André Glucksmann

décembre 2015

Nous n’aurons pas l’hypocrisie de nous joindre à la cohorte des pleureuses, même si nous nous recueillons en esprit sur la dépouille de l’homme. Il y a eu dans sa vie trop d’emportements en faveur du mal qu’il prétendait combattre et trop de silence face à certaines injustices.

Souvenez-vous ! Ses parents étaient des sionistes de gauche d’Europe de l’Est immigrés en Palestine au début des années 20. Revenus de leur expérience, ils rejoignirent l’Europe en 1933 ou le père, Rubin, se fit espion du GRU, les services de renseignement de l’armée soviétique. Il mourut en 1940 dans le naufrage d’un bateau navigant pour le Canada. La mère quitta Boulogne-Billancourt où elle vivait, pour se réfugier en zone libre, avec ses trois enfants, et rejoignit la Résistance. En 1941, ils échappèrent de peu à la déportation.

Le plus important reste dans les positionnements de Glucksmann mesurés à l’aune des principes dont il se prétendait le défenseur. Il se voulait pur et dur, soutien des grandes causes, de la liberté et, toujours, du côté des victimes.

Il commença sa vie d’homme dans la proximité du parti communiste avant de militer avec les maoïstes et de devenir un inconditionnel de Mao Tsé Toung. Tout en nuances, il va jusqu’à qualifier la France, sous le gouvernement de Georges Pompidou, de régime fasciste.

Il lui faudra arriver à l’âge de 37 ans, en 1974, pour comprendre, sous le poids des révélations de Soljenitsyne, que le marxisme a engendré un monstre, l’Union Soviétique. Il tourne alors casaque et mute en inconditionnel de l’anti-communisme. Il devient aussi un défenseur intransigeant des droits de l’homme. En 1979 on le voit même, avec Raymond Aron et Jean-Paul Sartre venir défendre devant le Président Valéry Giscard d’Estaing la cause des « boat-people », les réfugiés vietnamiens. Avec la chute de l’URSS, au tournant des années 90, on comprend néanmoins ses engagements plus anti-russes, voir anti-slaves, que purement anti-communistes.

Ainsi, en 1999, il soutient l’offensive de l’OTAN contre la Serbie, il se fait l’avocat du peuple tchétchène face à Moscou et plus tard se posera en défenseur de la Géorgie mise en difficulté par la Russie. Bien sûr, à chaque fois, il prend argument des Droits de l’homme, fût-ce de façon bancale, comme en Serbie.

Mais quand en 2003, il soutient l’offensive américaine en Irak, en 2011, celle de Nicolas Sarkozy en Libye, on voit bien qu’il a basculé avec armes et bagages du côté de Washington. Du reste, son soutien au candidat Sarkozy aux présidentielles de 2007 confirme bien cet engagement.
Mais pourquoi cette bascule ? On constate que le choix dans le suivisme des États-Unis accompagne, en même temps qu’il épouse, les options stratégiques d’Israël : contre Moscou, contre l’Irak, contre la Libye et contre l’Iran.

Dans « Libération » du 10 novembre 2015, le journaliste Johan Hufnagel se voit obligé de poser la question à Bernard-Henry Lévy, interviewé pour faire l’éloge du défunt : pourquoi la Bosnie, le Rwanda, le Kosovo, la Tchétchénie, l’Afghanistan, l’Ukraine, mais « jamais de prise de position en défense des Palestiniens ? » Réponse évasive.

Finalement, dans toute sa vie, Glucksmann n’aurait-il pas été fidèle qu’à une seule cause, celle d’Israël ?

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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