LES TERRORISTES

de

L’ONCLE SAM

 

juin 2003

 A Washington, on balance. D’une part, pour avoir assassiné des Américains, il y a les partisans d’une belle vengeance contre les Moujahidine-e-Khalq. De l’autre, les pragmatiques, tentés de renvoyer l’arme du terrorisme à certains maîtres de l’art à Téhéran. Autrement dit, d’utiliser les compétences des Moujahidine-e-Khalq contre l’Iran. Cette dernière tendance semble bien l’emporter.

 

 En juillet 1999, numéro deux dans l’organigramme des Moujahidine-e- Khalq (MEK), Maryam Rajavi (ou Radjavi) s’est rendue à plusieurs reprises à Alger. En la présence d’un officier de la CIA qui se faisait appeler "colonel Hank," elle a participé à des réunions avec les généraux qui gouvernent en sous-main l’Algérie.

 

Arrivée la première fois de Paris sur Air-Algérie, pour ses autres visites Maryam Rajavi louait un avion privé et atterrissait à l’aéroport militaire de Boufarik. Khalida Messaoudi, députée au Parlement algérien et égérie du régime, venait la chercher en voiture blindée avec escorte.

Avec Maryam Rajavi, participaient aux réunions de travail les généraux Toufik Médiene (chef des renseignements), Mohamed Lamari (chef d’état-major) et Smaïn Lamari (chef du contre espionnage). On remarquait aussi la présence d’un colonel égyptien et d’un général tunisien.

A la suite de ces rencontres, des petits groupes du MEK se sont rendus en Algérie à Beni-Messous (pour se former à l’espionnage), à Ben Aknoun (pour les communications codées), à Skikda et à Bejaïa (pour l’entraînement de nageur de combat), à Biskra enfin (pour s’entraîner au parachutisme).

Le "colonel Sadegh," du MEK, assurait la liaison sur place. il était logé en permanence dans une villa de Ben Aknoun. Il se vantait d’avoir participé à l’attentat du 28 juin 1981 à Téhéran (72 morts). La présence du "colonel Hank," de la CIA, établissait déjà la collusion entre les États-Unis et une organisation terroriste (1).

Pourtant, le MEK figure en 19ème position sur la liste des organisations terroristes, aujourd’hui 33 répertoriées. Ce document est publié tous les deux ans par le Département d’État et, le 27 mars 2002, Colin Powell en personne a renouvelé l’arrêté.

Or, une loi, promulguée à Washington en 1996, interdit aux citoyens américains "de fournir une aide financière ou autre aux organisations terroristes." En outre, leurs membres ne peuvent recevoir de visas pour les États-Unis.

Pourtant, Alireza Jafarzadeh, représentant officiel du MEK, jouit d’un permis de séjour aux États-Unis. Mieux, sous le nom de "National Council of Resistance of Iran," et de "People Mojahedin of Iran," il a ouvert deux bureaux dans les locaux du très honorable Club de la Presse à Washington, au numéro 529 de la 14ème Rue.

 POUR COMPRENDRE

Depuis le début du soulèvement islamiste en Algérie, les Américains soutenaient discrètement cette dernière la jouant gagnante contre le pouvoir en place. Mais, fin 1997, ils arrêtaient Anouar Haddam, représentant du FIS et du GIA à New York. Il était pourtant jusque-là leur protégé et avait ses entrées au Département d’État. Puis les affaires commençaient à pleuvoir. Les États-Unis devenaient les fournisseurs privilégiés de l’armée algérienne et obtenaient onze contrats d’exploration pétrolière quand la France n’en décrochait que deux. L’Algérie, avec d’autres pays du Maghreb, était devenue un nouveau point d’ancrage de la CIA et de l’axe passant par les services de renseignements d’Israël.

 Il y a trois ans, les services américains d’immigration arrêtaient Mahnaz Samadi, une jeune iranienne, à la frontière du Canada. Activiste du MEK et depuis plusieurs années réfugiée politique aux États-Unis, dans son dossier elle avait omis de parler de ses activités au sein de l’organisation. Entre autres choses, les policiers lui reprochaient un séjour de sept mois en Irak dans un camp d’entraînement militaire classé terroriste par l’administration.

John Ashcroft, sénateur du Missouri et ancien procureur général, prit l’affaire à cœur. Dans une lettre adressée le 10 mai 2000 au service de l’immigration, il qualifiait Samadi de "militante des droits de l’Homme" et voyait en elle "une puissante voix pour la défense de la démocratie." A la suite de cette intervention, la jeune femme a reçu l’autorisation de demeurer aux États-Unis.

Or John Ashcroft (2) n’est pas n’importe qui. Très proche de Georges W. Bush, il partage avec lui des convictions extrémistes protestantes. Plusieurs dizaines de parlementaires américains soutiennent ainsi le MEK. Parmi eux, Chris Bond, sénateur républicain comme Ashcroft, mais aussi Bob Torricelli, sénateur démocrate, qui voit dans le parti de Massoud Rajavi "une légitime alternative à la répression des mollahs iranien."

Le MEK a pourtant à son actif une longue liste de crimes. On estime à une dizaine de milliers le nombre des victimes, depuis 1979, des affrontements entre le MEK et l’État iranien. La violence de la répression n’explique pas tout. Le 31 janvier 1971, Ahmed Rezai, l’un des chefs du MEK, commettait le premier attentat suicide, imité depuis par une trentaine d’autres candidats à la mort violente.

Le MEK s’est aussi fait une spécialité des tirs de mortier contre des bâtiments officiels. Depuis le 2 juillet 1998, en raison de leur imprécision, ce type d’attaques a fait des dizaines de morts et des centaines de blessés dans la population.

Mohamed Lamari
 
Massoud et Maryam Rajavi
 
 
Khalida Messaoudi
 
John Ashcroft
 
AliReza Jafarzadeh
 
MEK, attentat à la bombe contre un bureau de l'admnistration, Téhéran février 1998

(1) Renseignements obtenus auprès d’une source militaire algérienne.
(2) Sur John Ashcroft, voir l’article de Michael Isikoff dans "Newsweek" du 26 septembre 2002.
En mai 2005 l'organisation Human Rights Watch a rédigé un rapport accablant   
sur les Moujahidine du peuple d'Iran (MEK) ou OMPI des Rajavi. Ils sont accusés de  
torture, séquestrations et mauvais traitements contre leurs propres membres.

Lire: Brûlé Vif, entre Marx et Mahomet, Enquête sur les Moujahidine du peuple d'Iran

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