RISQUE MORTEL
AU SAHEL

décembre 2013

Mathieu Guidère, universitaire d’origine tunisienne présenté comme spécialiste d’Al-Qaïda, affirme dans « Le Figaro » du 19 novembre dernier : « On peut dire que le véritable héritier d’AQMI en Afrique centrale, c’est Ansaru. (L’intervention française ) n’a fait que déplacer vers le sud la menace djihadiste ». Asséné doctement, ce genre de propos est dangereux. Il tend en effet à faire croire le Sahel désormais purgé de la menace djihadiste. En réalité, le Nigeria est un autre foyer djihadiste, entretenant certes des relations avec l’AQMI dans le Sahel, mais sans liens organiques avec elle.

Ci-dessous, très succinctement, un état des lieux.

 

Zone Sahel où les mouvements jihadistes sont actifs

LE MALI

François Hollande a sans doute crié victoire un peu vite. Néanmoins, on lui doit, en tant que chef de l’État français, une décision nécessaire, celle de l’offensive au Mali, et une gestion de la partie politique sans maladresses graves en dépit de la difficulté.

Certes, le dossier n’est pas bouclé, en particulier avec l’indispensable mise sur pied d’un nouveau cadre légal dans le nord du Mali afin de calmer l’irrédentisme touareg, mais aussi celui des groupes arabes.

Néanmoins, dans ce pays le djihadisme n’est plus que résiduel et sa capacité de nuisance, toujours réelle, limitée. Encore faut-il savoir la présence d’un détachement français nécessaire. Or cela n’avait pas été prévu par Hollande.

LA MAURITANIE

Pendant des années, la Mauritanie, dirigée par le Président Mohamed Aziz, est passée pour le pays le plus déterminé dans la lutte contre les bandes de djihadistes sévissant dans la région. Cet ancien militaire avait même lancé plusieurs opérations contre l’AQMI dans le nord du Mali.

Aujourd’hui, la confiance des pays européens, dont la France, est à la baisse. La Mauritanie est l’un des seuls « pays du champ » à ne pas avoir envoyé de troupes pour soutenir l’intervention au Mali. Plus grave, sous prétexte d’islam, des organisations religieuses musulmanes hostiles à l’Occident y jouissent d’une liberté d’action préoccupante.

Certains vont jusqu’à estimer le pouvoir cherchant à utiliser des groupes djihadistes à ses propres fins et ayant conclu des accords secrets allant dans ce sens.

LA LIBYE

Résultat d’un changement de pouvoir mal géré suite à l’intervention française sur les ordres de Nicolas Sarkozy, on sait le gouvernement libyen n’exerçant qu’une autorité relative sur le pays.

Résultat, le Sud, traditionnellement irrédentiste, échappe à tout contrôle de la capitale. Les djihadistes, dont ceux venant du Mali qui s’y sont repliés, y collaborent étroitement avec les trafiquants, principalement d’armes, qui revendent les stocks constitués par Kadhafi.

LE NIGER

Voie de passage entre la Libye, la Mauritanie et le Mali, le Niger reste une zone d’attaques de l’AQMI et du MUJAO, sa filiale, comme l’a prouvé l’opération menée contre les Nigériens et les Français à Agadès le 23 mai.

Plus inquiétant, le Président Mahamadou Issoufou, obtenant la libération des otages français en échange d’argent, et entouré de proches mêlés aux différents trafics illicites de la région, prend un profil de plus en plus semblable à celui que l’on surnommait ATT, Président du Mali jusqu’au coup d’État de 2012. On sait désormais comment se terminent ces aventures.

TUNISIE

Sur l’axe de passage de l’AQMI entre la Libye et la Kabilye, des combats ont éclaté dans le sud tunisien à la hauteur des monts Chaambi. L’offensive des gens ralliés à l’organisation de Ben Laden remonte jusque dans le nord, autour de Béja.

A cette menace s’ajoute celle des salafistes dont les actions sont de plus en plus violentes quand, dans le même temps, le pouvoir central est miné par l’islamisme politique d’Ennahdha.

ALGÉRIE

Alger est à la fois la victime des groupes islamistes et l’une des raisons de leur existence. En effet, dans une gestion opaque, les services de renseignement tendent à instrumentaliser ces groupes pour atteindre leurs propres objectifs politiques.

Résultat, on ne peut ni compter sur ce pays dans la lutte contre les réseaux terroristes, ni l’exclure de la liste des pays avec lesquels il faut coopérer compte tenu de son importance géographique et économique.

Pour conclure, c’est une zone représentant une vingtaine de fois la surface de la France qui se voit menacée par un terrorisme diffus à prétention islamique. Nous sommes loin d’un déplacement du terrorisme vers le Nigeria. Au contraire, ce dernier est le porteur d’une autre menace, avec Boko Haram et Ansaru.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 

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