LE ZOROASTRISME

 La population d'origine juive ne représentant qu'un pour cent de la nation française (600 000 individus), on comprend le nombre de croyants de la religion de Moïse ne pas suffire en effectifs pour qualifier la France de " pays judéo-chrétien. " Si le nombre devait justifier cette appellation, avec plusieurs millions de musulmans de nationalité française, nous serions plus cohérents nous baptisant islamo-chrétiens en contradiction cependant avec notre culture et notre histoire.

Il y a en fait à l'usage de ce qualificatif " judéo-chrétien " une autre raison : la croyance que le judaïsme serait la première religion monothéiste, à ce titre par l'ancienneté, la matrice de toutes les autres. Cela est-il vrai ?

Il faut savoir : vers le VIIème siècle avant Jésus-Christ naquit un homme de la lignée des Spitama. De son prénom Zarathustra, il passa à la postérité sous le nom hellénisé de Zoroastre.

Zoroastre, pense-t-on, serait né en Bactriane (1), plaine aujourd'hui située au nord de l'Afghanistan et incluant la ville de Mazar-i-Sharif. Il appartenait à une famille sacerdotale, sédentarisée, de nomades indo-européens venus de la steppe asiatique qu'ici on appellera un jour les Perses.

Zoroastre enseigne une croyance en un seul Dieu : Ahura Mazda. Celui-ci domine le duel entre deux esprits " Spenta Mainyu " (le Saint esprit) et " Ahra Mainyu " (le Mauvais esprit).

De la bouche de Zoroastre, surgissent aussi des croyances nouvelles, pour nous aux résonances familières.

Darius dans le palais de Persépolis.

Selon l'eschatologie (2) de sa religion, après la mort l'âme franchit le pont de Chinvat, " large pour les justes et étroit pour les méchants. " Puis elle se dirige, en fonction de ses mérites, vers le Paradis, le Purgatoire ou l'Enfer.

Dans le ciel, demeurent les " fravartis. " chacune veillant à la protection d'un humain. Une sorte d'ange gardien en somme. Comme dans le judaïsme et le christianisme, les " fravartis " forment les troupes qui protègent le ciel.

A la fin des temps, dit le zoroastrisme, Saoshyant, le " Messie-Rédempteur, " présidera à la Résurrection, transfiguration finale qui fera " un monde nouveau, soustrait à la vieillesse et à la mort, à la décomposition et à la pourriture, éternellement vivant... alors les morts se relèveront, l'immortalité viendra aux vivants... "

Jugement dernier, annonce d'un Messie-Rédempteur précédant la résurrection à la fin du monde et légions célestes : on est interloqué par ces ressemblances avec nos religions.

Il faut rappeler l'Histoire. En 586 av.J-C, Nabuchodonosor, roi de Babylone, détruit le premier temple juif à Jérusalem et déporte les Hébreux en Mésopotamie.

Mais en 538, revers de fortune, Cyrus, l'empereur des Perses, s'empare de la Mésopotamie. Sous son gouvernement et celui de sa dynastie, le Zoroastrisme est, sinon religion d'État, du moins religion protégée. Les conceptions monothéistes des Hébreux et des Zoroastriens les rapprochent.

Quelle religion inspire-t-elle l'autre ?

D'abord, il est prouvé que les textes sur l'eschatologie zoroastrienne sont antérieurs à l'arrivée des Hébreux à Babylone.

André Dupont-Sommer (3) le confirme : " C'est précisément au VIème siècle, écrit-il, quelque temps après Zoroastre, que se rencontrent les premières formulations explicites du monothéisme juif (4). "

Bien sûr, la religion juive est déjà le ciment du peuple hébreu, au VIème siècle, mais c'est seulement à cette époque, à Babylone, que l'essentiel de la Thora (en gros l'Ancien Testament repris par les chrétiens) est écrit. Les chercheur israéliens eux-mêmes le reconnaissent.

En clair, si le judaïsme a servi de transmetteur, il semble devoir nombre de croyances qu'il s'attribue au zoroastrisme. Il nous paraîtrait farfelu de qualifier la France de pays " zoroastro-chrétien. " Il l'est tout autant de lui demander d'assumer le qualificatif de " judéo-chrétien. "

 

Jean Isnard

 

Notes

(1) Nos informations proviennent essentiellement des études de Paul Du Breuil, Docteur en Philosophie et en Histoire des Religions, ancien Professeur à la " Columbia Pacific University " (États-Unis).
(2) Doctrine sur le sort de l'homme après sa mort.
(3) Né en 1900, décédé en 1983. Orientaliste et ancien titulaire de la chaire d'hébreu et d'araméen au Collège de France.
(4) L'Iran et Israël, in Civilis. iran., op.cit., p.73

 

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