LES TENTATIVES D'ATTENTATS

EN GRANDE-BRETAGNE

DE JUIN 2007

(ANALYSE)

Le 29 juin 2007, deux voitures piégées étaient neutralisées dans le coeur touristique de Londres. Elles contenaient des bouteilles de gaz, des bidons d'essence et des clous.

Le lendemain, une jeep, utilisée comme voiture bélier, chargée d'essence, était lancée contre une entrée de l'aéroport de Glasgow. Seule victime de son geste, gravement brûlé, le conducteur du véhicule fut évacué sur un hôpital.

Les policiers maîtrisant le conducteur
de la voiture bélier

Les circonstances de la découverte des deux premières voitures apparaissent étonnantes. Pour l'une, des ambulanciers " ont cru voir " de la fumée à l'intérieur de l'habitacle. Pour l'autre, son conducteur l'avait garée dans une zone de stationnement interdit.

En outre, ces terroristes font figure d'amateurs : non seulement leurs bombes n'ont pas explosé mais, pour communiquer entre eux, ils utilisaient leurs téléphones portables.

Tout cela, ajoutée à la rapidité avec laquelle les auteurs du complot ont été arrêtés, donne à réfléchir. Sans doute les services britanniques en savaient-ils plus qu'ils ne le disent sur les préparatifs des trois attentats. Mais d'autres
questions se posent.

Dès le 3 juillet, la presse nous apprenait l'arrestation de huit suspects, dont un en Australie.

Or, et c'est là un point capital, si l'on s'en tient aux informations publiées, tous appartiennent au corps médical. Le fait qu'ils soient aussi musulmans, venant d'Inde, d'Irak, de Jordanie ou, semble-t-il d'Arabie Saoudite, passe presque au second plan.

Quoi de plus terrifiant en effet qu'un complot de médecins ? Par principe ne sont-ils pas les ennemis de la mort ? Les imaginer la donnant relève de l'horreur, nous plongeant dans un scénario de série B à glacer le sang.

Mais il y a pire, surtout pour les Britanniques : ces médecins servaient dans leur système de santé. Ils avait été reconnus compétents et rien dans leurs comportements n'avait permis de détecter chez eux des penchants criminels, fussent-ils inspirés par une quelconque idéologie. En d'autres termes, ils étaient des médecins comme les autres.

Seule différence avec des praticiens dénommés " Smith " ou " Austin ", ils avaient immigré du Moyen-Orient et, comme des milliers de leurs compatriotes, servaient dans les hôpitaux de Grande-Bretagne pour suppléer aux carences du système en matière de personnel médical. Une situation comparable à celle de quelques pays d'Europe, en particulier de la France.

Sans attendre, Londres a annoncé sa volonté de " durcir " le recrutement des médecins étrangers. En d'autres termes, de renforcer les contrôles. Mais comment faire quand, de l'aveu général, autant de la part de leurs collègues que de leurs voisins, les médecins soupçonnés, pour ne pas dire coupables, ne donnaient pas de signes de radicalisme dans leurs relations avec les autres.

Certes, on a vu des photos de la famille de l'un des coupables, Mohammad Jamil Abdelkader Asha. Sa femme et sa mère portaient le voile et lui une barbichette comme le font les intégristes.

On sent la tentation d'interdire, non seulement en Grande-Bretagne, mais sur tout le territoire européen, les femmes musulmanes voilées et leurs conjoints porteurs de barbes ? Rien n'empêchera alors des individus aux intentions criminelles de se donner une apparence suscitant moins de suspicion. En viendrions-nous à refuser l'entrée de nos pays à tous les musulmans, fussent-il en voyage d'affaire ?

On comprend cette sorte d'apartheid mondiale inapplicable. Nos intérêts sont bien trop liés. Nos échanges de matières premières, ne serait-ce que le pétrole et le gaz, contre des services ou des biens manufacturés, ont rendu incontournables nos relations.

Mais quand il s'agit des médecins du Moyen-Orient, la situation apparaît plus dramatique encore, parce que, faute d'avoir formé suffisamment de praticiens dans nos écoles, nous dépendons de cette main d'oeuvre importée.

C'est sans doute là l'aspect véritablement terrorisant. Car nos responsables de la sécurité auront beau chercher à nous rassurer, le doute et la méfiance se sont installés. Confiné entre les murs blancs d'une chambre d'hôpital, nul désormais ne pourra s'empêcher de sentir monter en lui de l'appréhension, quand un médecin d'apparence orientale s'approchera de son lit. A un moment, de plus, où affaiblis nous nous sentons vulnérables et dépendants.

Les " terroristes en blouses blanches ", de par leur appartenance au corps médical, ont touché un point sensible de notre psychologie collective. Ils ont semé les graines de la paranoïa, but avoué de toute organisation terroriste.

Certes, l'on peut, et l'on doit, se raisonner pour faire face à la peur. On n'en constatera pas moins l'extrême vulnérabilité de nos sociétés modernes. Par conséquent, la nécessité de confronter le terrorisme sur un autre terrain. Pour nous celui de ses causes.

Certains veulent croire l'islam son initiateur. Ils l'oublient, d'autres religions, des théories politiques aussi, ont servi, et servent encore, d'excuse au terrorisme. Admettons-le une bonne fois, les injustices intolérables infligées à un peuple sont toujours les mobiles des terroristes.

En d'autres termes, tant que, de la Palestine à l'Afghanistan, nous préférerons la politique de l'oukase à celle du dialogue, le terrorisme continuera de monter en puissance. Nos moyens sécuritaires ne suffiront jamais à l'éradiquer car les hommes en colère n'ont pas de pitié. Ni pour eux-mêmes, ni pour les autres.

 

Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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