Le destin merveilleux
d’une petite fille russe nommée Margarita Louis-Dreyfus

janvier 2014

La presse suisse se réjouit de l’idylle qui a éclaté entre Margarita Louis-Dreyfus et Philipp Hildebrand, ancien patron de la BNS, la Banque nationale suisse qui fait fonction de banque centrale pour le pays. Mais qui est cette femme, restée très belle à 52 ans ?

Margarita Louis-Dreyfus a grandi sous le nom de Margarita Bogdanova. Née en 1962 à Leningrad, qui a retrouvé depuis son ancien nom de Saint-Pétersbourg, à sept ans elle a perdu ses parents dans un accident de chemin de fer. Aujourd’hui, veuve de Robert Louis-Dreyfus, milliardaire français mort d’une leucémie en juillet 2009, elle est à la tête de la 9ème fortune de notre pays. Un vrai conte pour enfants...

Recueillie par son grand-père maternel, Leonid, à la disparition de ses parents, Margarita vit semble-t-il l’enfance difficile de tous les enfants de la Russie soviétique. Leonid est cependant un communiste convaincu. Il est vrai, au regard du niveau de vie moyen, il s’en sort plutôt bien : ingénieur électronicien, il s’offre une voiture, une télévision en couleur et une datcha de location pour les vacances.

Mais le bon grand-père voyage beaucoup afin de superviser la construction de barrages hydro-électriques à travers l’Union Soviétique. Il envoie sa petite-fille dans un pensionnat ouvert aux orphelins et situé sur l’île de Petrogradskaya, au centre de Leningrad.

Quittant l’internat à quinze ans, Margarita rejoint, nous dit-on, un lycée professionnel afin de suivre une formation en comptabilité. De la même source on apprend qu’elle décide d’étudier « seule » les langues étrangères. Un apprentissage pourtant difficile à maîtriser sans un interlocuteur. Elle se lance néanmoins dans l’allemand et le finnois.

Cela semble bien étrange. Surtout sachant que, sous le régime soviétique, l’apprentissage des langues était surveillé. Le KGB s’en était même fait une exclusivité avec le MGIMO (Institut d’État des Relations internationales de Moscou) qui formait diplomates, espions et journalistes destinés à travailler à l’étranger.

Comme Margarita, né à Leningrad, où il a étudié et servi plus tard dans l’unité locale du KGB, Vladimir Poutine ne démentira pas. Du reste, lui aussi a appris l’allemand dans cette bonne ville décidément favorable à l’étude de la langue de Goethe.

Ayant obtenu son diplôme, alors âgée de 17 ans, Margarita va travailler quelques années dans un centre de comptabilité attaché à la mairie de Leningrad. Poutine lui aussi servira dans cette institution. Quand revenant d’une longue mission en Allemagne de l’est, on le verra pendant cinq ans au cabinet du maire Anatoli Sobtchak, de 1991 à 1996.

Ambition ou programmation sur le long terme, Margarita ne va pas en rester là. Elle a, nous dit-on, une amie à l’Intourist, l’agence de voyage seule alors à encadrer les voyageurs se rendant en Union Soviétique. Cette structure, faut-il savoir, sert au KGB pour surveiller les touristes. Parlant parfaitement les langues étrangères, beaucoup de femmes y travaillent comme guides.

Après chaque mission, elles rendent compte à un officier du KGB.
L’amie de Maragarita est germanophone et lui aurait demandé de la remplacer à plusieurs reprises pour s’occuper des touristes. Elle lui aurait aussi facilité des rencontres avec ces derniers.

Qu’il nous soit permis de dire que cette histoire est cousue de fil blanc. Un remplacement ne pouvait se faire qu’avec le feu vert des autorités de tutelle. Autrement dit le KGB. En outre, tout contact avec les étrangers était interdit aux citoyens soviétiques. Bénéficiant d’un régime de faveur, Margarita travaillait clairement, fût-ce ponctuellement, pour les services de renseignements soviétiques.

Après avoir servi ainsi quelque temps, au début des années 80, elle fait la connaissance de son premier mari grâce à ses extras. Il est Suisse allemand et s’appelle Oscar. Il tombe amoureux de la belle Margarita, l’épouse à Leningrad, sur l’île Petrogradskaya où elle a passé son enfance, et l’emmène chez lui dans le canton de Berne.

Malheureusement pour lui, le grand amour ne va pas durer. Après un an et demi de mariage, ils divorcent. Mais elle a eu sa clé d’entrée dans le pays. Pas question de repartir vers la Sainte Russie ! Elle trouve du travail dans le canton de Zurich où elle se trouve un studio.

Nouvelle interrogation cependant pour nous. Son emploi est en effet très ciblé. Elle est engagée par la société Layton AG, fondée à Genève en 1977 mais dont les bureaux ont été transférés à Zollikon, à côté de Zurich, en 1986. Or, Layton AG travaille uniquement à l’exportation d’équipements et de composants électroniques vers l’URSS et la République Démocratique Allemande ! On sent Margarita placée là dans l’attente d’une mission.

La légende n’en continue pas moins de se construire. Selon la biographie quasi officielle de Margarita*, elle vit chichement dans sa nouvelle vie, épargnant sou à sou le prix de son rêve : un billet sur le Concorde pour faire l’aller et retour New York. Il faut, pour son hagiographe, Elsa Conesa, faire passer la chose : la dépense, de 30 000 francs suisses, représente plusieurs mois de son modeste salaire.

La suite confirme notre sentiment. En mars 1989, sur le vol Zurich-Londres, où elle doit embarquer pour New York, par le plus grand des hasards elle se retrouve assise à côté de l’un des héritiers les plus fortunés de France : Robert Louis-Dreyfus. Il la séduit, nous dit-on, en lui montrant la photo de son chien. Délicieux ! Mais n’est-ce pas plutôt l’inverse.

Le 15 mai 1992, les deux tourtereaux se marient. Ils ont trois enfants. En 2001, Louis-Dreyfus laisse ses affaires personnelles aux mains d’un collaborateur. Mais en 2004, il prend les commandes du groupe familial dont il devient président en mars 2006. Le 4 juillet 2009, il meurt d’une leucémie.
Pendant toutes ces années, Margarita se conduit en bonne mère de famille. On ne parle pas d’elle. Elle est comme absorbée par le décor. Comme un sous-marin en plongée.

Aussi, à la mort de son époux, même s’il l’a désignée pour gérer les intérêts de ses enfants qui détiennent 61% des actions du groupe, le président en titre, Jacques Veyrat, se voit comme le patron. Une lutte de pouvoir s’engage. Margarita joue en parfaite tacticienne et pousse Veyrat vers la porte.

En Suisse, l’hebdomadaire « Le Matin Dimanche » écrivait de Margarita : « Une James Bond girl dans toute sa splendeur. Tous sont à ses pieds, banquiers, politiciens, avocats. Hildebrand a emporté le trophée ». À moins qu’il ne soit la proie emportée par la carnassière.

Note

* « Margarita Louis-Dreyfus, enquête sur la fortune la plus secrète de France », Elsa Conesa, éditions Grasset

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 
 
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