Valse hésitations française
en Afghanistan

février 2012

Le 20 janvier 2012, quatre soldats français sans armes étaient tués par un militaire afghan dans une enceinte sécurisée et alors qu’ils faisaient de l’instruction des troupes.

Nous le disons depuis plusieurs années, les forces afghanes ne sont pas sûres, des recrues sont infiltrées par les Taliban qui, d’autre part, manipulent soldats et officiers en jouant des proximités tribales.

La réaction de Nicolas Sarkozy n’en est pas moins étonnante. Le 27 janvier, après avoir envisagé, semble-t-il, un retrait immédiat de nos 3 600 soldats, il a annoncé leur évacuation pour fin 2013. Soit un an avant les Américains.

Certes, notre effectif ne pèse pas lourd face à un corps expéditionnaire de 130 000 hommes, pour le plus grand nombre américains. Néanmoins notre retrait a valeur de symbole.

On se rappelle en effet, en 2008, les déclarations répétées de Sarkozy soutenant que « l’on ne peut pas laisser ces gens » (les Taliban) dans un pays « où l’on coupe les doigts des femmes parce qu’elles ont du vernis à ongle ». En clair, nous devions apprendre aux Afghans à se comporter en « civilisés ». Qu’importait alors, à ses yeux, que cette accusation ne soit pas avérée mais colportée par des sites Internet de propagande (1).

Mais il y a plus grave. En précipitant le repli de nos troupes et en l’associant à la perte de quatre de nos soldats, nous montrons notre peu de détermination et découvrons notre talon d’Achille, notre sensibilité à la mort. Ce faisant, nous passons pour des lâches aux yeux des Afghans, réduisant nos chances, en réalité celles des Américains, de négocier avec les Taliban un retour à la paix fiable pour le pays.

Une raison majeure a cependant pesé pour réduire l’ardeur de Sarkozy à rapatrier plus rapidement nos troupes. Pour des raisons budgétaires, la France, contrairement aux Américains, ne peut pas se permettre d’abandonner sur place les équipements acheminés en Afghanistan. Les logisticiens de l’armée estiment qu’il nous faut minimum un an pour y parvenir.

Et pour cause. Nous avons positionné en Afghanistan 1 200 véhicules, dont 500 blindés, des canons et 14 hélicoptères (2). À cela s’ajoutent 1 500 containers de 12 tonnes. Or, actuellement fermée, la route menant au port de Karachi est sous les feux des Taliban pakistanais. Quant à celle passant par l’ancienne Union Soviétique, elle est très onéreuse et politiquement délicate à gérer.

Reste l’évacuation aérienne jusqu’à la base française installée depuis peu à Abou Dhabi. Mais cette option soulève un nouveau problème : l’armée française ne dispose pas des avions gros porteurs nécessaires pour effectuer le transport. Nous devrons, comme au Rwanda pour l’opération Turquoise en 1994, louer des Antonov aux Russes. Au total, l’addition devrait s’élever à 200 millions d’euros.

Voilà ce qu’il en coûte d’agir sans réfléchir et sans disposer des moyens de sa politique.

 

Notes

(1)Ce qui semble bien une légende repose sur un rapport d’Amnesty International évoquant le cas d’une femme, en 1996, dont l’extrémité du pouce aurait été amputée pour avoir porté du vernis à ongle.
(2) Il faut noter l’effort fourni sur ce plan. On se souvient qu’en août 2008, dix de nos soldats avaient perdu la vie dans une embuscade au-dessus de Sarobi. Comme nous l’avions alors démontré dans nos articles, la tragédie était principalement liée au manque d’hélicoptères. Nos troupes ne disposaient alors que de deux machines.

 

 

Les Américains mettent les feux de la guerre civile en Afghanistan

Dans le complexe jeu politique afghan, Washington a décidé d’ouvrir des négociations directes avec les Taliban. Celles-ci se dérouleront au Qatar qui a décidé d’accueillir un bureau des Taliban sur son territoire.

Des négociations avec les Taliban étaient inévitables. Il est néanmoins mal venu de les ouvrir quand les forces de la coalition ont annoncé leur repli en 2014. Agissant ainsi, les Américains sont en position de faiblesse. Il auraient du choisir cette option bien plus tôt.

A cette erreur, ils en ajoutent une autre, ils excluent leur allié, le Président Karzaï, des pourparlers. Résultat, celui-ci, se sachant menacé de mort par les Taliban se retourne du côté de ses adversaires politiques, les anciens de l’Alliance du Nord, la coalition qui pendant une demie décennie a combattu le pouvoir taliban. Karzaï multiplie les rencontres, en particulier avec les chefs Tadjiks qui ont servi autrefois aux côtés du commandant Ahmad Shah Massoud.

N’ayant plus les moyens d’imposer « une paix des braves », au lieu d’organiser un minimum d’entente entre les différentes tendances, Washington exacerbe les tensions. En toute inconscience, c’est le scénario du pire qu’ils mettent en place.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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