LA FUSTIGATION DE BEN ALI

janvier 2011

L’actualité nous réserve des surprises. La chute du Président Zine el-Abidine Ben Ali en est une. Mais derrière la surprise perçue par tout le monde, s’en cache souvent une autre. Ainsi apprenons que la Tunisie, pays adulé parnos hommes politiques, au point pour certains d’y être nés, n’est qu’une vulgaire dictature. Pour ne citer que quelques noms, nos Tunisiens de souche, comme Bertrand Delanoë, Claude Bartolone, Pierre Lellouche, Serge Moati ou le défunt Philippe Seguin, avaient oublié de nous le dire. Au point que notre malheureuse Michèle Alliot-Marie, victime de la désinformation ambiante, le 12 janvier 2011, à l’Assemblée nationale, a proposé de partager avec la police tunisienne le « savoir-faire » de la France « pour régler les situations sécuritaires ». Ce bel élan de coopération entre le Nord et le Sud est depuis tombé dans l’oubli avec le départ de Ben Ali pour l’Arabie
Saoudite. Mais pourquoi l’Arabie Saoudite ? Parce que la France lui a refusé l’hospitalité. Il a pourtant des biens chez nous et nous n’en sommes pas à un dictateur près finissant résidant sur notre sol. De Bokassa à Duvalier les exemples ne manquent pas. Mais peut-être, pour nos élus, les seuls dictateurs fréquentables sont-ils aujourd’hui ceux qui sont au pouvoir.

Jeune Tunisien de 26 ans, Mohamed Bouazizi a poursuivi des études à l’université. Mais il ne trouvait pas de travail. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il vendait des fruits et légumes dans la rue de l’agglomération de Sidi Bouzid.

Le 17 décembre 2010, des agents municipaux ont confisqué sa marchandise, l’accusant de se livrer à son commerce sans autorisation. Le jeune homme a alors voulu porter plainte, mais les autorités ont refusé de recevoir cette dernière. Désespéré, il s’est aspergé d’essence et s’est suicidé.

Bouazizi n’est pas seul dans cette situation en Tunisie. Comme lui, des dizaines de milliers de jeunes sortis de l’université cherchent désespérément du travail. L’État a fait un effort considérable pour former les générations montantes, mais 20% des jeunes diplômés restent sans emploi, quand le chômage touche 14% de la population active.

Le sentiment de partager un destin commun avec Bouazizi a dopé les masses de déçus, faisant du jeune homme un symbole expiatoire pour le pouvoir. Sidi Bouzid s’enflammait. Puis, le 25 décembre, au cours des affrontements avec la police, un autre jeune homme tombait.

Comme une traînée de poudre, les émeutes s’étendaient à travers la Tunisie. On en signalait à Sfax, Bizerte, Kairouan, Sousse, Gafsa et Kasserine, en bref, dans toutes les agglomérations. Puis, le 26, un autre jeune mettait fin à ses jours en s’électrocutant volontairement sur une ligne à haute tension.

Dans un premier temps, un rien décalé, le Président Ben Ali ne trouvait rien d’autre que de procéder à un remaniement ministériel. Rien n’y faisait. La police alors se déchaînant, on allait parler d’une centaine de morts par balles parmi les manifestants. Puis le 14 janvier, Ben Ali quittait la Tunisie laissant le pouvoir aux mains du Premier ministre, Mohammed Ghannouchi.

Facile, dans ces circonstances, de clouer le pouvoir tunisien au pilori. Certes, la carence de vie démocratique et la corruption de la belle famille du chef de l’État, le clan des Trabelsi, entretenaient un climat délétère dans le pays.

On oublie cependant les nombreux mérites du régime tunisien. D’abord, il a lutté avec une efficacité remarquable contre l’islamisme, allant jusqu’à s’attaquer à son idéologie, interdisant la polygamie et favorisant l’accès des jeunes filles à l’enseignement supérieur. Enseignement supérieur fréquenté de surcroît par 27% de la classe d’âge concernée. Résultat, l’Éducation nationale absorbe 21% du budget national.

La Tunisie de Ben Ali a aussi fourni des efforts remarquables pour développer le pays. En est témoin son PIB par habitant, qui frise les 7000 € par an, quand il n’est que d’un peu plus de 5000 € en Algérie et de 3500 € au Maroc.

Or, faut-il remarquer, la Tunisie ne dispose, ni de phosphates, comme le royaume chérifien, ni de gaz ou de pétrole en quantité, comme l’ancienne colonie française. Elle forme son PIB grâce à la productivité de son agriculture et à la création d’industries qui s’ajoutent à ses investissements touristiques.

Certes, le régime de Ben Ali est condamné pour sa corruption et son autoritarisme, mais il est aussi victime de son succès. Les Tunisiens, ceux qui peinent au chômage, ne voient pas le chemin parcouru, mais celui qui reste à faire pour atteindre le même niveau de prospérité que les pays du Nord. A cela, se sont ajoutés les effets de la crise, suivie d’un tassement de 16% du PIB en 2008.

Aujourd’hui l’armée et la police peinent à ramener le calme. Les habitants en sont à s’organiser en milices pour se protéger. Plus inquiétant, le chef des islamistes tunisiens, Rachid Ghannouchi, homonyme du Premier ministre, a annoncé son retour. Certes il est malade. Mais il n’est pas seul. Une récupération de la crise par les islamistes est un risque à envisager. Le modèle économique tunisien survivra-t-il à tout cela ?

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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