La vraie raison des émeutes dans les pays arabes

février 2011

Le 14 janvier 2011, le Président Ben Ali quittait le pouvoir tunisien suite à des émeutes. Puis des manifestations éclataient vite maîtrisées par le pouvoir en Algérie. Mais, l’Égypte prenait le relais, bientôt suivie par le Yémen.

Partout on entend le même commentaire : ces peuples se soulèveraient par soif de démocratie. Nous n’allons pas nier le souhait d’une partie d’entre eux de voir leurs pays plus libres, pour profiter des quelques droits dont nous jouissons encore en Occident et singulièrement en France.

Sont-ils néanmoins la majorité des manifestants ? On remarque qu’en Tunisie, les émeutes prirent leur envol à la suite du suicide par le feu d’un jeune homme diplômé, réduit à vendre des légumes sur la place publique. En outre, au cours des interviews réalisées auprès du gros des manifestants par les télévisions arabes et occidentales, on entendait aussi plus de plaintes contre la vie chère et le chômage, que d’appels à la démocratie.

Il faut l’admettre, la cause principale de la colère des peuples est économique. Comment pourrait-il en être autrement dans des pays où, pour le mieux doté, la Tunisie, les salaires flirtent avec les 200 € par mois. Pire, comme l’Égypte, où les ouvriers vivent dans la misère avec 2 € par jour. Reconnaissons-le, ce n’est pas nouveau. Alors pourquoi, maintenant, cette soudaine flambée contestataire ?

La raison est simple, vécue chez nous aussi, mais amortie par des revenus plus confortables. De façon prémonitoire, fin novembre, nous écrivions : « La hausse des produits agricoles » : « L’inquiétude gagne les pays importateurs de produits agricoles, comme l’Égypte. Ils craignent des émeutes de la faim ». (Voir ci-contre)

Il faut savoir, en six mois, le prix de la tonne de blé a doublé et le sucre a augmenté de 60% au mois de novembre. Ce ne sont que deux exemples, les oléagineux destinés à la table et les laitages suivant la même progression.

Or, quand en France, d’après le chiffre de l’INSEE, nous dépensons en moyenne 15% de nos salaires pour manger, en Tunisie c’est plus de 50% et en Égypte la quasi totalité du revenu des masses. Aussi, quand certains produits de consommation courante font un bond de 20% à 30%, chez nous cela apparaît désagréable. Dans les pays à bas revenus, en revanche, l’affaire prend un tour dramatique. C’est une question de survie.

Reste à s’interroger sur les raisons de l’explosion des prix agricoles. On incrimine les incendies de cet été, dans une Russie troisième exportateur mondial de blé. Moscou, inquiet pour ses approvisionnements, a bloqué les exportations. Pour le sucre, le Brésil, l’Inde et la Chine, parmi les principaux exportateurs de cette denrée, ont été confrontés à de mauvaises récoltes.

Alors, les émeutes et le renversement de Ben Ali seraient la conséquence des fantaisies du climat ? Réponse un peu facile quand on sait les réserves de blé s’élevant à 170 millions de tonnes au niveau mondial. De quoi couvrir les besoins.

La réponse est ailleurs. Les banquiers de Wall Street se sont mis en tête de faire entrer les denrées agricoles en bourse. Résultat, les prix montent au gré des pressions des spéculateurs. Mais qui, dans la presse à grand tirage, aura le courage de dénoncer Wall Street ? Quant à Sarkozy appelant le FMI à combattre la spéculation, et oubliant les spéculateurs, il nous fait rire : c’est appeler le complice des incendiaires pour éteindre le feu.

La hausse des produits agricoles
L’inquiétude gagne les pays importateurs de produits agricoles, comme l’Égypte. Ils craignent de nouvelles émeutes de la faim, comme en 2008.

La référence, le blé, a bondi de 140 € la tonne en juillet à 237 € début août avant de flotter entre 210 et 220 €. Motif, après les incendies qui ont ravagé la Russie cet été, ce pays a décidé de bloquer les exportations quand il est le troisième fournisseur mondial.
L’alerte était déplacée puisque l’on compte 170 millions de tonnes de disponibilités de cette denrée à l’échelle mondiale. Mais, les spéculateurs ont pris le relais, maintenant les cours à un haut niveau.
L’orge connaît les mêmes pressions. Or ce produit sert à la fabrication de la bière dont la demande croît de 2 à 3% par an.
Le sucre, pour sa part, est monté à plus de 800 € la tonne en novembre avant de retomber à 676 €, contre 500 € au début de l’année. Cette fois, le niveau des récoltes est en cause. Les principaux exportateurs, le Brésil et l’Inde, ont en effet été confrontés à des difficultés d’ordre climatique et la Chine a connu une baisse de sa production.
Pour éviter ces envolées de prix, il conviendrait, d’une part, de mettre fin à la spécialisation de pays dans la production de certaines denrées agricoles et pour cela, d’inviter tous les pays à tendre vers l’autosuffisance alimentaire.
D’autre part de constituer d’une année sur l’autre des stocks de réserve pour aider les pays en difficultés. Mais cela ne ferait pas l’affaire des banquiers de Wall Street qui manipulent les prix pour arrondir leurs bénéfices.
(Publié fin vovembre 2010)

Manoeuvres US
pour obtenir le départ de Moubarak
Le 1er février 2011, Washington dépêchait Franck Wisner, son ancien ambassadeur au Caire, dans la capitale égyptienne
. Puis Mike Mullen, chef des armées américaines prenait le relais par téléphone auprès des généraux égyptiens. Après s’être vu fermer la porte des bureaux de Moubarak furieux des appels au départ que lui lançait Barack Obama, Wisner a pourtant dit devant des journalistes, le 5 février à Munich : « Le Président (Moubarak) doit rester aux affaires, le temps de gérer les changements en cours ». Jouait-il un double jeu ? Il est en effet associé au cabinet d’avocats américains Patton Boggs, qui défend les intérêts des autorités égyptiennes. En tout cas, le 10 février, Moubarak déclarait à la télévision : « Je refuse les ordres de l’étranger. Je continuerai d’exercer mes responsabilités ». Washington a alors eu recours à un autre moyen de pression : les militaires. Dans la nuit du 10 au 11, le patron du Pentagone, équivalent de notre ministère de la Défense, a appelé trois fois son homologue égyptien, le maréchal Mohammad Hussein Tantawi. Mullen, pour sa part, a parlé cinq fois au chef d’état-major, Sami Hafez Anan. Le 11 février, deux hélicoptères décollaient du Caire emportant Moubarak et sa famille. Tantawi est devenu de facto chef de l’État égyptien par intérim. Comme en Tunisie, où le général Rachid Amar avait reçu un coup de fil d’Hillary Clinton à l’ambassade des États-Unis avant de laisser tomber Ben Ali, les Américains passent pour les donneurs d’ordres. On peut douter que ce soit seulement, si ça l’est, dans l’intérêt des populations locales et du reste du monde.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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