’installation de micros dans un domicile. Elles incluent « l’aspiration ». Technique étonnante, possible avec une simple valise contenant un appareil appelé « Imsi Catcher », elle permet de siphonner toutes les données des téléphones, ordinateurs etc... plusieurs centaines de mètres à la ronde.

Les futés vous répondent que les services de renseignements utilisent depuis longtemps ces techniques. Qu’en fait, la loi ne fait que les légaliser tout en les soumettant à une autorisation émanant du Premier ministre. Nous ferons remarquer qu’un Premier ministre reste faillible. Comme le Président, il peut se laisser gagner par des pulsions mégalomanes. Il y a au moins un précédent, avec François Mitterrand quand, à l’Élysée, il a été touché par la fièvre de l’espionnage.

Mais ce n’est pas tout. Lorsque ces moyens de collecte du renseignement étaient illégaux, les preuves recueillies ne pouvaient pas servir en justice. Aujourd’hui, elles le pourront. Très bien quand il s’agit de terroristes. Sachez néanmoins les moyens d’espionnage cités plus haut partagés entre les différents services, y compris, par exemple, ceux des douanes qui renseignent l’administration fiscale.

Collectées par hasard avec un « Imsi Catcher », des informations concernant une transaction, dépassant les mille euros en liquide (1), pour un matériel d’occasion, pourraient servir pour vous poursuivre. On voit aussi toutes les possibilités d’intrusion dans la vie privée.

Nous ne sommes pas les seuls à nous inquiéter. Marc Trévidic, le juge antiterroriste, a dit fin mai devant des étudiants que cette loi donnait un pouvoir exorbitant à l’exécutif (2), Même le député Pierre Lellouche, dont la tendance sécuritaire ne peut être mise en doute, a critiqué cette loi. « Elle va fabriquer une montagne de données » qui ne servent à rien, dit-il. Il privilégie avec raison l’analyse et le suivi. Les auteurs d’attentats, fait-il remarquer, étaient pratiquement toujours repérés.

Plus que de nouvelles lois, ce sont des moyens humains de surveillance des gens à risque qu’il nous faut en matière de terrorisme.

Notes

(1) Nous passons d’une transaction autorisée de 3000 € en liquide à seulement mille euros à partir du 1er septembre prochain.
(2) In « Le Figaro Magazine » du 3 juillet 2015
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Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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