LE LIVRE BLANC
SUR LA DÉFENSE

juillet 2008

Le 17 juin, Nicolas Sarkozy prononçait un discours afin de présenter le " Livre blanc sur la Défense ". Celui-ci, entamé il y a bientôt un an, fixe notre ligne stratégique et celle de notre institution militaire pour au moins dix ans. Nous avons de sérieuses raisons de nous inquiéter.

Les premières critiques émanent des cercles militaires. Intitulé Surcouf, un groupe d'officiers généraux reproche " la sous-représentation de militaires compétents " parmi les " experts " chargés de rédiger le document. Pour Surcouf " la communication politique (...) ne saurait masquer la réalité d'un véritable déclassement militaire de notre pays... "

En effet, des trémolos dans la voix, Sarkozy dit : " Je pense aujourd'hui à nos enfants et aux enfants de nos enfants. Il ne faut pas qu'un jour, ils nous reprochent d'avoir renoncé aux ambitions et au rang de la France ". Mais, dans le même temps, le Président de la République réduit le budget de la Défense et son niveau d'équipement. Les officiers se dissimulant derrière le nom de Surcouf ont raison quand ils parlent de " communication politique ".

Les effectifs vont être allégés, perdant 54 000 hommes sur 320 000, aujourd'hui en activité. La perte sera de 17% dans l'armée de terre, 24% dans l'armée de l'air et 11% dans la marine.

Dans le même temps, la décision de construire un second porte-avions se voit reportée à 2011-2012. En d'autres termes, pendant de longues périodes de l'année, le Charles-De-Gaulle étant en rade pour entretien, la flotte française restera dépourvue d'un moyen d'action indispensable pour se protéger et attaquer.

Notre capacité de projection d'une force hors de nos frontières est elle aussi revue à la baisse. De 50 000 hommes, nous passons à 30 000.
Sarkozy invite les militaires à compenser ces coupes dans nos effectifs en fournissant un effort organisationnel. Encore faut-il le pouvoir. En outre, dans le même temps, il assigne à nos armées une zone stratégique, par conséquent opérationnelle, s'étendant de l'Atlantique à l'Océan Indien, englobant donc la Méditerranée, l'Afrique, le Moyen-Orient pour déboucher sur la Chine.

Il convient en outre de rappeler les forces de maintien de la paix particulièrement gourmandes en hommes. On le voit au Kosovo. Pour 2 millions d'habitants, répartis sur l'équivalent en surface de deux départements français, 16 000 soldats de l'OTAN sont immobilisés.

En outre, les armées étrangères, par essence nos concurrentes, convient-il de rappeler, ne connaissent pas le même régime amaigrissant. La dépense militaire mondiale a crû de 37% de 1996 à 2006. De 1998 à 2006, la Russie a augmenté son budget de Défense de 155%. Quant à la Chine, cette partie de ses dépenses a doublé entre 2000 et 2005 pour connaître une nouvelle progression de 17,8% en 2007.

En clair, nous entrons dans une logique militaire semblable à celle connue avant la Deuxième Guerre mondiale. Réduisant nos dépenses de Défense quand d'autres les amplifient, nous risquons de nous retrouver dominer un jour par une force brutale.

Bien sûr, il y a l'OTAN. Nous en faisons partie a clamé haut et fort le Président. Cette organisation a pour vocation de nous protéger. Le Pacte de Varsovie avait la même raison d'être pour les pays de l'Est, ces derniers ne jouissaient pourtant pas d'une grande liberté sous la férule de cette structure. Certes, l'OTAN n'est pas le Pacte de Varsovie mais, plus encore que ses ambitions, nous craignons ses bonnes intentions. En d'autres termes de nous retrouver assujettis au nom de ces dernières.

Nous reconnaissons cependant un point positif au projet militaire de Sarkozy : le renseignement militaire devrait doubler son budget en douze ans. Nous estimons en effet la lutte contre le terrorisme d'abord un travail de renseignement. Mais, là encore, nous mettons un bémol. L'essentiel de cet effort semble devoir porter sur les moyens technologiques, tels que les satellites.

Nous craignons, que la France, reproduisant l'erreur des Américains, n'en vienne à mépriser l'importance du renseignement humain, se privant ainsi d'une source essentielle d'information. Or, n'en déplaise aux tenants du tout technologique, les agents infiltrés dans les structures terroristes nous en apprennent plus sur celles-ci que les satellites-espions.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 
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