Apologie de la bombe d'Etat

Général Pierre Marie GALLOIS

août 2005

 

 Commémorer le 60ème anniversaire d'Hiroshima a été l'occasion de surenchérir sur le conformisme de bon aloi en poursuivant et en amplifiant la campagne de désinformation quant aux conditions dans lesquelles le bombardement d'Hiroshima et de Nagasaki avait mis un terme à six ans de guerre mondiale, d'extermination et, ensuite, dans de nombreuses circonstances, imposé le renoncement à la guerre.

 

 Philosophe et historien des sciences, selon la brève présentation qu'en fait le Journal du Dimanche, M. Michel Serres, certainement un esprit éminent, n'a pas manqué de donner dans le politiquement conforme. " Doit-on parler de crime contre l'humanité ? lui demande Anne-Laure Barret à laquelle le philosophe a accordé un entretien. " Bien sûr ", répond-il.


Les évènements qui se sont déroulés dans le monde aussitôt avant, et ensuite, depuis Hiroshima, auraient dû inspirer tout autrement cet historien des sciences.
Il aurait dû savoir qu'en mars 1945, le bombardement à l'explosif " classique " de Tokyo y avait causé la mort de plus de 100.000 de ses habitants, sans pour autant stopper les hostilités qui redoublèrent d'intensité et qui, avec des armements traditionnels avaient déjà fait plus de 41 millions de morts.

Est-ce un crime contre l'humanité que d'avoir mis un terme à l'effroyable carnage déclenché par l'Allemagne six ans plus tôt ? D'ailleurs en contradiction avec lui-même, M. Michel Serres le reconnaît qui, quelques instants plus tôt, avait déclaré : " Hiroshima a fait planer une telle terreur que l'Occident est en paix depuis soixante ans. Ce n'était jamais arrivé dans l'Histoire ". Est-ce un " crime contre l'humanité " que d'imposer la paix ?

Et pas seulement en Occident :
En Asie encore l'atome partagé a interdit le recours aux armes, substitué la négociation à la guerre.


Ce fut le cas entre l'Inde et la Chine encore aux prises en 1962 ; entre la Chine et la Russie, Mao Tse Toung dénonçant les empiètements de l'URSS en 1959 et Moscou ne soutenant pas Pékin dans l'affaire du Thibet. Depuis que la Chine est devenue une puissance nucléaire, même modeste, comparée à celle de l'URSS, force a été de s'entendre et de conclure des accords de coopération, y compris militaires.
Enfin, entre le Pakistan et l'Inde, profonds ont été les différends. Au point d'en venir à deux sérieux conflits armés (1965 et 1972). Mais devenues toutes les deux des puissances nucléaires, Islamabad et la Nouvelle Delhi s'entendent maintenant à merveille. L'atome a joué son rôle pacificateur.


Il est dans l'intérêt des Etats-Unis de lutter contre la prolifération nucléaire " horizontale ". L'atome militaire émancipe les Etats, assure leur sécurité en toute indépendance si bien qu'ils forment des obstacles à l'hégémonie de la superpuissance. L'atome force le respect et la comparaison des sorts respectifs de l'Irak et de la Corée du nord en témoigne.


Dépourvu d'armes atomiques, l'Irak est devenu le facile souffre-douleur de l'Occident. Dénigré, calomnié, bombardé, plongé dans la misère par un cruel embargo économique, à nouveau bombardé, occupé brutalement, maintenant théâtre de la guerre civile, l'Irak saccagé a perdu plusieurs millions des siens. S'il avait seulement détenu l'embryon d'une force nucléaire il eut été respecté, trop grand étant le risque à en provoquer l'emploi.


En revanche, la Corée du nord, a l'arsenal atomique pour le moins incertain, mais tenant sous une éventuelle menace nucléaire le corps expéditionnaire des Etats-Unis en Corée du sud, la Corée du nord a été respectée et tout au plus négocie-t-on avec ses dirigeants.
Washington ne pouvait mieux inciter l'Iran, et d'autres Etats, à rechercher le statut privilégié que confrère l'atome, gage de paix et d'indépendance. La propagande anti-nucléaire ne trompe que les populations, mais certains de leurs gouvernements savent où est leur intérêt, les faits démentant une argumentation intéressée, celle de l'industrie lourde et aussi des militaires dont l'atome limite le nombre.
Le maréchal chinois Chen Yi avait vu juste lorsque en 1958, parlant à un journaliste de l'agence Reuters, il lui avait déclaré : " Plus grand sera le nombre d'Etats nucléaires, plus grand sera la tache de paix qui s'étendra sur le monde ".
On a pas " gagné la guerre sur un crime historique " comme le prétend le professeur Michel Serres mais par la (terrible) démonstration d'un nouveau pouvoir : celui de mettre les guerres hors la loi, du moins celles qui se disputent avec les réalisations de l'industrie lourde d'armement, canons, chars, avions etc…. et là où, non partagé, l'atome ne neutralise pas ces armements.


Mais, entre Etats possédant l'arme atomique voici, désormais, éliminé un moyen de coercition millénaire. Certes, il en reste d'autres dont les gouvernements ne se privent pas de faire usage : la désinformation, la guerre économique, l'achat des consciences, dans le même temps, d'ailleurs qu'est contourné, par le terrorisme, l'invulnérabilité que confère l'atome, la bombe humaine l'emportant alors sur la bombe atomique.


Le soixantième anniversaire d'Hiroshima a été intensément célébré. Bien davantage que ne le fut le cinquantième. C'est qu'en 2005 la politique énergétique de l'Iran est à l'ordre du jour et qu'il s'agit d'influencer l'opinion afin qu'elle manifeste son opposition aux ambitions nucléaires de Téhéran.


Washington et Tel Aviv n'ont pas de mal à entretenir la campagne. Jugeant sommairement, les populations l'accueillent et l'amplifient, facilitant le rôle des médias qui ont là l'occasion de faire de bonnes affaires. Pourtant entouré de voisins nucléairement nantis : Russie, Chine, Inde, Pakistan, Corée du nord, investi à l'ouest et l'est, en Irak et en Afghanistan par les contingents américains, l'Iran cherche fort légitiment à bénéficier, lui aussi, de la sécurité dans l'indépendance que confère l'atome militarisé.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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