CÔTE D’IVOIRE
LA DÉMOCRATIE SELON GBAGBO

décembre 2010

Le 28 novembre 2010, encore convaincu de l’emporter, Laurent Gbagbo, Président sortant de Côte d’Ivoire, laisse se dérouler le deuxième tour des élections.
Le 29, il veut invalider les votes de régions favorables à son concurrent.
Le 30, ses partisans empêchent la proclamation des résultats par la commission électorale. Le 2 décembre, cette dernière réagit et annonce la victoire du musulman Alassane Ouattara, adversaire de Gbagbo et ancien fonctionnaire du FMI, avec 54,1% des suffrages. Le Président sortant ne se démonte pas, et le 3, il se fait proclamer vainqueur par le Conseil constitutionnel à sa dévotion.

Toutes les instances de la communauté internationale, Nations Unies en tête, soutiennent Ouattara, le musulman élu à la majorité. Gbagbo s’entête, ferme les frontières et interdit la diffusion des médias étrangers. Pire, le 2, huit personnes sont tuées dans l’attaque nocturne d’une permanence de Ouattara à Abidjan.

Pour comprendre le fonctionnement de Gbagbo, il faut savoir la Côte d’Ivoire née du soutien de la France aux populations animistes en guerre contre l’empire de Samory, conquérant esclavagiste musulman. En 1898, nos troupes mirent un terme à ses ambitions. Mais la jeune Côte d’Ivoire n’en englobait pas moins, au nord, une forte minorité musulmane, au sud et à l’est, une population animiste en voie de christianisation.

A cette réalité, s’en juxtapose une autre, celle des tribus. Installé dans le sud et l’est, le groupe des Akans, fortement christianisés, constitue 40% de la population et compte dans ses rangs la puissante tribu des Baoulés (25% des Ivoiriens).

Jusqu’à sa mort en 1993, la Côte d’Ivoire bénéficia de la sagesse de son Président et « père » de l’indépendance, Félix Houphouët-Boigny. Il sut à la fois faire de son pays le plus riche de la région, en misant sur le développement, et éviter les conflits interethniques. Gbagbo n’a pas les mêmes scrupules. Élu à la Présidence en octobre 2000, il instrumentalise les différends tribaux et religieux. Ainsi, converti, comme sa seconde épouse, Simone, au protestantisme des missionnaires américains, il est aussi l’enfant chéri du Parti socialiste français.

On peut penser son radicalisme anti-musulman destiné à se rallier les Akans, pour compenser la faiblesse numérique de sa tribu d’origine, les Bétés, qui ne représentent que 5,7% de la population du pays. Ce comportement suscitera une rébellion du Nord, à majorité musulmane, en septembre 2002. Il faudra l’intervention diplomatique de la France et l’envoi de 4 600 soldats français placés en force d’interposition pour ramener la paix.

Va alors apparaître l’animosité de Gbagbo à l’égard de la France. Le 6 novembre 2004, le bombardement de nos soldats par deux avions de combat Sukhoï, volant sous les couleurs de l’armée ivoirienne, cause la mort de neuf de nos hommes. TF1, « Le Monde » et même le très pro-israélien « Valeurs Actuelles » ont alors évoqué la participation d’éléments venu de l’État hébreu pour guider les pilotes contre les positions françaises*.

Étrangement l’affaire sera enterrée, suscitant la colère des familles des victimes. Il est vrai que Gbagbo bénéficiait de la protection des États-Unis. Il dispose aussi d’un autre argument : la présence de 35 000 Français expatriés, otages entre ses mains. Après une opération de représailles perpétrée par nos forces contre son aviation, le Président ivoirien lâche la foule contre eux, obligeant des milliers de nos compatriotes à fuir le pays, perdant ainsi le fruit d’années de travail en quelques jours.

Après avoir repoussé les élections pendant cinq ans, jouant toujours de la haine et des tensions, Gbagbo comptait bien sur l’animosité des Akans, plus particulièrement des Baoulés, contre les musulmans, pour se faire réélire. Mais, ancien Président et d’ethnie Baoulé lui-même, Konan Bédié, un candidat vaincu au premier tour, ne l’entendait pas de cette oreille. Il a appelé ses électeurs à voter pour Ouattara.

Certes, la situation est préoccupante en Côte d’Ivoire. On l’a encore vu le 16 décembre 2010, quand des manifestations pacifiques de partisans de Ouattara ont essuyé des tirs à balles réelles, causant la mort d’au moins vingt personnes. Mais, d’une part, pour une fois dans un pays d’Afrique noire, le Président n’est pas élu avec 95% des suffrages, voire plus. D’autre part, des électeurs ont dépassé leurs clivages ethniques, en votant pour un représentant de l’ennemi du passé, un musulman. Nous voyons là une avancée, modeste mais réelle, de ce qu’en Occident on appelle avec emphase démocratie.

Enfin, faut-il noter, renonçant à l’alliance morbide qu’ils avaient conclue avec lui, les Etats-Unis ne soutiennent plus Gbagbo. Reste que l’amour du pouvoir, qui guide ce dernier au point de s’aliéner la planète entière, expose son pays à une nouvelle guerre civile.

Note

* Nous avons révélé cette affaire en 2004 et à nouveau en avril 2007 sous le titre : « Des Israéliens ont-ils tué des soldats français en Côte d’Ivoire ?» Les affirmations de la presse n’ont pas été démentis.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

Retour Menu
Retour Page Accueil