HISTOIRE
Séparation
de l’Église et de l’État

février 2015

Les attentats des 7 et 8 janvier ont relancé la question sur la laïcité. Cette conception de la relation État-religion est élevée aujourd’hui au rang de principe intouchable. Elle est pourtant née dans la violence et était loin d’être acceptée par tous à ses débuts. Détail piquant, il n’existe pas de loi sur la laïcité, mais une loi sur la « Séparation de l’Église et de l’État », adoptée le 9 décembre 1905.

Depuis 1801, les relations entre l’Église catholique et l’État étaient régies par le Concordat, un traité signé sous le Premier consul Bonaparte avec le Vatican. Le Concordat reconnaît la prépondérance du catholicisme en France mais laisse à l’État le privilège de nommer les évêques tout en lui imposant de verser un salaire aux prêtres. Ces dispositions déplaisent profondément aux anti-cléricaux qu’en particulier, la place prise par l’enseignement catholique insupporte.

Au XIXe siècle, la troisième République s’inscrit dans cette ligne anti-cléricale. En juin 1899, Pierre Waldeck-Rousseau, alors président du Conseil, fait voter la loi de 1901 sur les associations.

Déjà, il met le doigt sur la relation entre l’État et le catholicisme. Alors que la législation accorde un régime de liberté aux associations, elle restreint celle des congrégations religieuses qui doivent déposer une demande d’autorisation. Une loi doit alors être votée pour chaque congrégation, annulable par simple décret présidentiel. Une précarité maximum.

Ce n’est pas assez pour les anticléricaux. En 1902, Émile Combes décroche la présidence du Conseil. On le surnomme « le petit père Combes » car, ancien séminariste devenu athée, il nourrit une haine féroce contre le catholicisme. Dans l’application, il durcit la loi sur les associations en refusant toutes les demandes d’autorisation des congrégations. Waldeck-Rousseau va jusqu’à lui reprocher d’avoir fait d’une loi de contrôle une loi d’exclusion. Des religieux et des religieuses sont expulsés de leurs couvents manu militari. Par milliers des religieux catholiques fuient vers la Belgique ou l’Espagne.

Combes va jusqu’à décréter la fermeture de 3000 écoles catholiques dirigées par des congrégations. Il donne dix ans à 12 000 autres pour disparaître. En effet, l’école publique ne peut pas encore se substituer à l’école catholique. Le jeune Charles De Gaulle, pour continuer ses études, passera la frontière belge avec d’autres enfants.

Furieux, le Pape Pie X rompt ses relations diplomatiques avec la France et adresse une lettre de protestation aux chancelleries européennes. Combes procède à son tour au blocage des relations avec le Vatican.

Éclate alors l’affaire dite « des fiches », quand on découvre que le ministre de la Guerre utilise des réseaux franc-maçons pour dresser la liste des officiers de convictions catholiques afin de bloquer leur avancement. C’est un peu trop. Déstabilisé, Combes est contraint à la démission, laissant la place à Ferdinand Buisson.

Cependant, faute de canaux d’échange avec le Vatican, le Concordat devient inapplicable. Le gouvernement décide alors la séparation de l’Église et de l’État. Un paradoxe puisque cela va occasionner la perte du contrôle de l’Église de France par l’État. Mais aveuglé par sa haine de la catholicité, le pouvoir est dans une position de rejet d’une partie de la Nation.

Encore la ligne s’est-elle quelque peu assouplie avec le départ de Combes. Buisson et son rapporteur, Aristide Briand, préparent une loi un peu moins rigide que celle envisagée par leur prédécesseur. Elle est promulguée le 9 décembre 1905.

L’inventaire des biens mobiliers et immobiliers de l’Église, pour confiscation, se fait dans un climat de contestation et de violence. En particulier dans l’ouest du pays. Il y a des morts. En revanche, l’application de la loi se fait très souple à l’égard des juifs et des protestants qui restent pratiquement partout propriétaires de leurs biens. La franc-maçonnerie a exercé son influence dans ce sens et, faut-il savoir, Buisson est protestant.

La guerre de 1914 venant là-dessus, on a d’autres chats à fouetter. Puis les relations diplomatiques sont renouées avec le Vatican et, en 1924, l’État concède la création d’associations diocésaines sous l’autorité des évêques. Les diocèses d’aujourd’hui. Mais nous conservons la trace de cette haine générée par les anti-cléricaux dont Charlie Hebdo s’est fait le porteur.

Jean Isnard

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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