TOURNANT ÉLECTORAL
AU ZIMBABWE

mai 2008

Le samedi 29 mars 2008, les citoyens du Zimbabwe votaient pour élire leurs représentants aux niveaux local, législatif, sénatorial et présidentiel. Le nom du Président élu était attendu avec un intérêt maximum. En dépit du régime d’oppression sévissant sur le pays, dès le lendemain, l’opposition s’octroyait le droit d’annoncer la victoire de son poulain, Morgan Tsvangirai. Selon elle, il aurait obtenu 58% des suffrages contre 37% pour Mugabe, le Président
sortant. Un mois plus tard, donnant du crédit aux affirmations des partisans de Tsvangirai, le pouvoir n’a toujours pas publié les résultats.


Les chiffres de l’opposition paraissent d’autant plus crédibles que les partisans de Tsvangirai ont relevé les résultats bureau par bureau et photographié les procès-verbaux.
Responsable de l’appauvrissement du Zimbabwe, on sent Mugabe prêt à tout pour rester à la tête du pays.

Ce dernier semblait pourtant appelé à une prospérité inégalée en Afrique. Il faut se souvenir ! On l’appelait alors Rhodésie. En 1965, refusant de laisser le pouvoir à la majorité noire, la minorité blanche décréta unilatéralement le pays indépendant de la puissance coloniale britannique. Des sanctions internationales étaient décrétées, afin de bloquer les importations et les exportations du pays pour le mettre à genoux.
En dépit de ce handicap, gérée avec compétence, la Rhodésie offrait un cadre de vie prospère, pour les Blancs, certes, mais aussi pour les Noirs. Parmi ces derniers, en quête d’emplois mieux rémunérés que chez eux, beaucoup venaient de pays voisins gouvernés par leurs frères de couleur. Il faut dire, le pays jouit d’une potentialité économique enviable. Son sous-sol contient un grand nombre de minerais, du chrome par exemple, dont il est le 5ème producteur mondial.De plus, il offre un terroir et un climat adaptés à la plantation du tabac, de la canne à sucre, du maïs et du blé. Enfin, il se prête remarquablement à l’élevage semi extensif de bovins. Aussi, en dépit des sanctions économiques, la Rhodésie parvenait à exporter ses céréales en Zambie et sa viande jusqu’au Gabon et au Maroc.

Mais, en 1975, avec l’indépendance du Mozambique, elle perdait une zone de transfert essentielle pour contourner l’embargo. D’une certaine manière, son sort était scellé. Mais, ne l’était-il pas avant ? Refusant d’admettre l’égalité politique entre Blancs et Noirs, elle s’inscrivait hors du temps. Jouant des frustrations de la population, il était alors facile pour la guérilla indépendantiste de recruter, coûtant de plus en plus cher au budget national en termes de sécurité et devenant une autre cause d’affaiblissement du pouvoir en place.

En 1980, le régime blanc cédait et le pays prenait le nom de Zimbabwe. Comme en d’autres temps en Algérie, fut alors commis une faute grave, en laissant la guérilla, coupable d’exactions contre la population, s’emparer du pouvoir.

Reconnaissons qu’au début, Mugabe, son chef, sut s’interdire trop d’excès. En particulier, il laissa les Blancs prospérer à la tête de l’économie. Ce faisant, il limita leurs départs. Sur 275 000 d’entre eux présents en 1976, il en restait 150 000 en 1982. Assez pour permettre au pays de garder le plus haut produit intérieur brut par habitant de la région, 869 dollars, contre 549 en Zambie et 270 au Mozambique.

A partir de 1990, pourtant, accompagné de persécutions contre l’opposition, l’autoritarisme de Mugabe se renforçait, provoquant la fuite de la population blanche et l’effondrement de l’économie. Résultat, en 2002, le pays devait importer du maïs, alors qu’il en exportait quelques années auparavant. Enfin, en 2003, le maître d’Harare commettait l’irréparable en donnant un coup d’accélérateur brutal au programme de redistribution des terres lancé en 2000.

Il faut savoir : héritage de l’époque coloniale, sur une population de 7 millions d’âmes, 4500 fermiers blancs possédaient 30% des terres cultivables en 1996. Cependant, ils assuraient 50% du produit intérieur brut du pays et donnaient des emplois à des dizaines de milliers de Noirs. Mugabe lança les milices de son parti contre eux. Des Blancs furent assassinés. D’autres molestés et poussés à quitter le pays. Quant aux propriétés, morcelées, elles retournèrent parfois à l’état de friches, et la production agricole s’effondra.

Conséquences de cette politique, en janvier 2008, le taux d’inflation atteignait 100 000%, le taux de chômage 80% et la croissance, négative, - 6%.

C’est dans cette atmosphère, entre abus de pouvoir, ruine du pays et désaveu électoral que, le 1er avril, l’Union européenne a demandé à Mugabe de quitter le pouvoir. Peine perdue, aujourd'hui, le maître du Zimbawe contraint l'opposition a eccepter le verdict de novelles élections. Tout est à craindre.

Alain Chevalérias


Alain Chevalérias a vécu trois ans en Rhodésie, dans les années 70, en tant que correspondant de l’agence de presse Gamma

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 
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