FACE AUX DEUX CAMPS

DE LA GUERRE

Novembre 2003

 

Deux dialectiques de guerre s'opposent, qui ont le même objectif, un conflit généralisé. Le "Haut Comité pour l'Indépendance et la Souveraineté de la France," fondé par le général Pierre-Marie Gallois, nous a demandé de poser sur le papier notre analyse des causes de cet esprit belliciste. Nous soumettons ce texte à votre réflexion.

Après l'effondrement de l'empire soviétique et la conclusion de la première guerre contre l'Irak (1991), on pouvait croire à l'émergence d'une ère de paix pour la planète.

D'une part, la seule puissance capable d'affronter militairement l'Occident se divisait et perdait une partie de son potentiel économique.

D'autre part, pour la première fois de l'Histoire de l'humanité, un consensus de tous les États avait permis à leur coalition armée d'imposer à un pays, l'Irak, de respecter les frontières de son voisin, le Koweït. Le droit primait sur la force.

Enfin, la conférence de Madrid (octobre-novembre 1991) initiant une logique de paix, alors voulue semble-t-il par les Israéliens et les Palestiniens, l'une des principales raisons des tensions au Proche-Orient promettait de disparaître.

Certes, des conflits locaux auraient continué d'éclater ici ou là. Mais, la puissance d'un Occident uni, comme on l'a vu en Bosnie (cependant mal, injustement et trop tardivement utilisée), peut mettre un terme si nous le voulons aux violences ethniques.

Tout le monde cependant n'envisageait pas cette "paix promise à la Terre" avec la même satisfaction.

 èD'un côté, parmi les populations musulmanes, une minorité d'individus cherchait à réactualiser les préceptes de guerre du Coran tombés pour la majorité en désuétude.

 èDe l'autre, en Israël, une minorité d'activistes sionistes craignait une paix qui lui ôterait tout espoir d'une extension du territoire de l'État hébreu.

 èEnfin, aux États-Unis, des ultra-conservateurs, grisés par la disproportion des forces en faveur de leur pays, rêvaient de gouverner le monde au nom de la raison du plus fort.

C'est la combinaison détonante de ces éléments dont nous allons étudier la nature et l'action.

 

Nature et origine de l'extrémisme musulman

Trop souvent, en Occident, on tend à attribuer la même non-violence dogmatique à l'islam d'origine qu'au christianisme selon l'Évangile. En réalité, le Coran, principale référence théologique des musulmans, contient un quarantaine de versets appelant au "jihad" (guerre de défense mais dans une acceptation très large) ou légiférant sur le droit dans la guerre.

En outre, Mahomet, modèle idéal pour tout musulman, était aussi chef de guerre. Résultat, au cours des premiers siècles de son existence, l'islam a légitimé ses conquêtes militaires et, en 732, juste un siècle après la mort du "prophète," nos chevaliers devaient combattre les cavaliers arabes à Poitiers.

Cette version musulmane du droit de la guerre n'a jamais été annulée. Inspirée du Coran, elle a même été récupérée par les mouvements extrémistes islamistes pour justifier leurs exactions. D'où le comportement ambigu des autorités dans les pays musulmans: elles ne peuvent dénoncer les fondements théologiques de la violence islamiste, dont elles sont parfois les victimes, sans critiquer la religion au nom de laquelle, peu ou prou, elles gouvernent.

En dépit du texte, légitimant cette violence, il ne faut pourtant pas croire tous les musulmans prêts à s'en réclamer. Autrement dit se massant dans et hors de nos frontières avec le noir dessein de nous exterminer ou de nous convertir par la force. Chez eux, comme chez nous, le goût pour la tranquillité l'emporte le plus souvent sur le bellicisme.

En outre, la disproportion des forces militaires, largement en faveur de l'Occident, les invite depuis au moins un siècle à la prudence. Enfin, nos intérêts économiques, ceux des États et ceux des individus, apparaissent tellement imbriqués, entre l'Orient et l'Occident, que la majorité des musulmans, en temps normal, ne saurait envisager d'appliquer contre nous les préceptes de guerre lus dans le Coran. Car agissant ainsi, ils se nuiraient d'abord à eux-mêmes.

Nous parlons donc bien d'une minorité sortie de leurs rangs. Or, cette minorité, toujours présente historiquement dans l'islam, a élargi le nombre de ses recrues sous l'effet de deux réalités:

èL'utilisation des extrémistes arabes invités, indirectement par Washington, à combattre en Afghanistan. Ils ont pris dans cette guerre le goût du sang puis au repli soviétique, suivi de l'effondrement de l'URSS, ont surestimé leurs forces réelles au point d'envisager d'étendre leur loi au reste du monde.

èCe que nous appelons les injustices perpétrées contre certains musulmans et que tout le monde au Moyen-Orient assimile à la notion de "double standard." Parmi ces injustices,nous pensons à l'abandon du Proche-Orient au diktat israélien ou à la seconde guerre contre l'Irak (2003) menée sous des prétextes mensongers aujourd'hui éventés.

 

L'enchaînement des faits côté israélo-palestinien

Il serait trop long d'analyser l'ensemble des événements. Nous ne retiendrons donc que l'essentiel à nos yeux.

En 1993, les Palestiniens, avec les "Accords d'Oslo," acceptaient comme frontières les lignes dites de 1967 (résultat de la guerre de 1948). De 53% du territoire de la Palestine sous mandat britannique, reçus des Nations-Unies à la suite du plan de partage de 1947, ils ne conservaient que 22%.

C'était encore trop pour certains Israéliens. Par le jeu d'implantations de "colonies" juives et, aujourd'hui, la construction "du mur de protection" en zone palestinienne, l'État hébreu ne laisse en fait que 10% du territoire aux Palestiniens.

A cela s'ajoute, depuis l'assassinat d'Itzhak Rabin (novembre 1995), les provocations du Premier ministre Benjamin Nétanayahu(ouverture d'un tunnel sous l'esplanade des Mosquées) puis du futur chef de gouvernement Ariel Sharon (visite avec une escorte armée de cette même esplanade, en septembre 2000).

Sharon sur l'Esplanade des Mosquées

D'après notre analyse, les principaux leaders de la droite israélienne ne veulent pas de l'application du processus de paix. Jouant l'exacerbation des tensions, ils attendent de la violence qui en découle l'occasion pour eux d'étendre le conflit. Sous prétexte de défense, enfermant leurs concitoyens et la diaspora dans une paranoïa collective, ils comptent s'emparer ainsi de nouveaux territoires.

Dans ce contexte, les attentats palestiniens, souvent le fait des islamistes, comblent, selon nous, les souhaits des extrémistes israéliens. L'attaque menée par Israël contre la Syrie (octobre 2003) prouve, elle, la volonté de Sharon d'étendre la guerre à toute la région pour provoquer l'intervention des États-Unis. "Toujours plus de guerre pour toujours plus de terres" pourrait-être le slogan de l'autorité israélienne.

 

 Des protestants extrémistes

aux États-Unis

L'actuel pouvoir aux États-Unis ne représente pas tous les Américains, mais une minorité d'entre eux, mal élue, à la suite de George W. Bush. Cette minorité se recrute dans les congrégations protestantes extrémistes qui, même si elles ne reçoivent pas l'adhésion de tous les membres de cette version du christianisme, n'en regroupent pas moins des millions d'entre eux.

Dans cette affaire, la nature du protestantisme joue un rôle. Dès sa naissance au XVIème siècle, il opère un retour sur l'Ancien Testament, partie de la Bible commune avec les juifs. Les catholiques, eux, sans faire l'impasse sur cette dernière, préfèrent s'inspirer de l'Évangile.

Chez les protestants, la référence au texte de l'Ancien Testament a généré deux conséquences:

èL'émergence d'une idéologie qui peut prendre des aspects belliqueux au nom d'une supériorité soit disant accordée par Dieu (La conquête de l'Afrique du Sud par les Boers s'inscrit dans ce cadre, avec les mythes de la "Terre promise" et celui de la déchéance du peuple noir puni par Dieu).

èLe rapprochement de certains protestants des juifs au nom d'un héritage religieux commun.

A ces deux aspects, des prêcheurs protestants aux États-Unis ont ajouté une troisième raison. S'inspirant du récit de l'Apocalypse selon Saint Jean, ils ont décrété l'urgence de regrouper tous les juifs sur le territoire de l'Israël biblique pour hâter le retour du Christ sur terre.

Or George W. Bush est sous l'influence de ces prêcheurs. L'un d'entre eux, Pat Robertson, dirige la "Christian Coalition of America." Son organisation compte deux millions d'adhérents et étend son influence sur 18 millions de personnes. Le Président accorde beaucoup d'attention à ses conseils.

Il écoute aussi le pasteur Franklin Graham, qui a béni le mandat présidentiel au cours de la cérémonie d'inauguration. Pourtant, en public, Graham tient des propos extrémistes et qualifie l'Islam de religion "dépravée." Quant à Pat Robertson, il affirmait le 11 octobre 2002: "Nous ne devrions pas appeler Israël à se replier des territoires occupés (car cela) est en contradiction avec la volonté divine."

Prouvant l'implantation de ces idées au sein du pouvoir américain, le 6 août 2002, au cours d'une réunion au Pentagone, Donald Rumsfeld qualifiait à plusieurs reprises Gaza et la Cisjordanie de "prétendus territoires occupés."

 Pat Robertson

Les trois extrémismes américains
 Franklin Graham

Aux États-Unis, résultat de la griserie causée par la position de seule super-puissance, il existe un "courant impérial." Ses tenants s'estiment le droit, au nom de la loi du plus fort, de gouverner le monde. Ce camp se renforce des extrémistes protestants convaincus du même principe, même s'ils attribuent la force de leur pays à une décision divine.

Les extrémistes, parmi les sionistes américains, n'ont pas manqué de saisir la chance offerte par la disposition d'esprit des protestants intégristes. On les trouve dans les rouages du gouvernement de Bush, au niveau des cabinets ou des organismes de conseil du pouvoir. Parmi eux,quelques noms:

  • Paul Wolfowitz, vice-Secrétaire à la Défense, a dit en 1998: "Israël est la terre des terres... nous serions tous insouciants de ne pas consacrer le reste de nos jours à la voir redevenir ce qu'elle fut autrefois."
  • Douglas Feith, sous-Secrétaire à la Défense, il représente aux États-Unis la "Israeli Armements Manufacturer."
  • Dov Zakheim, sous-Secrétaire à la Défense, rabbin intégriste.
  • Marc Grossman, sous-Secrétaire d'État pour les Affaires politiques.
  • Samuel Bodman, sous-Secrétaire au Commerce.
  • John Bolton, sous-Secrétaire au Contrôle des armements et à la Sécurité internationale. Le 22 février 2003, ayant évoqué l'Irak, il a dit: "Après cela, il sera nécessaire de traiter les menaces de la Syrie, de l'Iran etc..."
  • Lincoln Bloomfield, assistant-Secrétaire d'État pour les Affaires militaires. C'est un ancien directeur de l'AIPAC, une organisation sioniste de 65000 membres, qui travaille à renforcer "l'alliance stratégique" entre Israël et les États-Unis etc...
  • On compte une cinquantaine de sionistes extrémistes, dont le fameux Richard Perle, placés dans les superstructures du gouvernement de Bush et parmi ses conseillers.

    Un Israélien partisan de la paix avec les Palestiniens a écrit le 8 juin 2002: "Des centaines de parlementaires américains ont été élus grâce à des contributions juives. Résister aux directives du lobby juif équivaut à un suicide politique..."

    Fin septembre 2001, pendant le Conseil des ministres, Ariel Sharon a dit: "Ne vous inquiétez pas à propos des pressions américaines sur Israël. Nous, le peuple juif, contrôlons l'Amérique et les Américains le savent..." La radio "Kol Yisrael" (La Voix d'Israël) a fait cette révélation le 3 octobre de la même année.

      Face aux deux axes de la guerre, que faire?

    Deux axes fanatiques se sont bien formés. L'un s'appuie sur une lecture intégriste de l'islam. L'autre associe sionistes extrémistes et conservateurs fondamentalistes protestants des États-Unis.

    Ces deux axes répandent la peur et l'injustice pour recruter des troupes et provoquer la guerre. L'un comme l'autre, croit à la victoire de son camp et veut dominer le monde.

    La sagesse consiste, de combattre le terrorisme islamiste avec des moyens adaptés mais de refuser d'entrer dans la paranoïa organisée par Bush et Sharon.

    Le bon sens commande:
     èD'une part, d'isoler les islamistes par un travail pédagogique auprès des musulmans. D'autre part, de réduire les injustices comme celles infligées aux Palestiniens ou aux Irakiens.
     èDe faire front, avec les moyens de la diplomatie et de l'information, contre Bush et Sharon. De nous associer enfin, avec ceux de tous bords, de gauche comme de droite, Israéliens ou Américains, juifs ou musulmans, qui veulent s'opposer avec des manières réfléchies et adaptées aux camps bellicistes.

    Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
     www.recherches-sur-le-terrorisme.com

     

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