FAISAL SHAHZAD
le déclic terroriste

juin 2010

Le 1er mai 2010, la police de New York découvrait une camionnette contenant une bombe artisanale faite de feux d’artifice, d’une bouteille de gaz et d’engrais agricole, souvent utilisé par les terroristes en raison du chlorate de sodium ou de potassium que ce type de produits peut contenir. 53 heures plus tard, à l’aéroport Kennedy de New York, les forces de sécurité arrêtaienun certain Faisal Shahzad, un Pakistanais détenteur de la nationalité américaine, avant que son avion ne décolle pour Dubaï. Les enquêteurs et la presse s’interrogent sur les raisons qui ont amené le jeune homme à basculer dans le terrorisme.

Shahzad est né le 30 juin 1979 au Pakistan. On ignore le lieu exact de sa naissance, les uns parlant des environs d’Islamabad, les autres du village de Pabbi, au nord de Peshawar, d’autres encore de Karachi ou du Cachemire.

On sait néanmoins le jeune homme d’origine pachtoune, l’ethnie pourvoyeuse en combattants des Taliban. Le village de la famille de son père, situé dans la région de Peshawar, s’appelle Mohib Banda. Ce père n’est du reste pas un personnage anodin. Officier dans l’armée de l’air pakistanaise, il a atteint le grade de « vice-marshal », l’équivalent d’un général deux étoiles. Il a servi comme pilote de combat et s’est fait remarqué par son habileté en matière d’acrobaties aériennes. En 1992, quittant l’armée, il est devenu assistant du directeur général de l’aviation civile pakistanaise.

Shahzad commence ses études au Pakistan, puis on le retrouve en 1997 dans une université privée de Washington (1). En décembre 1998, il obtient un visa « F-1 student », qui l’autorise à rester aux États-Unis pour étudier mais lui interdit de travailler.

Cependant, en 1999, il attire déjà l’attention. Sur décision des douanes américaines, il est en effet signalé pour avoir introduit environ 80 000 $ en liquide dans le pays. Il n’en poursuit pas moins ses études à l’université de Bridgeport. Étudiant sans histoires, il llait en boîte de nuit le week-end.

Cependant, le 11 septembre 2001, regardant les images des attaques à la télévision, un de se camarades l’aurait entendu dire l’équivalent en anglais de : « Bien fait pour eux ».

En mai 2002, il décroche son diplôme en informatique et le mois suivant, obtient un visa lui permettant de travailler aux États-Unis. Trois ans plus tard, il a son MBA (2) alors qu’il travaille déjà comme analyste financier pour le département comptabilité d’Elizabeth Arden, une compagnie fabriquant des cosmétiques.

Entre-temps, le 24 décembre 2004, il épouse Asif Mian, une Pakistanaise de nationalité américaine qui vit dans le Colorado. Cependant, le mariage, arrangé selon la tradition par les parents, se déroule à Peshawar. La jeune femme est elle-même d’origine pachtoune. A ce genre de détails, on mesure, malgré la distance, la dépendance psychologique du jeune homme à son milieu d’extraction.

Le premier signe de radicalisation dont nous disposons remonte au 25 février 2006, quand Shahzad, envoyant un E-mail à plusieurs de ses amis, écrivit : « Pouvez-vous me donner un moyen de sauver les opprimés ? Un moyen de répondre quand les roquettes pleuvent sur nous et que le sang des musulmans coule ? Quand tout le monde sait que la oumma musulmane courbe l’échine sous les pressions de l’Occident. Quand tout le monde sait à quelle sorte d’humiliation nous sommes confrontés partout sur la terre ». On comprend que son séjour à Peshawar, à quelques dizaines de kilomètres des sites bombardés par les Américains, a suscité en lui une forte émotion.

Dans le même temps, il n’en reçoit pas moins la « green card », la carte verte qui l’autorise à résider définitivement sur le sol des États-Unis. Le 17 avril 2009, enfin, il obtient la citoyenneté américaine, suite à son mariage.

Puis il donne des signes de plus en plus inquiétants de radicalisation. En 2008, au cours d’un voyage au Pakistan, déjà il demande à son père « l’autorisation » d’aller combattre en Afghanistan. Celui-ci refuse. Puis il tente d’imposer le port du voile à sa femme. Au printemps 2009, enfin, il quitte brusquement son travail et interrompt les remboursements de l’emprunt de sa maison.

Puis le 2 juin 2009, il appelle sa femme de l’aéroport de New York. Il lui annonce son départ pour le Pakistan, la laissant libre de le suivre ou de rester. Elle décide de rejoindre sa famille, à Dahran, en Arabie Saoudite, où son père travaille comme ingénieur dans le pétrole.

Shahzad réapparaîtra le 3 février 2010. Trois mois plus tard, il s’apprêtera à tuer. À la réflexion, nous croyons, qu’une fois de plus, les services américains ont été victimes de leur trop grande confiance en eux-mêmes.

Notes

(1) Il s’agit de « Southeastern University ».
(2) MBA ou « Master of business administration », est le diplôme confirmant la compétence des étudiants à la gestion des entreprises aux États-Unis. Créé au XIXème siècle, il est important pour entrer de plein pied dans la vie active.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 
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