CHEIKH

AHMAD YASSINE
 

septembre 2004

 Cheikh Ahmad Yassine, chef spirituel du HAMAS, avait échappé le 6 septembre 2003 à une attaque conduite par l’armée israélienne. Un avion de combat avait tiré plusieurs roquettes contre sa maison. Au cours d'une nouvelle attaque, le 22 mars 2004, les Israéliens l'ont assassiné.Il avait 68 ans. Paralysé, il se déplaçait sur un fauteuil roulant. Il était l’alibi religieux, aujourd'hui un nouveau symbole, des kamikazes qui se donnent la mort pour combattre l'occupation israélienne.

 Ahmad Yassine est né le 18 décembre 1936 dans une famille de propriétaires terriens du village d’Al Jora, dans les environs d’Ashkelon. Sur 416 hectares de terre, 391 appartenaient à des Arabes, 25 avaient été achetés par des juifs. En 1948, quand éclate la première guerre israélo-arabe, comme dans des centaines d’autres lieux, les Arabes sont chassés de leurs maisons.

 Ahmad Yassine s’enfuit avec sa famille pour les camps de la bande de Gaza. Al Jora est détruit. Une implantation israélienne, Ora, est bâtie à sa place (1). Ahmad Yassine a 12 ans. Cet épisode de sa vie va déterminer sa destinée.

En 1952, deuxième événement tragique, jouant au football sur la plage, il tombe sur la tête, se brise le cou et se retrouve paralysé. Se déplaçant sur des béquilles, il poursuit pourtant ses études, puis exerce en tant que professeur de 1957 à 1964. Il entre alors à l’Université d’Aïn Shams, au Caire, où il apprend l’anglais.

Déjà, depuis 1955, semble-t-il, il était membre des Frères musulmans (2). Du moins les fréquentait-il. En Égypte, sa relation avec la confrérie prenant de l’ampleur, il se voit interdit de séjour sur les bords du Nil. Il rentre à Gaza et commence à recruter pour les "Frères." Au Caire, il a trouvé un habit à sa haine: l’islamisme.

Malgré la guerre de 1967, l’occupation de Gaza et de la Cisjordanie par les Israéliens, il reste sur place, poursuivant sa tâche d’enseignant. Dans le même temps, sous le couvert d’activités caritatives, il met sur pied une organisation. En 1968, il l’enregistre auprès des autorités israéliennes sous le nom de "Al-Majmaa."

On ne connaît plus Ahmad Yassine que sous le titre honorifique de "cheikh." La puissance occupante le laisse gagner en influence. Elle compte sur cette force montante pour s’opposer à l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine), de Yasser Arafat, et diviser ainsi les Palestiniens.

D’un point de vue tactique, les Israéliens jouent avec le feu. Cheikh Ahmad Yassine organise un réseau de mosquées, d’associations d’aide aux démunis, d’écoles primaires et maternelles. Mais, au nom de l’islam, il instille aussi l’esprit de révolte contre l’occupant.

"Les villages juifs ont été construits à la place de villages arabes. Vous ne connaissez même pas le nom de ces villages arabes... Nahlal a surgi à la place de Mahlul, Kibboutz Gvat à celle de Jibta, Kibboutz Sarid a remplacé Huneifis... Il n’y a pas un seul endroit construit dans ce pays qui n’ait pas été habité par une population arabe." (Moshé Dayan à Haïfa, d’après le journal israélien Haaretz du 4 avril 1969). 

 Au début des années 80, il finit par passer le Rubicon de la limite entre la propagande militante et l’action militaire. Il a eu le feu vert du Bureau international des Frères musulmans. En 1984, les forces de sécurité israéliennes découvrent des armes dans la cave de la mosquée où il officie. Le 15 avril, elles le condamnent à 13 ans de détention.

En mai 1985, il est libéré avec 1260 autres prisonniers dans un échange resté obscur,entre Israël et une faction palestinienne,le" FPLP-commandement-général" d’Ahmad Jibril.

Logo du Hamas
 A nouveau, on constate l’étrange liberté d’action dont
jouit Cheikh Ahmad Yassine. Mieux, le 14 décembre 1987, il participe au lancement de la "première intifada" (le soulèvement de la jeunesse palestinienne) en créant le mouvement HAMAS, une organisation qui prône la lutte armée. Pourtant, les Israéliens attendront plus d’un an et demi, le mois de mai 1989, pour arrêter leur principal ennemi à l’intérieur des territoires occupés.

Ils le condamnent cette fois à 15 ans de réclusion. Une maladresse israélienne va à nouveau le sortir de prison. Le 27 septembre 1997, deux hommes du Mossad, l’espionnage israélien, tentent d’assassiner Khaled Mechaal, un cadre de HAMAS basé à Amman, en Jordanie. Les deux Israéliens sont faits prisonniers par le royaume hachémite. Pour récupérer le commando, six hommes au total, Benyamin Netanyahou, alors Premier ministre, doit les échanger contre une vingtaine de détenus palestiniens,
dont Cheikh Ahmad Yassine.
 Khaled Mechaal
Quelques jours plus tard, le 6 octobre, 15 000 Palestiniens en liesse l’accueillent au stade de Gaza. Le lendemain, dans une déclaration à la presse, il offre une trêve des attentats illimitée aux Israéliens s’ils cessent "de confisquer des terres, de démolir des maisons et d’implanter des colonies," en territoire palestinien. Le 10 octobre, en réponse, Netanyahou annonce la construction de 300 nouvelles unités d’habitation dans la colonie d’Efrat, au sud de Bethléem, à côté du camp de réfugiés d’Arroub.

Puis, le 29 septembre 2000, Ariel Sharon relance la
Colonie d'Efrat 
violence, provoquant les Palestiniens en se rendant en compagnie d’une imposante escorte armée sur l’esplanade des mosquées de Jérusalem. Le lendemain, la "deuxième Intifada" éclate. Comme les saisies de terre, l’attaque du 6 septembre dernier contre Cheikh Ahmad Yassine ne résout rien. Elle ne fait que préparer une nouvelle génération de desperados gonflés de haine. Comme le fût le petit Ahmad Yassine quand, en 1948, on le chassa de son village d’Al-Jora.

 Notes

(1) D’après les informations comparées de sources israéliennes et palestiniennes.
(2)
Créés en Égypte en 1928, les Frères musulmans ont inspiré toutes les organisations islamistes existantes. Intégristes, ils préconisent la réislamisation de la société par le prosélytisme. Ils n’appellent à l’action armée qu’en Palestine.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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