HISTOIRE
DE LA FAMINE
DU MONT LIBAN

janvier 2017

Pendant la Première Guerre mondiale, de 1916 à 1918 une effroyable famine a touché les régions chrétiennes du Jbeil et du Kesrouan au Liban. Un tiers de la population est mort, un autre tiers est parvenu à fuir, seul le dernier tiers parvenant à survivre sur la terre de ses ancêtres. Fin novembre 2016, le département d’histoire du collège de Jamhour (Liban) a organisé une exposition à partir d’archives sur ce sujet. Retour sur une guerre au cours de laquelle deux alliances s’affrontaient : d’un côté principalement la Grande-Bretagne et la France, de l’autre les pays germaniques et l’Empire ottoman dont faisait partie tout le Moyen-Orient, inclus la Syrie et le Liban...

Tout a commencé par les réquisitions systématiques des troupes ottomanes qui, manquant d’approvisionnements, cherchaient à se nourrir. Certes, c’était la guerre, mais les chrétiens, plus méprisés par la soldatesque que d’autres populations de l’Empire, se voyaient dépouillés jusqu’à ne plus rien avoir pour se sustenter.

Du blé aurait pu venir de pays neutres par bateau, mais au large des côtes libanaises, la marine britannique montait la garde, imposant un blocus impitoyable. Encore n’était-ce pas assez aux yeux du destin. Plusieurs invasions de sauterelles s’abattirent sur le pays réduisant à rien le tapis végétal. Sur les corps affaiblis, la typhoïde, le choléra et la tuberculose eurent vite prise ajoutant les épidémies à la faim.

Le clergé chrétien du Liban fut le premier à se mobiliser. Il parvint à faire parvenir des appels à l’aide en direction de la France. Celle-ci était l’interlocuteur des Turcs pour la défense des chrétiens d’Orient. Mais la guerre avait rompu les relations diplomatiques et la Sublime Porte n’avait pas d’oreille pour les lamentations.

Victimes de la famine, Liban 1915-1918
Une mère qui a succombé à la famine laissant derrière elle ses deux enfants agonisants.

(Les photos sont tirées de la collection privée d'Ibrahim Naoum Kanaan qui personnellement documenté la tragédie).

Famine au Liban 1915-1918

En juin 1916, on annonçait déjà 80 000 morts du fait de la famine. Un groupe de pression se forma alors au sein du Parlement français. On caressa l’idée de faire parvenir des bateaux neutres, espagnols et américains, pour approvisionner le Liban. Mais d’un côté, les Turcs s’y opposaient niant la précarité de la situation. De l’autre, les Britanniques ne voulaient pas laisser passer les bateaux craignant que l’armée ottomane ne s’emparât de la nourriture pour son propre compte. Résultat, si une commission américano-turque parvint à se constituer, elle ne permit qu’à un seul bateau d’accoster à Beyrouth en décembre 1916.

Cependant, depuis 1915, la France occupait l’îlot de Rouad (Arouad en arabe), à quelques kilomètres du port syrien de Tartous. Plusieurs centaines de jeunes Libanais parvinrent à la rallier à la nage. Parmi eux on comptait des messagers du patriarche maronite et de son secrétaire, Paul Akl. Tous deux offraient de gager les biens de leur Église pour que la France leur ouvrît un crédit afin de nourrir la population libanaise.

Paris accepta et, début 1917, ouvrit une ligne de crédit d’un million de francs. À partir du mois d’avril, des équipes de nageurs se relayèrent de Rouad à la côte pour transporter l’argent. Le supérieur des moines baladites, des religieux maronites, en accusait réception. Aux yeux des autorités ottomanes,ce dernier pouvait en effet justifier de la détention de grosses sommes d’argent en les faisant passer pour le fruit de terres vendues par son ordre. 24 000 livres sterling parvinrent ainsi au Liban au rythme de 4 000 livres par mois.

Si à partir d’octobre 1918, les Français, ayant pris le contrôle militaire de la côte, purent entrer en contact direct avec la population, le problème n’était pas résolu pour autant. Les Britanniques maintenaient l’embargo et l’accès à l’intérieur de la Syrie n’était toujours pas ouvert. Un bateau anglais livra 100 tonnes de céréales, quand il en fallait 2 000 par mois. C’est la France encore qui intervint sur l’ordre de Clemenceau multipliant les livraisons de grain.


Cet épisode de la Première Guerre mondiale, comme l’intervention en 1860 de nos troupes pour protéger les chrétiens du Liban d’un massacre, expliquent l’amitié que nous porte ce peuple.

Jean Isnard

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com

Lire aussi: Puissance et déclin de l'Empire ottoman

 

Retour Menu
Retour Page d'Accueil