Perturbations centrafricaines

mai 2013

En République Centrafricaine règne un inquiétant désordre. Le 24 mars, l’opposition armée, la Séléka, s’est emparé du pouvoir à Bangui, renversant le Président François Bozizé qui s’est enfui.

La Séléka est formée de trois mouvements rebelles venus du nord du pays où se concentrent les 15% de musulmans dans un pays majoritairement chrétien. Ceci suffit déjà à faire craindre une volonté de domination islamique sur les chrétiens.

Comme pour le confirmer, plusieurs messages sont arrivés venant de Bangui pour dénoncer des pillages et des assassinats dont seuls les chrétiens seraient victimes. Dans une interview accordée à La Croix, (1) l’archevêque catholique de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalainga, se montre plus circonspect. Certes, il dit : « En prenant la ville certains combattants ont ouvert le feu dans les églises ». Néanmoins, s’il met en garde, il n’est pas dans l’alerte : « Les rebelles ne sont pas des djihadistes, même si beaucoup sont musulmans » reconnaît-il. « Avec un pasteur et un imam, précise-t-il, nous avons rencontré d’autres responsables religieux dans l’arrière-pays pour apaiser les esprits. Chacun doit être attentif aux dérapages qui pourraient laisser penser que ce conflit est religieux ».

La méfiance est néanmoins de rigueur. Une lettre circule sur Internet signée de Michel Djotodia, le chef de la Séléka devenu Président du Centrafrique. Ce genre de document doit être pris avec une extrême prudence étant donné les tentatives de manipulations très courantes sur le réseau. Néanmoins, après l’avoir lu et expertisé, nous le pensons authentique tout en restant prudent.

Or, cette lettre est un appel à l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) basée à Djeddah, en Arabie Saoudite, pour demander un soutien « en matériel, argent et hommes » contre le régime aujourd’hui déchu.

Dans ce document daté du 17 avril 2012, Djotodia, s’il en est bien le rédacteur, joue la carte de la victimisation des musulmans de Centrafrique et va jusqu’à dire « tous les chrétiens sont des menteurs ». En conclusion il dit vouloir installer un régime islamique. Il y a toujours une part de rouerie quand, acculé, on a besoin d’une aide urgente, mais on voit bien qu’il convient de se méfier, même si aujourd’hui Djotodia soutient publiquement vouloir préserver la nature laïque du pays.

D’autant plus qu’à cela s’ajoutent d’autres raisons de craindre la mise en place d’un projet islamiste. Deux des lieutenants de Djotodia, Mohammed Dhaffane et Nourredine Adam, sont passés par la péninsule arabique et ont suivi un parcours religieux.

D’Adam, on sait même qu’ayant fui son pays, il s’est rendu au Soudan puis au Caire où il a été intégré à l’Académie de police. Mais ce n’est pas la moindre étrangeté, l’hebdo « Jeune Afrique » dit qu’il a suivi une formation de 14 mois au sein des forces spéciales israéliennes. On ne s’arrête pas là : de 2003 à 2007, il a servi à la protection rapprochée de la famille de cheikh Zayed, l’émir d’Abou Dhabi, avant de créer sa propre société de sécurité à Sharjah, l’émirat arabe le plus islamiste du Golfe, puis de revenir au pays vers 2009.

Dans les parties de poker menteur qui se jouent entre services secrets, tous les scénarios sont imaginables. Mais il y a souvent des dupes. La France doit être vigilante, si elle ne veut pas assister au basculement du Centrafrique dans l’islamisme et la guerre civile. Ni, suite à une opération de faux pavillon (2), voir Israël et les États-Unis en prendre le contrôle parce que ce pays est frontalier de l’ex-Congo belge dont ils convoitent les richesses minières.

Notes

(1) « La Croix » du 2 avril 2013.
(2) En se faisant passer pour un autre service, voire un groupe politico-militaire ennemi.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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