MASSACRE JACOBIN


Née en 1789, la Révolution rencontrait des difficultés partout en France pour s'imposer. A l'Ouest plus qu'ailleurs. Les gens de la terre y refusaient les mutations économiques, les nouveaux impôts levés au nom de la liberté et le clergé constitutionnel, auquel ils préféraient les " bons prêtres. " D'innombrables rixes éclatèrent. En 1792, elles étaient violemment réprimées. Mais en mars 1793, l'ordre de levée de "300 000 hommes" provoque des insurrections dans tout l'Ouest. Ecrasé au nord de la Loire, le soulèvement continue dans le bocage vendéen et prend le nom de guerre de Vendée. Le 2 octobre 1793, un décret est voté : il appelle à " exterminer " les Vendéens (voir encadré).

 

Reynald Secher, historien, a publié " La Vendée - Vengé, " au PUF en 1992. Certains l'ont critiqué pour son estimation du nombre des morts du drame vendéen. Cependant, personne n'a remis en question les témoignages, lettres ou dépositions de justice dont il s'est fait le rapporteur.

Le capitaine Dupuy écrit en janvier 1794 à sa soeur: " Nos soldats parcourent par des chemins épouvantables les tristes déserts de la Vendée… Partout où nous passons, nous portons la flamme et la mort. L'âge, le sexe, rien n'est respecté. Hier, un de nos détachements brûla un village. Un volontaire tua de sa main trois femmes. C'est atroce mais le salut de la République l'exige impérieusement. "

Lequenio, envoyé du Comité de Salut public, dit pour sa part: "On a vu des militaires républicains violer des femmes rebelles sur des pierres amoncelées le long des grandes routes et les fusiller et les poignarder en sortant de leurs bras ; on en a vu d'autres porter des enfants à la mamelle au bout de la baïonnette ou de la pique qui avait percé du même coup la mère et l'enfant."

Thomas, chirurgien, écrit : "J'ai vu brûler des femmes et des hommes. J'ai vu cent cinquante soldats maltraiter et violer des femmes, des filles de quatorze et quinze ans, les massacrer ensuite et jeter de baïonnette en baïonnette de tendres enfants restés à côté de leurs mères étendues sur le carreau… "

A Angers, apprend-on, on a écorché les victimes et tanné leurs peaux pour en faire des culottes de cheval pour les officiers de la République. Pecquel, chirurgien-major au 4ème Bataillon des Ardennes " en a écorchés trente-deux… Les peaux furent transportées chez un nommé Langlais, tanneur, où un soldat les a travaillées. " Le berger Robin précise que les cadavres " étaient écorchés à mi-corps parce qu'on coupait la peau au-dessous de la ceinture, puis le long de chacune des cuisses jusqu'à la cheville des pieds, de manière qu'après son enlèvement le pantalon se trouvait en partie formé… "

Le 5 avril 1794, les soldats du général Crouzat brûlèrent cent cinquante femmes pour en récupérer la graisse à destination des hôpitaux.

Un responsable politique informe le " représentant du peuple " Minier : "Mon ami, je t'annonce avec plaisir que les brigands sont bien détruits. Le nombre qu'on en amène ici (à Nantes) depuis huit jours est incalculable. Il en arrive à tout moment. Comme en les fusillant c'est trop long et qu'on use de la poudre et des balles, on a pris le parti d'en mettre un certain nombre dans de grands bateaux, de les conduire au milieu de la rivière, à une demi lieue de la ville, et là on coule le bateau à fond. Cette opération se fait journellement."

Jean-Baptiste Carrier, membre de la Convention envoyé en mission dans l'Ouest, est l'un des principaux artisans de ce type d'exécution. Devant l'inspecteur aux armées, il se vante d'avoir "fait passer deux mille huit cent brigands à la déportation verticale" qu'il appelle aussi le " baptême patriotique. " En fait, 4 800 personnes sont mortes ainsi noyées dans la Loire.

Certes il faut voir là une instrumentalisation politique liée à la chute de Robespierre, le 10 thermidor (28 juillet 1794). Mais, les autorités françaises de l'époque se sont honorées, condamnant les principaux coupables des crimes perpétrés contre les Vendéens. Carrier fut exécuté en décembre 1794. Les comparses furent cependant relaxés au motif qu'ils n'avaient pas " d'intentions criminelles. "

Génocide pour les uns, massacres ordinaires pour les autres, la République serait néanmoins bien inspirée de faire contrition pour ces crimes commis contre une partie de son peuple. Ou alors nous ne valons pas mieux que la Turquie niant le génocide arménien.

Jean Isnard

 

 

 

 

Décret de la Convention
des 1er et 2 octobre 1793



"Soldats de la liberté,

Il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin du mois d'octobre; le salut de la patrie l'exige; l'impatience du peuple François le commande. Son courage doit l'accomplir. La reconnaissance nationale attend à cette époque tous ceux dont la valeur et le patriotisme auront affermi sans retour la liberté et la République…"

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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