L’ENJEU AFGHAN

novembre 2009

Au mois d’octobre, nous avons effectué un nouveau séjour en Afghanistan, nous rendant à Kaboul et dans les provinces du nord. Nous avons rencontré des diplomates français et afghans, des militaires appartenant au corps expéditionnaire et à l’armée du pays et des hommes politiques. Nous avons aussi écouté la population, y compris des gens qui ne nous ont pas caché leurs sentiments favorables aux Taliban. Dans cet article, après nous être longuement interrogés, nous vous livrons nos conclusions.

Kaboul, 8 heures du matin, le 8 octobre 2009, une violente explosion ébranle les murs de la chambre d’hôtel. A 500 mètres, la façade de l’ambassade indienne a été soufflée. Alentours, des carcasses de voitures broyées. On compte sept morts et des dizaines de blessés. Debout, seule au milieu de la chaussée, une femme pleure.

Le message est clair : les Taliban et leurs alliés disent aux Indiens venus faire des affaires en Afghanistan, de quitter le pays. Cette attaque s’ajoute à des dizaines d’autres perpétrées chaque mois à travers le pays, visant « les mauvais musulmans », associés au pouvoir central, ou les forces étrangères sous mandat des Nations Unies.

Ne cessant de croître, depuis le début de l'été, une moyenne de 70 soldats étrangers meurt ainsi tous les mois. Quant aux Taliban, d’abord cantonnés dans quelques provinces méridionales habitées par l’ethnie pachtoune, à partir de 2008, ils exerçaient une pression croissante sur l’axe d’approvisionnement Pakistan-Kaboul. Cet été, on signalait leurs maquis à Kunduz, à la frontière de l’ancienne Union soviétique.

A qui la faute ? Pas à nos soldats ! Le 7 octobre, nous avons accompagné un escadron du 1er Régiment étranger de cavalerie d’Orange. Mission : reconnaissance, afin d’assurer la sécurité des villages situés à l’est de Kaboul et d’y détecter des intrusions de Taliban. Montés sur des automitrailleuses Panhard, le lieutenant et ses hommes étaient impeccables. Patient et respectueux à l’égard de la population, l’officier me rappelait le dévouement oublié de ses prédécesseurs de l’armée coloniale française en Afrique et en Indochine.

Alors qui est responsable ? En dernier ressort nos dirigeants politiques, qui n’ont pas su expliquer les raisons de la présence de nos armées en Afghanistan. Nous n’y sommes pas pour permettre aux jeunes filles de se vernir les ongles, mais pour neutraliser Al-Qaïda et l’empêcher d’utiliser l’Afghanistan comme base d’assaut contre le reste de la planète!

En 2002, après une guerre rapide et efficace, les forces occidentales avaient renversé le pouvoir des Taliban, protecteurs de Ben Laden et de ses hommes. Les erreurs ont alors commencé. On est tombé dans le bricolage humanitaire.
A côté d’ONG professionnelles, trop de succursales s’ouvraient pour « améliorer la condition des femmes » ou convertir les Afghans au christianisme, voire au bouddhisme, comme certains Japonais. Autant de projets maladroits qui heurtaient la sensibilité et les coutumes locales.

Certes, des travaux d’aménagement du territoire ont été entrepris, mais pas assez vite au gré des Afghans, dont seule une minorité bénéficiait des améliorations. Cela occultait les progrès considérables réalisés. À partir de 2004, dans l'ethnie pachtoune, la remontée en force des Taliban s’est nourrie de toutes ces frustrations. D’autant plus que, faute d’un calendrier de retrait des forces étrangères, leur présence passait pour une occupation coloniale.

Dans des conditions désormais difficiles, il est devenu urgent de rendre lisibles aux yeux de tous les raisons et les limites de l’intervention militaire en Afghanistan. Faute de quoi, sous la pression des opinions occidentales, il faut craindre un départ dans l’urgence de nos armées.

Une guerre sans fin suivrait, entre Pachtouns et non Pachtouns, accompagnée d’une nouvelle montée en puissance des radicaux islamistes dopés par l’ivresse de la victoire. Al-Qaïda, ou d’autres organisations similaires, transformeraient à nouveau l’Afghanistan en sanctuaire inexpugnable. Nous nous retrouverions alors à la case départ, obligés à intervenir dans des conditions plus difficiles encore.

En 2003, la guerre contre l’Irak nous apparaissait inutile, injuste et dangereuse. En 1999, déjà, nous avions dénoncé l’attaque de la Yougoslavie pour les mêmes raisons. Aujourd’hui, en dépit du coût, nous croyons la guerre en Afghanistan indispensable. Mais il faut nous donner les moyens de l’emporter, en associant la reconstruction du pays à un travail politique et à une stratégie militaire repensés. En dépit des apparences, en Afghanistan, nos soldats se battent aussi pour notre sécurité.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

Lire aussi: Faut-il rester en Afghanistan?

 

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