Le Mali de toutes les surprises

juillet 2013

Le 17 juin, le général Jean-Bosco Kazura a été nommé à la tête de la MINUSMA (Mission des Nations Unies au Mali) qui prend en charge la sécurisation du Mali. La force Serval, dirigée par le général français Grégoire de Saint-Quentin, transfert progressivement sa mission dans le nord du pays à la MINUSMA.

La situation ne manque cependant pas de piquant ! En 1994, Saint-Quentin servait à la mission militaire de coopération au Rwanda. En clair, il participait à la formation d’une unité de para-commando du Rwanda qui combattait contre les forces tutsies. Ces dernières avaient lancé une offensive contre le Rwanda à partir de l’Ouganda voisin.

Kazura, lui, avait rejoint les forces tutsies appelées Front patriotique rwandais. Après le génocide et avec la victoire des Tutsis sur les Hutus, Kazura a intégré la nouvelle armée rwandaise. Bénéficiant d’une promotion rapide, il a été, entre autres, le conseiller de Paul Kagamé, le chef de la rébellion tutsie devenu Président de la République. Il a aussi servi comme commandant adjoint de la MINUAD (la mission mixte des Nations Unies au Darfour) de 2005 à 2007.

Plus anecdotique, mais non pas dépourvu de sens, il a été élu président de la Fédération rwandaise de football
en février 2006 tout en conservant ses fonctions militaires. En 2010, néanmoins, voyageant en Afrique du Sud pour assister à la coupe mondiale de football, il était rappelé à Kigali et incarcéré. Officiellement, Kagamé lui reprochait d’être sorti du pays sans autorisation des autorités.

En réalité, en Afrique du Sud, il a rencontré deux anciens officiers supérieurs rwandais de l’armée hutue aujourd’hui en exil : le lieutenant général Faustin Kayumba Nyamwsa et un ancien chef du renseignement militaire, Patrick Karegeya. Même si un porte-parole militaire rwandais a démenti un lien entre ces rencontres et le rappel de Kazura, on ne voit pas d’autre raison crédible à l’incarcération de ce dernier pendant un mois.

De son côté, Saint-Quentin est un témoin encombrant. Le 6 avril 1994, il était à Kigali dans le cadre de sa mission de coopération. Ce jour-là, un missile abattait l’avion du Président rwandais Juvénal Habyarimana déclenchant le génocide des Tutsis par les Hutus qui voulaient ainsi se venger.

Le témoignage de Saint-Quentin s’avère d’une grande importance pour l’enquête. En effet, ayant entendu le missile décoller, il peut aider à localiser le lieu du tir donnant ainsi une précieuse indication sur l’identité des tueurs : ou des militaires hutus pour empêcher les accords de paix signés entre Kigali et la rébellion, ou des membres de cette dernière voulant décapiter le pouvoir en place et se substituer à lui.

Outre Saint-Quentin, d’autres font grise mine, les Tchadiens. Ils espéraient le poste donné à Kazura. Or, le succès de l’opération Serval doit beaucoup à leur discipline et à leur bonne conduite sous le feu. Ils ont en outre perdu 38 hommes au combat.

En attendant, au Mali, on assiste à une étrange rencontre entre les deux ennemis d’hier pour réconcilier le nord et le sud du pays. A se demander si les décideurs onusiens et français sont bien conscients du risque.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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