LE FEU DE BENGALE

Le 17 août 2005, 350 bombes artisanales explosent simultanément dans les villes du Bangladesh. Deux personnes sont tuées : un enfant de dix ans et le conducteur d'un vélo-taxi. On compte aussi 125 blessés. Sur les lieux des attentats, on retrouve des prospectus signés du nom d'un groupe islamiste, le Jamaat-ul-Mujahideen. Le texte appelle à l'instauration de la loi islamique. D'autres textes ordonnent à la Grande Bretagne et aux États-Unis " de sortir des pays musulmans. "

 Constat, pourtant, façonnées dans de petites boites de conserves, les bombes étaient noyées dans de la sciure comme pour en amortir l'effet. Confirmé par le nombre relativement peu élevé des victimes, non pas destinées à tuer, les explosions avaient pour tâche de faire peur.

Message bien reçu. Pendant plusieurs jours, les boutiques baissent le rideau et la circulation disparaît des rues où la police et l'armée patrouillent en force.

Que se passe-t-il donc au Bangladesh ?

Le pays est né au confluent, formant delta, de deux grands fleuves de la péninsule indienne : le Gange et le Brahmapoutre. La terre, enrichie par les alluvions, est propice à l'agriculture. 80% du territoire se trouvent néanmoins en dessous de deux mètres d'altitude. Cela le rend vulnérable aux inondations quand la mousson, déversant des torrents d'eau, correspond avec la crue des fleuves. Comme en avril et mai 1991, lorsque crue, tornade, cyclone et tremblement de terre ont conjugué leurs efforts causant la mort de 140 000 personnes.

Dans l'histoire, le pays connaît aussi des vicissitudes. Bouddhiste, il est conquis par les Mongols et converti à l'islam avant de tomber sous la coupe de la Grande Bretagne à la fin du XVIIIème siècle. En 1947, quand les Britanniques quittent " leur " empire des Indes, ils le fractionnent en deux États. L'Inde, à majorité hindouiste, et le territoire musulman où, suite à des échanges de population aux allures de nettoyages ethniques, on compte 99% de mahométans. Celui-ci se voit lui-même coupé en deux entités sans continuité territoriale : le Pakistan Occidental et le Pakistan Oriental, séparés par le territoire indien.

Mais la partie Occidentale, méprisant les populations orientales, veut leur imposer sa loi. Après des affrontements sanglants, en 1971, le Pakistan oriental prend alors son indépendance sous le nom de Bangladesh.

Suit une longue période d'instabilité. Jusqu'à l'émergence de deux partis politique qui, étrangeté dans ce pays musulman, se sont donnés des femmes pour leader. Le premier, la " Ligue Awami, " est dirigé par la sheikha Hasina Wajed, fille de Mujibur Rahman, le fondateur de l'État bengalais. Le second, le parti nationaliste, a placé à sa tête la bégum Khaleda Zia, veuve du Président Zia-ur-Rahman, assas-siné en 1981.

Elles se succèdent alors au pouvoir, dans un jeu d'opposition contre majorité. Même si, partout, il y a loin entre les principes démocratiques et leur application dans la vie politique, le Bangladesh n'apparaît pas moins démocratique que l'Inde, sa voisine. Contrairement au dogme " états-unien, " Cela ne l'a pas mieux armé pour contenir le danger de l'islamisme radical.

Dès la première moitié des années 90, ce dernier se manifeste. Dans ce pays encore, pour ne pas blesser les susceptibilités religieuses, le pouvoir politique fait mine de ne rien voir. En 1993, pourtant, les islamistes obligent à l'exil Taslima Nasreen, une militante féministe, qu'ils accusent de " blasphème. " Les deux " Ladies " qui se succèdent au pouvoir, un peu lâchement, laissent faire.

Résultat de son imprévoyance, en août 2004, alors Premier ministre, Khaleda Zia échappe à un attentat islamiste. 23 membres de son parti sont tués. Quelques mois plus tard, en février, elle se décide à interdire deux partis islamistes particulièrement extrémistes, dont le Jamaat-ul-Mujahideen. Celui qui a signé les prospectus abandonnés sur les lieux des explosions le 17 août.

Attaquant les pays musulmans et leur population, les islamo-terroristes prouvent une chose : le monde n'est pas divisé entre un Orient et un Occident qui seraient hostiles. Mais entre les tenants de la paix et les enragés de la violence. Cela n'exonère pas les États-Unis et leurs satellites de leur part de responsabilité dans l'extension de la même violence.


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