Monsieur Viktor
trafiquant d’armes

juin 2009

Présenté comme le plus grand trafiquant d’armes de la planète, depuis le 6 mars 2008, Viktor Bout, ancien agent du KGB, est détenu à Bangkok, en Thaïlande.

Il a été arrêté à la suite d'une opération conjointe menée sous l'égide d'Interpol et des États-Unis. Ces derniers l'accusent de « complot contre les intérêts américains » et demandent son extradition.

Bout se dit victime d'un procès politique « russophobe ». En réalité, ce personnage qui a inspiré le film sorti en 2005 « Lord of war », seigneur de la guerre, d’Andrew Nicol. Il pourrait bien avoir perdu au petit jeu de « à pourri, pourri et demi »…

Certes, les Américains l’accusent d’avoir aidé des organisations terroristes. En 2008, par exemple, il avait accepté de fournir des armes aux FARC, la guérilla marxiste colombienne, pour un montant de cinq millions de dollars de missiles sol-air, de lance-roquettes anti-char et même d’hélicoptères de combat. Détail cependant, les commanditaires étaient en réalité des provocateurs de la DEA, le service américain de lutte contre la drogue.

Bout serait-il devenu encombrant ? Il faut savoir, au moment de la chute de l’Union Soviétique, à la fin des années 80, il servait en Angola pour le compte du KGB. Pour faire face à ses menus frais, il vendit une partie des armes à sa charge pour son compte personnel. Puis l’appétit venant en mangeant, il devint un prospère trafiquant. Il fournit toutes les armées, « sauf l’Armée du Salut », dit-on de lui. Officiellement interdit de séjour dans la moitié des pays de la planète, il n’en continua pas moins de voyager sous une quinzaine d’identités.

Sa tranquillité s’explique par le nombre de ses obligés, des États qui cherchent à s’affranchir des contraintes du droit international pour approvisionner des guérillas ou des groupes dissidents.
Sur le seul continent africain, Bout est accusé d’avoir violé à 38 reprises les embargos des Nations Unies, pour livrer des armes à des pays en guerre. Il lui arriva aussi de convoyer de l’aide humanitaire pour la même organisation mondiale. Selon l’avionneur Michel Victor-Thomas, la France a eu recours à lui en 1994, pour l’opération Turquoise au Rwanda. Il aurait aussi transporté des soldats de la paix pour le compte du MI 6, le service britannique, au Pakistan, en Afrique et au Timor oriental. Dans les années 90, il a équipé l’Alliance du Nord du commandant Massoud à la demande de l’OTAN. Mais, à partir de 996, il livrait des armes aux Taliban.

Jusqu’en 2005, Washington ferma les yeux. Bout était utile. Il transportait des hommes pour eux en Irak et en Afghanistan. Pour la seule année 2004, il organisa une centaine de convois pour les Américains et reçut d’eux 60 millions de dollars. Mais, en 2005, le Département d’État et le Trésor américain interdisent tout recours à des intermédiaires russes dans le cadre d’opérations militaires. Le Pentagone passa outre. Mais en 2006, George Bush finit par signer une directive contre Bout, lui reprochant ses ventes d’armes à Al- Qaïda. Reproches tardifs.

« Monsieur Viktor », comme on l’appelle, est devenu dangereux, car il sert les intérêts de la Russie de retour dans le Grand jeu, en Asie centrale, et à nouveau présente en Afrique. Il travaille avec Rosoboronexport, géant de l’armement russe et bénéficie de passe-droits.

A partir de novembre 2007, les Américains cherchent à éliminer Bout, qui doit se réfugier en Russie. Puis en février 2008, Shaliman Ruprah, associé de Bout en Belgique, est interpellé. Les Américains se servent de lui pour piéger M. Viktor à Bangkok.

La Russie bataille pour obtenir sa libération. C’est que Viktor sait beaucoup de choses et peut rendre encore bien des services. On appelle cela le linge sale des États.

Patrick Cousteau

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 
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