DE KARACHI À TIBÉHIRINE

deux attaques contre des Français remontent à la une

août 2009

Première affaire, dans la nuit du 26 au 27 mars 1996. Retirés à Tibéhirine, monastère installé dans l’Atlas algérien, sept moines trappistes de nationalité française, sont enlevés par un groupe islamiste armé. Le 21 mai, on apprenait leur mort par un communiqué signé du GIA. Second dossier, le 8 mai 2002, au volant d’un taxi, un kamikaze se faisait sauter devant l’hôtel Sheraton, de Karachi au Pakistan, tuant 14 personnes dont 11 Français employés de la Direction des constructions navales. Ces derniers travaillaient à l’exécution d’une commande pour la livraison de trois sous-marins de type Agosta à la marine pakistanaise. Dans ces deux affaires, les organisations islamistes armées ont été accusées des crimes. Les deux fois aussi, plusieurs années après les faits, l’État français évoque la possibilité de manipulations des autorités en place, l’armée et le gouvernement d’Alger, pour les moines de Tibéhirine, et les services pakistanais dans le cas des salariés de la Direction des
constructions navales. Qu’en est-il ?

Pour l’attentat de Karachi
, thèse mise en avant par le journaliste Guillaume Dasquié dans un article publié en juin 2009, il ne s’agirait pas d’une attaque d’Al-Qaïda, mais d’une vengeance de proches du pouvoir pakistanais, furieux de ne pas avoir touché les pots-de-vin promis par les Français pour le contrat des trois sous-marins.
Problème, Dasquié ne s’est pas toujours montré d’une très grande rigueur dans son approche des faits. Cette fois encore, il semble avoir un peu dérapé.

Selon lui, le procureur français Michel Debacq, qui enquêtait à Karachi, aurait reçu des confidences de Randall Bennett, responsable du service de la sécurité diplomatique des États-Unis. Ce dernier aurait confirmé la piste d’une vengeance pour une histoire de gros sous.

Cette affirmation reçoit néanmoins un coup début juillet 2009 quand, sur LCI, Benett déclare n’avoir jamais tenu de tels propos au procureur français et affirme « C’était bien Al-Qaïda » l’auteur de l’attaque.
Certes, on peut soupçonner l’Américain de vouloir couvrir les autorités pakistanaises. Prendrait-il néanmoins le risque de se voir acculer à faire une déclaration mensongère sous serment devant les tribunaux ?

Un autre point semble peu en rapport avec une simple affaire de pots-de-vin : l’auteur de l’attentat de Karachi s’est donné la mort en se faisant sauter avec ses victimes. Une manière de faire visiblement dictée par l’idéologie.

Une bonne raison, en tout cas, de prendre avec précaution les assertions de Dasquié, associant dans un véritable roman d’espionnage Édouard Balladur, Jacques Chirac et Ali Zardari, veuf de Benazir Bhutto et actuel Président du Pakistan. Même si le pire est toujours possible.

L’assassinat des moines de Tibéhirine se présente sous une autre perspective. Selon la version officielle, entérinée par l’autorité française au lendemain des événements, les sept moines ont été décapités par le chef des GIA à l’époque, Djamel Zitouni.

Ancien officier de la DGSE et attaché de Défense à l’ambassade de France à Alger de 1995 à 1998, le général François Buchwalter raconte une version légèrement différente. Selon un officier algérien, un hélicoptère patrouillant dans la région de Médéa aurait repéré un bivouac islamiste. L’équipage aurait fait feu, tuant tous les hommes du groupe avant de mettre pied à terre. Ils se seraient alors aperçus qu’ils venaient de tuer les sept moines.

Selon cette version, les services algériens auraient décapité les moines, pour faire croire à une exécution des islamistes. Puis ils auraient fait disparaître les corps, pour ne pas montrer les blessures, se contentant de livrer les têtes à l’ambassade.

Petit problème. Dans son communiqué du 21 mai 1996, Zitouni affirme avoir « tranché la gorge des sept moines ». Si l’action a été exécutée par des militaires algériens, pourquoi le chef d’un groupe terroriste s’en attribue-t-il la responsabilité ? A cela, on comprend que les informations accusant les autorités algériennes de manipuler certains groupes islamistes ne reposent pas sur de vagues rumeurs.

Dans ces deux affaires, on voit la sécurité des simples citoyens peser bien peu face aux intérêts de ceux qui font le business de la politique et des armes. Pire, on aura remarqué les errements d’une Justice française qui se contente de demi-vérités et sélectionne les témoignages au gré de ses humeurs... ou de celles des hommes du pouvoir exécutif. Dans le cas de l’assassinat des moines, le simple bon sens aurait dû mobiliser la Justice. Il faut croire celui-ci manquant à certains juges.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 
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