ANCIEN PRÉSIDENT D’AFGHANISTAN,
BURHANUDDIN RABBANI ASSASSINÉ

octobre 2011

Cette « mise à mort » est passée quasi inaperçue en France. Et pour cause ! L’analyser revient à admettre que la situation empire en Afghanistan, quand nous prétendons le contraire pour justifier le départ annoncé des forces occidentales.

Burhanuddin Rabbani est né en 1940 dans la province nordique du Badakhshan. Il appartient à l’ethnie tadjike, la seconde du pays par son importance. Après des études de droit et de théologie musulmane à Kaboul, à la fin des années 60 il obtient un diplôme de l’université Al-Azhar du Caire. A l’occasion de son séjour dans la capitale égyptienne, il se rallie à l’idéologie des Frères musulmans.

Burhanuddin Rabbani

Revenant à Kaboul, il exerce comme professeur à l’université et est l’un des fondateurs du Jamiat Islami afghan, dont il deviendra le chef. Ce parti s’oppose fermement à l’hégémonie communiste et sera l’une des principales composantes de la résistance à l’occupation soviétique à partir de décembre 1979.

Le Jamiat Islami tire sa renommée du prestige de l’un de ses commandants, Ahmad Chah Massoud, qui sera lui aussi assassiné par deux Arabes des réseaux d’Oussama Ben Laden quelques jours avant le 11 septembre 2001.
En 1992, quand les « moujahidine » entrent dans Kaboul, Rabbani devient le Président du pays. Chassé du pouvoir par les Taliban, issus de la majorité pachtoune, en 1996 il est le maître d’oeuvre d’une alliance hétéroclite d’ethnies formant l’Alliance du Nord en lutte contre les nouveaux maîtres du pays. Il devra son retour dans la capitale à l’offensive américaine de l’automne 2001.

La vision intégriste de Rabbani connaît-elle une évolution au cours des années ? Force est de reconnaître, qu’au-delà de sa vision personnelle, il collabore avec tous ceux qui peuvent servir son accession au pouvoir. Pendant la résistance des années 80, avec les Occidentaux, face aux Taliban, avec l’Iran chiite, qu’il déteste pourtant, et même avec la Russie.

Installé Président intérimaire à la chute des Taliban, il vit mal la préférence des Américains qui mettent Hamid Karzaï en selle. Contre ce dernier, il entre alors dans une opposition politique ambiguë et fonde le Front national, incluant d’anciens communistes dans ses rangs. Cependant, en 2009, à la demande de Karzaï, il fonde et prend la direction du Conseil pour la paix, chargé de rallier les commandants des Taliban.

Au Badakhshan, province où se sont infiltrés les rebelles depuis deux ans, il jouit d’un grand prestige. Cet été, il y a marqué quelques points supplémentaires en retournant plusieurs groupes armés. Cela a-t-il inquiété les Taliban qui ont ordonné sa mort ?

Une autre piste, convergente, existe néanmoins. Depuis le renversement des Taliban, les Iraniens travaillent à infiltrer l’Afghanistan. Ils trouvent chez les Hazaras, ethnie chiite, des clients fidèles. Mais ils ont aussi acheté nombre de Tadjiks, dont le principal candidat de l’opposition aux dernières présidentielles, Abdullah Abdullah, et Rabbani lui-même. Du reste, ce dernier revenait d’un nième voyage en Iran quand il a été tué.

Les Iraniens, retors comme on le sait, ont aussi ouvert un canal auprès des Taliban. Depuis deux ans, ils les forment aux techniques de guérilla et leur fournissent des armes.

Dans cet imbroglio, les Pakistanais cherchent aussi leurs intérêts. En guerre ouverte contre les Taliban qui posent des bombes sur leur territoire, pourtant alliés stratégiques des États-Unis, ils laissent agir les factions combattant les forces de l’OTAN en Afghanistan quand ils ne les aident pas.

De cette situation est née une alliance de fait entre l’Iran et le Pakistan, ces deux pays souhaitant le départ d’Afghanistan des forces étrangères.

Rabbani, devenu un allié essentiel de l’Iran, entretenait aussi des relations avec le Pakistan. Néanmoins, quand l’objectif de Téhéran et d’Islamabad n’est plus seulement de chasser les Occidentaux, mais de préparer leur prise de contrôle de l’Afghanistan, ces deux capitales se retrouvent concurrentes.

Rabbani, pris dans un conflit d’intérêts, son assassinat peut avoir été commandité du Pakistan pour éliminer le gêneur qu’il était devenu pour Islamabad.

Le résultat est là. La mort violente de Rabbani le sacralise en même temps qu’elle dope la haine des Tadjiks contre les Pachtouns. Le retour à la paix, ou même une réduction de la violence, paraissent de plus en plus improbables dans ce pays en guerre depuis plus de trente ans.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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