HISTOIRE
L’esclavage à Haïti

mai 2013

Chaque pays a son histoire de l’esclavage. Voilà pourquoi nous sommes perplexes, quand un quarteron de malséants assigne en Justice la Caisse des dépôts et consignations pour complicité « d’un crime contre l’humanité », l’esclavage. Ce quarteron s’appelle le CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France), fondé il y a huit ans par Patrick Lozès, un Africain originaire du Bénin, pays soit dit en passant, où les Noirs vendaient leurs frères de couleur aux marchands d’esclaves européens. Pour Louis-Georges Tin, le président du CRAN, la Caisse des dépôts est
coupable d’avoir touché les bénéfices de la servitude des Noirs et le paiement, par les Haïtiens, de l’indépendance de leur territoire. Qu’en est-il?

À partir du XVIème siècle, à la suite de la découverte de l’île d’Hispaniola, les Espagnols s’installent dans l’île pour exploiter l’or. Les Amérindiens refusant de travailler dans les mines, ils sont massacrés et réduits en esclavage. Les maladies, apportées par les Européens, ont finalement raison d’eux et ils disparaissent. Les Espagnols ont alors recours à l’importation de Noirs importés d’Afrique.

Cependant, la partie ouest de l’île ne contenant pas de minerai d’or, les Espagnols l’abandonnent. Des boucaniers (1) français s’y installent venant de l’île de la Tortue. Le premier gouverneur nommé par la France, Bertrand d’Ogeron, arrive en 1665. Habile, il parvient à se faire accepter des boucaniers et fait venir d’autres Français, les « 36 mois », qui reçoivent un lot de terres après 36 mois de travail.

A leur tour, les Français font appel aux esclaves noirs pour entretenir les plantations. Le « Code noir », écrit par Colbert, ministre de Louis XIV, est publié deux ans après sa mort en 1665.

On a beaucoup décrié ce document. Il a en effet le tort de légaliser l’esclavage. On lit : « Déclarons les esclaves êtres meubles... ». C’est-à-dire des biens de leur maître au même titre que le mobilier. Néanmoins, ce qui nous apparaît aujourd’hui inhumain ne l’était pas aux yeux de nos ancêtres. En effet, ce n’est que le 8 août 1779 que Louis XVI abolit le servage des paysans (2).

Le Code noir a en outre le mérite de définir le cadre juridique de l’esclave et d’assurer à celui-ci un minimum de droits. On lit : « Les esclaves qui ne sont point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres, selon ce que nous avons ordonné dans les précédents, pourront en donner avis à notre procureur... Les maîtres seront poursuivis à la requête et faux frais, ce que nous voulons observer pour des crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves ».

En 1697, la France, par le traité de Ryswick, se voit confirmée dans ses droits dans l’ouest de l’île. En 1789, cette possession est la plus riche de nos colonies d’Amérique grâce au sucre et à la culture de l’indigo. Portés par la révolution, les esclaves se soulèvent alors sous la direction de Toussaint Louverture. L’abolition de l’esclavage par la Convention, le 16 pluviôse de l’an II (3), permet le maintien de l’administration française avec la nomination de Louverture comme gouverneur, qui instaure une dictature sous le régime du travail forcé et promulgue une Constitution autonomiste..

Sous l’influence des colons antillais, dont son épouse Joséphine de Beauharnais est issue, Bonaparte, 1er consul, envoie alors 30000 soldats. Défait militairement, Louverture, piégé par des promesses fallacieuses du dirigeant français, est capturé le 7 juin 1802. Il mourra en détention au fort de Joux. Quant à Bonaparte, il s’empresse de réinstaurer l’esclavage.


Un autre noir, Jean-Jacques Dessalines, mène alors les rebelles à la victoire et proclame l’indépendance le 1er janvier 1804 sur le territoire qui prend le nom d’Haïti. Il faudra néanmoins attendre le 11 juillet 1825 pour que la France, sur décision du roi Charles X, en reconnaisse l’indépendance... contre une indemnité de 150 millions de francs or, somme qui sera ramenée à 90 millions en 1838. Quant à la suppression définitive de l’esclavage, elle ne sera effective qu’en 1848.


Dans cette affaire, on ne voit pas ce que la Caisse des dépôts a à voir. Créée le 28 avril 1816, elle n’apparaît qu’à la fin de l’esclavage. En outre, que ce soit à Haïti où sur les autres territoires coloniaux, elle n’est pas plus responsable que les autres institutions françaises d’une pratique plusieurs fois millénaire et, hélas ! Universelle.


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Jean Isnard

 
Notes

(1) Les boucaniers sont des Européens installés sur certaines îles des Caraïbes dans le sillage des pirates. Ils vivaient du commerce de la viande à ces derniers qu’ils faisaient sécher au-dessus de feux de bois sur un treillis, le boucan.
(2) Depuis le Moyen-Âge, les paysans étaient divisés en serfs, attachés à la terre, et vilains, libres de se louer pour travailler.
(3) 4 février 1794.

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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