DÉRIVE PRO-AMÉRICAINE
AUX NATIONS UNIES

Siège des Nations Unies à New York

février 2007

Depuis le 1er janvier 2007, après dix ans de règne de Kofi Annan, le Sud-coréen Ban Ki-Moon a été élevé au rang de Secrétaire général des Nations unies.

Pour nous, Français, inquiets, avec quelques raisons, d'un certain hégémonisme anglo-saxon, l'arrivée de ce Coréen à la tête de l'institution onusienne ne nous paraît pas de bon augure.

Né en juin 1944, à l'âge de six ans, avec sa famille, il avait dû se réfugier dans les montagnes pendant la guerre de Corée. Il se souvient encore de la rencontre avec les GI distribuant des friandises. Plus tard, il devait aussi être reçu avec un groupe d'étudiants Sud-coréens par le Président John F. Kennedy. Il a du reste obtenu une maîtrise en administration publique à la John F. Kennedy School of Government, sise dans l'Université d'Harvard.

Pour ne parler que d'eux, avec Kofi Annan et Boutros Boutros-Ghali, en quinze ans nous nous étions habitués à des Secrétaires généraux des Nations unies capables de briller dans la langue de Molière. Sous Ban Ki-Moon, celle-ci ne joue plus que les utilités. A la suite de la prestation de serment, un journaliste canadien a demandé au nouveau maître de la Maison de verre pourquoi, à son sens, le français devait prendre le pas sur d'autres langues comme l'arabe ou le chinois.

Provoquant quelques sourire, Ban Ki-Moon a répondu : " If you could speak lentement en français. " Mais, même répétée à petite vitesse, la question resta incomprise. Il fallut l'intervention d'un interprète pour s'entendre dire en anglais qu'une préséance n'avait été accordée autrefois au français que pour des raisons pratiques.

Certes les Français gardent, avec Jean-Marie Guéhenno, le siège des Opérations de maintien de la paix. Mais ce département devrait être déchargé de plusieurs de ses responsabilités, au profit de celui des Affaires politiques.

Or, personne n'insiste sur cet aspect, le département des Affaires politiques devrait être repris par un diplomate des Etats-Unis, Lynn Pascoe.

Parmi les proches collaborateurs de Ban Ki-Moon entrés en fonction, c'est la même lame de fond anglophone. L'Indien Vijay Nambiar prend les fonctions de chef de cabinet. Il faut savoir : il a servi auprès du Conseil national de sécurité du gouvernement indien. Or, aujourd'hui, Washington et Israël nouent avec l'Inde des relations étroites largement dominées par les aspects militaires.

Autre personnalité, Alicia Barcen Ibbarra a reçu le poste de Secrétaire générale adjointe. Certes, elle est mexicaine, mais elle aussi a reçu une maîtrise d'administration publique à Harvard. Quant à Asha-Rose Mtengeti-Migiro, elle prend la place d'un Britannique, Mark Malloch Brown, et comme assistante du Secrétaire général, devient le numéro deux des Nations unies. Mais elle est Tanzanienne et donc aussi anglophone.

Il fallait quand même quelqu'un capable de s'exprimer en français. Ban Ki-Moon a choisi comme porte-parole Michèle Montas, une journaliste Haïtienne. Elle quitte, il est vrai, le département français de la Radio des Nations unies mais a passé toute sa jeunesse en exil aux Etats-Unis pour fuir le régime. Elle y a poursuivi ses études dans les Universités du Maine et de Colombia.

Autres absents, jusqu'ici, parmi les nouveaux venus aux côtés de Ban Ki-Moon, les représentants de pays musulmans. Ceci nous apparaît maladroit quand, justement, nous avons besoin d'une collaboration renforcée avec ces pays pour trouver une issue aux drames irakien et israélo-palestinien.

Mais le nouveau Secrétaire général fait-il de ces deux crises une priorité ? On peut en douter. Son actuel directeur de cabinet, Vijay Nambiar, envoyé en mission au Liban par Kofi Annan pendant l'attaque israélienne de l'été dernier, avait parlé des souffrances du peuple libanais " résultant de l'escalade du conflit. " Une manière de limiter la part de responsabilité d'Israël, quand aux yeux de tous, il passait, en raison de ses excès, pour l'agresseur.

Dès son investiture, Ban Ki-Moon lui-même s'est illustré soutenant, certes, un appel à la modération du gouvernement irakien à l'égard des coaccusés de Saddam Hussein, mais sans condamner la peine de mort à laquelle, en principe, les Nations unies sont opposées. " La question de la peine capitale reste la décision de chacun des pays membres, " avait-il alors dit.

Il faut craindre que la dérive proaméricaine de Ban Ki-Moon ne s'affirme, faisant perdre un peu plus son rôle de modérateur et de conciliateur aux Nations unies. Ils ne seront plus alors qu'un outil entre les mains de Washington.

Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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