HISTOIRE
Droits des juifs
et des chrétiens dans l’islam

juillet 2017

Selon la charia, les droits et devoirs des juifs et des chrétiens sont régis par la « dhimma » (ou zimma), le pacte qui définit leur place juridique dans la société musulmane. Ce statut n’est plus aujourd’hui pratiqué par aucun État musulman, pas même l’Iran ou l’Arabie Saoudite. Même si, disons-le, dans beaucoup de pays subsistent des traces de cette législation. Par exemple, on condamne à mort des non musulmans pour de prétendus blasphèmes, comme au Pakistan, ou l’on interdit aux
chrétiens d’hériter d’un musulman, comme au Maroc. La « dhimma » dans sa pleine application n’est donc plus qu’un fait historique avec, tout en tenant compte du décalage temporel, ses aspects positifs mais aussi ses abominations.
C’est donc en tant que fait historique que nous en parlons dans cette page.

Tout a commencé à Médine. En 631, une délégation chrétienne du Najran (1) s’y étant rendue pour rencontrer Mahomet.

Reçus avec courtoisie, fait assez incroyable pour être noté, ils purent même dire la messe dans la mosquée de leur hôte. À l’époque, le camp des musulmans s’emparait progressivement de l’Arabie par les armes et les conversions. En réalité, pensons-nous, ces chrétiens venaient négocier pour éviter la guerre et garder leur religion. D’eux-mêmes, semble-t-il, ils offrirent de payer un impôt désigné par le mot de capitation (2) ou jizya en arabe. Le statut de dhimmi, ou dhimma, en principe réservé « aux gens du Livre », (3) était né.

Au début, il s’agit en fait d’un tribut permettant à des non musulmans de s’auto administrer tout en ayant fait allégeance à l’autorité islamique. Cela leur garantissait la protection de cette dernière et la liberté de culte. On est dans un cadre juridique très proche de celui du protectorat français accordé, ou plutôt imposé, autrefois aux Marocains.

Après la mort de Mahomet, cependant, le territoire contrôlé par les musulmans allait inclure des pays immenses comme la Perse, la Mésopotamie ou l’Égypte. Or, si la conversion forcée des polythéistes était légitimée par le Coran, en principe, les gens du Livre devaient rester libres de leur choix. Résultat, à l’aube de l’islam, les musulmans de l’empire étaient moins nombreux que les chrétiens. De plus, il n’existe dans le Coran qu’une seule contribution financière aux besoins de la société, la « zakat », en fait considérée comme une aumône religieuse due par les seuls musulmans.

Contournant la difficulté, la jeune autorité islamique se servit du précédent des chrétiens de Najran pour instituer deux impôts : la jizya et le kharaj, une taxe foncière, imputés aux non musulmans.

On est alors dans le bricolage juridique d’un État émergeant sans traditions administratives. Le premier document de référence est le pacte d’Omar, sans doute rédigé sous le calife Omar II (682-720).

Il s’agit d’une lettre adressée aux chrétiens de Syrie pour définir les conditions de la dhimma. Mais, selon les chercheurs, celles-ci ne seront définitivement fixées qu’au IXe siècle (4).

Outre le régime fiscal, la dhimma devint rapidement un système discriminatoire et plus ou moins oppressif en fonction de l’autorité en place. Certaines règles furent même parfois oubliées, souvent parce qu’elles contrariaient les intérêts du pouvoir. Par exemple l’interdiction pour les dhimmis de porter des armes ou de servir dans l’administration. En revanche, chrétiens et juifs, s’ils jouissaient d’une totale indépendance en matière de droit familial, ne pouvaient pas témoigner contre un musulman devant les tribunaux de l’État, par conséquent se défendre avec efficacité s’ils étaient lésés. Ils devaient aussi porter des vêtements distinctifs.

Voilà pourquoi, le 6 mars 2017, le grand imam d’Al-Azhar (5) a déclaré la dhimma inapplicable au XXIe siècle. Parce que « l’adoption des notions de citoyenneté, d’égalité et de droits exige nécessairement la condamnation des actes qui s’opposent au principe de citoyenneté (comme) ces pratiques qui reposent sur la discrimination entre le musulman et le non musulman, qui conduisent à des pratiques de mépris, de marginalisation, de double mesure... » Il fallait du courage pour le dire.

Jean Isnard

Notes
(1) Région d’Arabie à la frontière de l’actuel Yémen.
(2) La capitation est un impôt fixe payé « par tête ».
(3) Les « Ahl Al Kitab », pour les musulmans ceux qui ont reçu les écritures d’inspiration divine, comme la Bible ou l’Évangile.
(4) « Les débuts du monde musulman (VIIe-Xe siècle). De Muhammad aux dynasties autonomes », de Thierry Bianquis, Pierre Guichard et Mathieu Tillier, PUF, 2012.
(5) L’université d’Al-Azhar, au Caire, fait autorité en matière de dogme et de droit islamique.

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com
 
 

 

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