HISTOIRE
CUBA
et les Américains

janvier 2015

Le 17 décembre 2014, Barack Obama et Raul Castro, respectivement autorités supérieures des États-Unis et de Cuba, annonçaient la réconciliation de leurs pays dans deux discours prononcés simultanément à près de 2000 km de distance. Bientôt, des relations diplomatiques normales vont être rétablies entre Washington et La Havane et l’embargo américain contre l’île, déjà assoupli, va être démantelé. Le pape François a joué un rôle primordial dans cette affaire en écrivant à Obama et à Castro pour les inviter à se rapprocher. Si, par ailleurs, les États-Unis ne relançaient pas la guerre froide avec Moscou et si les radicaux islamistes ne nous ramenaient pas plusieurs siècles en arrière, braquant les projecteurs de l’actualité sur Cuba, nous pourrions croire à l’émergence d’une nouvelle ère de paix. Cuba, c’est en effet
plus de cinquante ans de tension avec les États-Unis.

Les États-Unis manifestent depuis longtemps un intérêt déclaré pour Cuba. Déjà, à la fin du XIXe siècle, à l’occasion de la guerre d’indépendance contre les Espagnols, les nord-Américains occupèrent l’île de 1898 à 1902, et de 1905 à 1909. Puis ils exercèrent un véritable protectorat, relayé à partir de 1934 par une colonisation de la mafia américaine, maîtresse des maisons de jeu et de la prostitution. C’est dans ce climat de corruption que le colonel Batista s’empara du pouvoir par la force le 10 mars 1952, bénéficiant de la sympathie de Washington.

Le 26 juillet 1953, l’avocat Fidel Castro entre en rébellion et, à la tête de quelques centaines d’hommes tentent de s’emparer d’une caserne. Vaincu, il est gracié à la demande de l’archevêque de Santiago et exilé. Mais, profitant du mécontentement de la population, il revient en 1956 et, avec ses guérilleros installés dans la Sierra Maestra, parvient à chasser Batista du pouvoir le 1er janvier 1959.

Washington reconnaît d’abord le nouveau gouvernement dont Castro est le Premier ministre. Mais, cinq mois après le renversement de Batista, le maître du pays décide la nationalisation des entreprises étrangères, principalement américaines, dont le fleuron est l’United Fruit Co.

En réponse, deux ans plus tard, le Président Kennedy ordonne une tentative de renversement du régime. Le 17 avril 1961, la CIA fait débarquer une armée de 1400 réfugiés cubains dans la Baie des Cochons. C’est un échec.

Isolé à l’extérieur, Castro se rapproche de plus en plus de l’Union Soviétique, en même temps qu’il accentue sa dépendance du parti communiste cubain dont son frère, Raoul, est membre. Le 27 octobre 1962, les États-Unis découvrent la construction en cours de sites destinés à installer des missiles soviétiques à têtes nucléaires. S’estimant menacés, ils enclenchent un siège naval de l’île afin d’interdire le passage des armes russes. On est à deux pas d’une guerre nucléaire. Finalement, Krouchtchev, le chef de l’Union Soviétique, cède en échange de la promesse de Washington de ne plus attaquer Cuba.

Demeure néanmoins un embargo d’une rigidité redoutable interdisant à La Havane de s’approvisionner chez son voisin et aux Américains de consommer des produits cubains, en particulier les cigares. Plusieurs fois, la CIA tente aussi d’assassiner Castro. À cela s’ajoutent les campagnes de propagande orchestrées des deux côtés du golfe du Mexique, sans parler des arrestations d’agents de l’adversaire, réels ou supposés, dans les deux camps.

Mais il faut bien vivre ! Cuba devient la vitrine caraïbe des Soviétiques qu’ils approvisionnent , versant en outre 4 à 6 milliards de dollars par an pour soutenir une économie de crise. À partir de 1990, avec l’effondrement de l’URSS, Moscou met cependant un terme à son aide. Les États-Unis, sous George Bush père, renforcent alors les sanctions. L’intensité de la crise oblige néanmoins à un desserrement de l’étau. En 1998, le Président Clinton déclare que Cuba n’est plus une menace pour son pays. En 2006, les États-Unis sont déjà les 3ème fournisseur de Cuba. Aujourd’hui, ils vendent à l’île la plus grosse partie de ses importations agro-alimentaires.

Mais il faudra attendre mars 2009 pour que, graduellement, sur décision de Barak Obama, l’embargo soit véritablement assoupli. Le 17 décembre 2014 est une étrange victoire partagée : pour le Vatican qui a su rapprocher des adversaires, pour Cuba qui a résisté pendant 50 ans, mais aussi pour Washington qui a fini par être bon perdant.

 

Jean Isnard

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

Retour Menu
Retour Page d'Accueil