HISTOIRE
L’islam privilégié

On entend monter un nouveau discours : Benoist Apparu, par ailleurs secrétaire d’État au Logement, s’est dit favorable au financement de mosquées avec l’argent public. Adoptée, cette suggestion apparaîtrait en totale contradiction avec la loi du 9 décembre 1905, dite « Loi sur la séparation des Églises et de l’État », qui stipule : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Apparu lançait-il sur ordre un ballon d’essai pour tester l’opinion ? En d’autres termes, la République française s’apprêterait-elle à accorder à l’islam ce qu’elle a retiré à l’Église catholique ?

La loi du 9 décembre 1905 se substituait à celle du 18 germinal an X du calendrier révolutionnaire, édictée sous le Consulat de Bonaparte. Cette dernière résultait d’un accord entre le Vatican et le gouvernement français, celui-ci reconnaissant le catholicisme, « religion de la grande majorité des citoyens français », s’engageait à protéger la liberté du culte et à assurer la rémunération du clergé. Cependant, le Vatican, dans un souci de conciliation, s’interdisait de chercher à récupérer, auprès de leurs acquéreurs et de leurs descendants, « les biens ecclésiastiques aliénés », en d’autres termes, confisqués au moment de la Révolution.

L’Église et les organisations religieuses étaient donc reconnues dans leurs droits en tant que propriétaires. La loi de 1905 allait tout remettre en question. Celle-ci ordonnait en effet le transfert des biens mobiliers et immobiliers ecclésiastiques « des menses (1), fabriques (2), conseils presbytéraux (3), consistoires et autres établissements, aux associations ». Qu’est-ce que ces associations qui devaient se substituer à l’organisation traditionnelle de l’Église ?

« Ces associations, est-il dit dans l’article 19, devront avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte et être composées au moins, dans les communes de moins de 1000 habitants de sept personnes... »

Les congrégations catholiques, en particulier les communautés monastiques surent constituer des « associations ». Les protestants, encore plus les juifs, habitués à un fonctionnement communautaire en marge de la Nation, n’éprouvèrent aucune difficulté d’ordre psychologique pour s’adapter à la nouvelle règle. En revanche, dans les villages et les villes, les paroissiens catholiques ne comprirent pas la nécessité de s’organiser sous une forme qui leur était étrangère, pour s’assurer la propriété d’un bien, l’église, qui appartenait à tous. En effet, depuis des siècles, communauté villageoise et société religieuse ne faisaient qu’un.

Or la loi précisait dans l’article 9 : « Les biens des établissements ecclésiastiques qui n’ont pas été réclamés par des associations cultuelles constituées dans le délai d’un an à partir de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, seront attribués par décret à des établissements communaux de bienfaisance (...) Les édifices affectés au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et les meubles les garnissant deviendront la propriété des communes sur le territoire desquelles ils sont situés... » Suivait un partage de tous les biens entre l’État, les départements et les communes. On lit même, que « les biens des caisses de retraite et maisons de secours pour les prêtres âgés ou infirmes » devaient être attribués à « des sociétés de secours mutuels ».

En clair, la République retirait à l’Église ses moyens de subsistance, tout en cessant de rétribuer les membres du clergé. Pire, elle mettait en difficultés les prêtres âgés ou infirmes. On ne peut pas dire, qu’alors, à la tête de l’État, beaucoup s’émurent de la précarité dans laquelle se retrouvaient les prêtres. Pas plus que nos dirigeants ne s’inquiétèrent de l’état de vétusté et d’inconfort des églises quand elles n’étaient pas classées monuments historiques.

Voilà pourquoi, aujourd’hui, parler de la « nécessité » du financement par l’État du culte musulman relève d’une forme d’injustice. Ou alors, par souci d’honnêteté, c’est d’abord à une révision de la loi de 1905 en faveur de l’Église qu’il faudrait procéder. Mais qui y est prêt ?

Jean Isnard

Notes

(1) Biens de l’Église dont le revenu est destiné à l’entretien des évêques et des chanoines.
(2) Autrefois, biens et revenus d’une église et conseil chargé de la gestion de ceux-ci.
(3) Conseil assistant les évêques dans l’administration du diocèse

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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