BOUTEFLIKA RECONDUIT

mars 2014

Étrange maintien au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika. Peut-on appeler cela de la démocratie ?

 

Le 3 février 2014, Amar Saâdani, Secrétaire général du FLN, avait appelé le patron des services de renseignements (la DRS) à « s’occuper des questions sécuritaires » et à « cesser de s’immiscer » dans lefs affaires politiques de l’Algérie.

Cette sortie contre la DRS, ce qui veut dire aussi l’armée, une première de la part d’un officiel du premier cercle, surprenait à deux titres. D’abord parce qu’elle stigmatisait l’influence exercée par l’armée sur le pouvoir politique au point de l’inféoder, vérité qu’il vaut mieux taire en Algérie pour éviter des ennuis. Ensuite en raison de la proximité entre Saâdani et le Président Abdelaziz Bouteflika, auquel il sert de porte-voix. Or Bouteflika a lui même été mis en selle par l’armée.

Il faut replacer l’affaire dans le contexte de la campagne électorale. Élu Président pour la première fois en 1999, Bouteflika se présentait pour un quatrième mandat. Certes, il a ramené le soulèvement islamiste à un niveau résiduel, mais sous son autorité, sur fond de paupérisation de la population, la corruption règne en maîtresse. En outre, ses hospitalisations à répétition le décrédibilisent. La dernière, au Val de Grâce à Paris, l’a même laissé très diminué à la suite d’un accident vasculaire qui l’a obligé à rester en France pendant 80 jours.

Mais la bête n’est pas morte et elle le faisait savoir. Nul ne doute un instant que l’attaque de Saâdani contre la DRS émanait de Bouteflika. L’armée a en effet reçu fraîchement son idée de se représenter au poste de premier magistrat. Pourtant, deux semaines après la tonitruante déclaration du secrétaire général du FLN, Bouteflika intervenait en personne pour défendre « l’honneur » de l’armée et des services de renseignements.

L’affaire valait avertissement pour les militaires : ou ils acceptaient la candidature du Président sortant ou il jouait l’opinion contre eux. Prise de court, l’armée s’est résignée. La peur est souvent bonne conseillère : à provoquer une guerre de position, les généraux risquaient en effet de perdre les espaces de pouvoir dont ils jouissent dans les affaires, dans la presse, dans les rangs des parlementaires...

Il faut dire le terrain de plus en plus incertain. L’onde de choc des Printemps arabes, qui a déferlé de la Tunisie à la Syrie en passant par l’Égypte en 2011, a secoué le système algérien. Certes, la peur de la toute puissance des services et d’une nouvelle guerre civile ont retenu la rue. Mais le mécontentement gronde.

Pour le moment, il a pris un aspect raisonnable. Depuis le 1er mars a surgi le mouvement Barakat, structure apolitique et pacifique qui dénonce le blocage de la société, la corruption, les abus de pouvoir et la captation de celui-ci par une gérontocratie cynique.

Face à cette menace nouvelle, la répétition des scénarios électoraux passés ne saurait suffire pour calmer la colère montante. Les cinq concurrents de Bouteflika n’avaient en effet aucune chance. Pour tenir face au peuple, il fallait toute la cohésion des détenteurs du pouvoir : l’armée, le FLN et, bien sûr, l’exécutif mené par le Président sortant.

Signe que tout le petit monde des décideurs algériens a compris, le 1er mars, venue en force, la police bloquait une manifestation de Barakat et interpellait une quarantaine de personnes. La question est : Bouteflika réélu, combien de temps l’Algérie va-t-elle encore être tenue muselée ?

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

Retour Menu
Retour Page Accueil