LA BANQUE MONDIALE
Outil de pouvoir des États-Unis

août 2007

Le 25 juin, Robert Zoellick était accepté par le bureau exécutif de la Banque Mondiale comme président de l'organisation. Il succédait à Paul Wolfowitz, mis à pied pour avoir accordé une augmentation de salaire exorbitante à Shaha Riza, une séfarade de Tunisie, en outre sa maîtresse et sa collègue au sein de la Banque Mondiale.

Né à Brooklyn, dans une famille juive polonaise, dont la plupart des membres ont péri au cours du génocide nazi, pendant son adolescence, Wolfowitz a passé un an en Israël, son père ayant travaillé quelque temps dans ce pays. Sa soeur Laura y retournera pour s'y établir.

Il trahit une fascination obsessionnelle en faveur de l'État hébreu. En 1998, lors d'un dîner organisé par l'AIPAC (1) au Waldorf Astoria de New York, il a dit: " Israël est la terre des terres... nous serions tous insouciants de ne pas consacrer le reste de nos jours à la voir redevenir ce qu'elle fut autrefois ".

Recommandé par Richard Perle (2), à la fin des années 70, il rejoint la " Team B " (3), formée sous la protection de la CIA de chercheurs anti-communistes. Il n'en reste pas moins plus royaliste que le roi. Quand Donald Rumsfeld (4), en décembre 1983, rencontre Saddam Hussein pour lui promettre le soutien des États-Unis dans sa guerre contre l'Iran, Wolfowitz critique avec virulence cette politique.

La relation entre Israël et les États-Unis est la référence obligée de sa ligne politique. En avril 1992, il écrit dans le " New York Times " : " La confiance d'Israël dans sa sécurité et la coopération israélo-américaine contribuent à la stabilité de toute la région " du Moyen-Orient.

Sous Jimmy Carter, en 1977, il rejoint le gouvernement à la Défense. En 1982, il se retrouve au Département d'État. Travaille à ses côtés un certain Lewis Libby (5), son assistant. Puis on le retrouve ambassadeur en Indonésie sous George Bush père en 1989, avant qu'il ne devienne, en 2001, l'adjoint de Rumsfeld à la Défense sous le fils. Il y sera un des principaux partisans de l'attaque contre l'Irak au printemps 2003.

Contrairement à certaines rumeurs, Zoellick, le successeur de Wolfowitz à la Banque Mondiale, ne serait pas de confession juive. Il n'en est pas moins un virulent supporter de la cause sioniste. Il a été l'un des partisans les plus actifs de la guerre contre l'Irak et son radicalisme l'a conduit à s'opposer de toutes ses forces à l'ouverture d'un dialogue avec l'OLP de Yasser Arafat.

Le 27 avril 2006, il disait encore devant les membres du Congrès américain, à propos de l'Iran : "La menace que fait peser ce pays n'est pas seulement dirigée contre Israël, mais contre le monde... C'est pourquoi les États-Unis travaillent à rassembler une coalition globale pour empêcher l'Iran d'acquérir des armes de destruction massive ". L'Iran n'est pas dépourvu d'intentions inquiétantes, mais de là à le désigner comme un danger mondial !

Dans son aveuglement, cet ancien responsable du commerce extérieur dans le gouvernement de l'actuel Président, va jusqu'à lier " libéralisme économique et lutte contre le terrorisme " (6). On voit pourtant la libéralisation des échanges, dogme des mondialistes, largement profiter au développement des réseaux terroristes.

Par ailleurs, Zoellick et Wolfowitz, appartiennent à la Commission Trilatérale, au CFR et participent aux réunions du Groupe Bilderberg (7). Leur prédécesseur à la tête de la Banque Mondiale, James Wolfensohn, un juif d'origine australienne naturalisé Américain, appartient lui aussi au CFR et fréquente les réunions du Groupe Bilderberg.

On se demande comment... et pourquoi, depuis douze ans, l'autorité américaine installe à la tête de la Banque Mondiale des poids lourds de la mondialisation et, pour les deux derniers, des " va t'en guerre ". Pourquoi aussi, une proximité aussi forte avec l'État israélien apparaît-elle ?

Il faut d'abord savoir : la Banque Mondiale a été créée le 27 décembre 1945 afin d'assurer le financement de la reconstruction de l'Europe et du Japon. A son crédit, précisons que la France reçut le premier prêt accordé, 250 millions de dollars. Ramené au pouvoir d'achat actuel, c'est le plus gros prêt jamais accordé par la Banque Mondiale.

Les États-Unis, alors principaux pourvoyeurs des fonds, s'octroyèrent la nomination du président par leur propre gouvernement. Compréhensible, certes.

Néanmoins, aujourd'hui, la situation a changé. Selon le rapport annuel de la Banque Mondiale pour 2006, figurant parmi " les dix principaux bailleurs de fonds ", les États-Unis n'ont participé au financement qu'à la hauteur de 7,5% du total, en 2005, et de 13% en 2006.

La France, à elle seule, a contribué à la hauteur de 7,75% en 2005 et de 6,35% en 2006. Quant à la Commission européenne, en partie financée par notre pays, sa quote-part s'est élevée, respectivement, à 8,4% et 8,7% (voir le tableau). La prétention des États-Unis à contrôler la Banque mondiale, au nom de la supériorité de son financement, se révèle donc déplacée, quand d'autres donateurs, parfois la surpassent, ou au moins l'égalent.

Reste à expliquer l'intérêt des États-Unis pour la présidence de la Banque mondiale.

Rapidement, dès les années 60, l'Europe et le Japon sortaient du marasme causé par la guerre. La Banque mondiale se reconvertit alors dans l'aide aux pays en voie de développement. Plus tard, dans les années 90, en plus elle s'intéressait aux États sortis de l'oppression communiste.

Or, cela n'échappe à personne, celui qui donne de l'argent, fût-ce pour réaliser des projets, gagne en influence auprès des bénéficiaires. Mieux, dans le cas d'un État, il peut assortir le versement des dons ou des prêts de conditions politiques.

On comprend mieux comment, se servant de l'argent des Européens, Washington obtient l'approbation de pays en difficulté lors des votes aux Nations unies. Ou pourquoi, en 2004, le gouvernement polonais, entrant pourtant dans l'Union européenne, avait préféré des avions de combat américains à ceux fabriqués sur le vieux continent.

Quand il s'agit des Palestiniens, l'affaire peut prendre un tour écoeurant.

Quelques mois avant le retrait de Gaza, Wolfensohn (8) était intronisé " Envoyé spécial " pour superviser le désengagement, au nom d'un " Quatuor " de quatre entités politiques (9). Selon le communiqué de la Banque mondiale, le 14 avril 2005, s'exprimant devant ses mandants, il avait dit vouloir travailler pour mettre en place " les mesures destinées à encourager la relance économique et la croissance, la démocratie, la bonne gouvernance et la transparence... "

Le moyen pour imposer ces conditions ? Très facile ! Dans un communiqué sur la nouvelle contribution de la France à " un fonds de la Banque mondiale pour les Territoires palestiniens ", le ministère des Affaires étrangères français disait : " Le versement de ce fonds à l'Autorité palestinienne est assorti de fortes conditionnalités en matière de réforme... "

En clair, on fait savoir aux Palestiniens : " Si vous voulez l'argent, obéissez ! ".

Nous ne sommes pas naïfs. Les Palestiniens ne sont pas de purs esprits et, pour le bien être de leur population, nous comprenons la nécessité d'exercer des pressions sur leurs dirigeants.

Néanmoins, il est difficile de croire des partisans d'Israël radicaux, comme Wolfowitz et Zoellick, ne privilégiant pas les intérêts de l'État hébreux sur ceux des Palestiniens. En d'autres termes, ne se servant pas de la puissance financière de la Banque mondiale pour forcer ces derniers à accepter les oukases d'Israël.

Cette situation apparaît d'autant plus préoccupante que, comme le remarquait Alexandrine Bouilhet, rapportant les propos d'un diplomate européen (11), en matière de financement de l'Autorité palestinienne, " la Banque mondiale est la seule institution financière internationale capable de faire ce genre de montage et d'en assurer le suivi ".

La confiscation de la présidence de la Banque mondiale par les États-Unis, avec leur complicité, la captation de la position au profit des sionistes, nous apparaissent comme une iniquité grave, génératrice de frustration et par conséquent, nous le craignons, de violence.

 

 

 

Espoir et contradiction au sein de la
Banque mondiale

Début mai, la Banque mondiale publiait un rapport relatif à la situation des Palestiniens des territoires occupés face à Israël.

On lisait, qu'en Cisjordanie, la politique d'Israël " augmente les coûts de l'activité économique, et crée un niveau élevé d'incertitude et d'inefficacité qui rend la conduite normale des affaires excessivement difficile et coince la croissance et l'investissement nécessaires à la reprise de l'économie... L'effet combiné des obstacles physiques et administratifs est la division de la Cisjordanie en trois segments (nord, centre et sud), plus dix autres segments ou enclaves, les Palestiniens devant passer par des check points pour aller et venir de l'un à l'autre... En pratique, l'effet de cette économie mise en pièces est que, chaque jour, tout déplacement vers l'école, le lieu de travail, les magasins, les centre médicaux et les terres agricoles est soumis à l'incertitude et l'arbitraire "*.

Cette analyse tranche avec les positions affichées par la présidence de la Banque mondiale. Il faut sans doute l'attribuer au fait, qu'au moment de sa publication, Paul Wolfowitz se battait pour sauver sa place. Il avait autre chose à faire qu'à défendre la ligne politique pour laquelle le Président des Etats-Unis l'avait nommé.

Un point néanmoins mérite d'être mis en valeur. Certes, la tête de la Banque mondiale défend les priorités politiques des États-Unis, ce qui inclut un soutien aveugle à l'État d'Israël. Mais on comprend, dans le même temps, les cadres de la Banque mondiale en opposition avec cette orientation.

Une minorité ne pourra pas asphyxier indéfiniment le plus grand nombre. Il y a là une raison d'espérer.

Alain Chevalérias

* La partie du document publié a été traduite par Gérard Eizenberg.

 

 


Les dix principaux bailleurs
de fonds de la Banque mondiale
en millions de dollars
(Source : rapport annuel 2006)

 Pays

 2005

 2006
États-Unis  358  713
Grande-Bretagne  552  664
Pays-Bas  411  488
Union-Européenne  408  459
Banque  462  422
Japon  405  339
France  373  335
Italie  211  315
Norvège  202  272
Suède  193  193
Autres  1236  1069

 Total
 4811  5269

 NOTES

(1) L' " American Israel Public Affairs Committee ", ou AIPAC, se déclare lui-même " plus gros lobby juif " des États-Unis. Il compte 100 000 adhérents. Il dit ouvertement vouloir influencer les décisions du Congrès et du Sénat américains en faveur d'Israël.
(2) Richard Perle, juif de Brooklyn, est qualifié de " lobbyist " pro-israélien par la presse américaine. Il a servi dans le gouvernement de George W. Bush et est le directeur du " Jerusalem Post ". Il a aussi des intérêts dans plusieurs entreprises, dont la société " Trireme ". Il a été l'un des principaux propagandistes de la guerre contre l'Irak.
(3) La " Team B " était dirigée par Richard Pipes, un juif polonais arrivé aux États-Unis en juillet 1940 à la suite de l'invasion de son pays d'origine par l'Allemagne. Son fils, Daniel Pipes, est un propagandiste sioniste.
(4) Donald Rumsfeld, d'origine allemande par son grand-père, entre dans les milieux politiques à partir de 1957, sous Eisenhower. Sous George W. Bush, nommé secrétaire à la Défense, il est le principal artisan de la guerre contre l'Irak.
(5) Assistant du Président George W. Bush de 2001 à 2007, il sera condamné pour haute trahison à trente mois de prison le 5 juin 2007, puis gracié par le Président. Il appartient à la communauté juive mais ne l'affiche pas. Il manifeste par contre un soutien sans réserve à l'égard de la politique israélienne.
(6) Selon le journal britannique " The Guardian " du 30 mai 2007.
(7) Le CFR (" Council on Foreign Affairs ") est une organisation américaine qui a pris le contrôle de la politique étrangère des États-Unis. Le CFR est mondialiste, comme la Commission Trilatérale et le groupe Bilderberg.
(8) Nous parlons plus haut de James Wolfensohn. Il est le prédécesseur de Wolfowitz à la tête de la Banque mondiale.
(9) Il s'agissait des États-Unis, de la Russie, de l'Union Européenne et des Nations unies, représentés respectivement par Condoleezza Rice, Sergei Lavrov (ministre des Affaires étrangères russe), Javier Solana et Kofi Annan.
(10) Dans " Le Figaro " du 16 mai 2006.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 
Retour Menu
Retour Page Accueil