"La menace terroriste
est une réalité. De la situation algérienne
en 1993 aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, le
danger terroriste a pris une ampleur explosive. Les sociétés
se doivent de riposter à ce qui constitue une attaque
des fondements et des valeurs démocratiques occidentales.
Deux conceptions
s'affrontent à cet égard : les Anglo-saxons
considèrent qu'il s'agit d'une forme de guerre imposant
une réplique militaire ; d'autres pays, la France
au premier chef, considèrent qu'une démocratie
a la possibilité de rester dans le champ légal.
Les faits jusqu'à présent n'infirment pas cette
dernière conception.
-Deux axes guident ma réflexion
:
1-Le terrorisme est le résultat
de l'effondrement bipolaire.
Les tensions qui avaient été gelées se donnent
libre cours désormais, sur un mode nouveau, idéologique.
2-Parallèlement, on assiste, des prémisses
algériennes au mouvement
salafiste du retour aux sources, à un intégrisme
anti-occidental, fondé sur la " guerre sainte ". Tout a basculé en 1996, avec le
déclin des organisations islamiques traditionnelles
et une répression plus efficace du terrorisme sur
le terrain en Algérie. A noter que la composante terroriste
algérienne est loin d'être exclusive (il sévit
en Egypte, en Indonésie
)
Des immigrés de la 2ème génération
et des Français convertis vont alors se diriger vers l'Afghanistan
; des filières se
mettent en place pour lutter contre les forces militaires des
pays " mécréants " et créer
des cellules en Europe. Londres joue alors le rôle de carrefour
sur la grand'route du terrorisme. Deux ans d'entraînements
dans les camps permettent à ces individus de devenir chefs
de réseau d'une cellule dormante ou active. L'Irak
est devenu ainsi la principale base du Djihad mais historiquement
ces camps essaiment en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan
ou encore en Tchétchénie, avec des financements
d'origine saoudienne. A la différence du cas tchétchène,
il n'existe pas de lien opérationnel entre Al-Qaïda
et les Palestiniens, ce malgré les tentatives du
Jordanien Al Zarqaoui.
-Le terrorisme d'aujourd'hui est
mondialisé complètement éclaté,
sa fragmentation s'est encore accrue avec la fin de la guerre
en Afghanistan. Le Pakistan du président Moucharaf
illustre bien la complexité du phénomène
terroriste,ce qui explique le manque de succès des Américains
dans leur lutte contre ces réseaux.
Le terrorisme actuel se développe sur un mode
anarchique, quasi-viral, avec des mutations organisationnelles.
Ces caractéristiques interdisent toute modélisation
mais commandent, avant tout, une grande souplesse dans la
compréhension de ce phénomène complexe afin
de pouvoir lui apporter les ripostes adaptées.
-J'identifierais plusieurs
facteurs d'inquiétude
1)deux foyers importants :
-l'Irak
-le Caucase, - à 4 heures de Paris ! avec, en son
milieu, la Turquie, carrefour stratégique, dont les forces
de sécurité contrôlent la menace terroriste.
2) les armes chimiques
3) la déstabilisation de l'Asie du Sud-est, cible
potentielle privilégiée
-Comment riposter ?
La France
- qui n'a pas été victime de l'action d'hyperterrorisme
du 11 septembre - a opté pour une réponse légale.
Depuis 1996, la France s'est appliquée à anticiper
les évènements, en dépassant l'antithétie
prévention/répression.
Cela a pu être fait grâce
aux synergies développées entre les différents
services de l'Etats impliqués dans la lutte antiterroriste
: la justice,
les affaires étrangères, l'Intérieur, la
DST, la DGSE. La mobilisation
de chacun de ces acteurs, sommés d'abandonner la défense
de leur pré carré, est un élément
fondamental de l'axis du juge antiterroriste.
L'inefficacité des Américains résulte
en grande part du manque de synergie de leurs services.
Pour être efficace, la lutte antiterroriste implique une
connaissance " up to date ", avec des gens sur le terrain
et travaillant en synergie.
La mission judiciaire que j'ai menée en Syrie qui
a abouti finalement à l'extradition de l'adjoint
de Zarqaoui démontre l'efficacité d'une démarche
fondée sur la synergie.
Il importe
également de cesser de légiférer à
tout va et de modifier le code de procédure pénale
car la lutte contre le terrorisme a besoin de stabilité
législative.
La coopération internationale
est un outil essentiel dans le combat contre le terrorisme.
- Sur le plan du renseignement, la
coopération est à un niveau excellent ;
- Sur le plan policier, elle progresse
;
- Dans le domaine judiciaire, elle
reste encore médiocre. Il se manifeste une césure
entre les pays de Common Law et ceux du Droit civil, entre ceux
qui ont une expérience des attentats et les autres (Italie
ou Allemagne). La création d'un procureur européen
n'est pas la solution. Pour autant, an peut créer des
interfaces avec des pays désireux de coopérer,
comme l'a montré l'affaire Rachid Ramda.
Un pôle d'excellence existe avec les Etats-Unis ce qui
démontre, au demeurant, le pragmatisme de ce pays. "
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