HISTOIRE
NATIONALITÉ
ET SÉJOUR DES ÉTRANGERS

novembre 2015

Pendant la période gauloise la nationalité n’existait pas. On appartenait à une tribu et, extérieur à la fois à une tribu et au peuple des Celtes, on était doublement étranger. Circulant ou résidant sur leurs terres, on ne pouvait le faire qu’avec le consentement des princes de l’époque doublé de l’acceptation tacite du peuple. Des routes marchandes existaient déjà cependant, comme celles traversant le territoire des Lingons (1), en Bourgogne, sur lesquelles la circulation était libre, hors les droits de passages à régler, en particulier pour les marchandises.

Rome, la première en Europe, instaure la notion d’appartenance à un État. Certes, le plus grand nombre est sujet de l’Empire, mais en s’élevant par l’éducation, on peut devenir citoyen. « Est Romain, disait-on alors, celui qui parle latin et adore nos dieux », en d’autres termes qui a adopté notre culture.

Le voyageur, le commerçant, voire le migrant est le bienvenu, puisqu’ils stimulent l’activité économique source de profits pour l’État. Il existe cependant une règle : ces étrangers doivent respecter les lois de Rome et ne pas constituer de menace pour l’ordre public. À ces conditions, avec le temps, ils peuvent même s’assimiler aux peuples de l’Empire.

En France, sous l’ancien régime, on assiste à une régression. Certes, Rome a laissé une empreinte, mais on « appartient » avant tout à un seigneur, voire au roi de France dans le système hiérarchique de la féodalité. On est Français par le droit du sol. La « naturalisation » peut alors se faire en faisant allégeance à un seigneur, ou au monarque, comme le firent les juifs venus des pays de l’Est ou d’Espagne. Les autorités féodales délivrent des passeports aux voyageurs pour leur permettre de franchir les frontières.

La Révolution de 1789 apporte son changement : « Est Français, dit-elle dans sa Constitution, qui est sujet du roi de France » (2). Cela se traduira plus tard par « qui est né sur le sol français ». En 1804, le Code civil élargit cette règle aux enfants de Français nés à l’étranger. Il ne l’étend cependant pas à « toute personne ayant une éducation française », comme le voulait Napoléon Bonaparte. En revanche, dès 1790, on avait accordé automatiquement la nationalité française à toute personne ayant séjourné au moins cinq ans en France.

Nous sommes néanmoins ambigus. Les indigènes, dans nos colonies, ne sont pas citoyens, mais sujets de l’Empire colonial. Pour acquérir la citoyenneté, ils doivent renoncer au droit coutumier, en particulier à la polygamie, et obtenir l’accord de l’autorité. Ainsi, en 1870, accorderons-nous d’office la nationalité française aux juifs d’Algérie par le décret Crémieux.

Les vagues migratoires n’existent alors pas. Les entrées en France restent peu nombreuses. Elles montent en intensité entre les deux Guerres avec les arrivées, en particulier de juifs, des pays de l’Est, mais aussi de migrants fuyant le communisme.

Le 22 juillet 1940, ministre de la Justice sous Vichy, Raphaël Alibert fait déchoir de la nationalité française 15 000 personnes, sur 500 000 prononcées depuis 1927. Parmi elles, près de la moitié de juifs. Le nouveau code de la nationalité est adopté en 1945. Désormais, les femmes peuvent transmettre la nationalité française à leurs enfants. Quant aux étrangers, en cas de séjour irrégulier, ils sont condamnés à une peine de prison et à une amende. Le bulletin officiel du 1er trimestre 2006 du ministère de la Justice le rappelle : « L’étranger qui se maintient en séjour irrégulier commet un délit », confirmé par l’article L. 621-1 du CESEDA (3). La peine est alors d’un an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende.

Mais le droit change. La Cour européenne, les 22 juin 2010 et le 6 décembre 2011, stipulent que le séjour irrégulier ne peut justifier une incrimination pénale. La Cour de cassation le confirme le 6 juin 2012. Dans la loi du 31 décembre de la même année, les parlementaires français s’alignent sur les décisions de la Justice européenne et supprime le délit de séjour irrégulier. Cela a été publié au Journal Officiel le 1er janvier 2013. Sans attendre et dans le tumulte des fêtes. Comme une loi scélérate.

Ainsi, aujourd’hui, la loi se fait-elle chez nous. Inspirée par des juges, européens qui plus est, elle est votée par des parlementaires nationaux dans un hémicycle vide.

Jean Isnard

Notes

(1)Tribu gauloise convertie au commerce qui entretenait des relations actives avec Rome. (2) Le roi est alors encore le chef de l’État.
(3) « Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 
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