MAURICE ALLAIS
prophète maudit

mars 2010

Maurice Allais, ce nom est quasiment inconnu de l’opinion. Il a pourtant reçu le prix Nobel d’économie en 1988 et, à ce jour, est le seul Français ayant reçu cette distinction. Certes, certains pourront vous opposer que Gérard Debreu, élève d’Allais, a lui aussi été honoré de ce prix en 1983. Mais enseignant à l’Université de Berkeley (Californie), il est naturalisé américain depuis 1974. On s’étonne, par conséquent, de l’absence d’Allais dans les colonnes des médias, à une époque où la science économique apparaît aussi déterminante. Une réponse et une seule : Maurice Allais pense mal, il est anti-mondialiste et contre l’Europe de Maastricht.

Allais est né en 1911 à Paris. Ses parents possédaient une fromagerie. En 1915, son père mourrait en captivité, entre les mains des Allemands, le laissant orphelin. Il fit pourtant de belles études. Il obtint à la fois le baccalauréat de mathématiques et de philosophie avant d’entrer à polytechnique en 1931 et d’en sortir major de promotion. Il rejoignit alors l’école des mines.

Pendant la guerre, il sert dans un bataillon de chasseur alpin, puis se retrouve directeur du Bureau de documentation et de statistiques minières, mais dès 1948, il opte pour l’enseignement et la recherche et publie de nombreux livres.

Encore faut-il préciser qu’Allais mène deux carrières de front. Économiste, ce qui lui vaut notre intérêt, il est aussi physicien et s’est intéressé à la gravitation et à la « relativité restreinte », remettant partiellement en question la théorie d’Einstein.

Au cours des dernières années, la seule publication à avoir vraiment ouvert ses colonnes à Allais est le très ambigu hebdomadaire « Marianne ».

Nous lisons sous sa plume : « Le point de vue que j’exprime est celui d’un théoricien à la fois libéral et socialiste. Les deux notions sont indissociables dans mon esprit car leur opposition m’apparaît fausse, artificielle ». Il explique : « L’idéal socialiste consiste à s’intéresser à l’équité de la redistribution des richesses, tandis que les libéraux véritables se préoccupent de l’efficacité de la production de cette même richesse ».

En d’autres termes, il ne faut pas confondre socialisme et parti socialiste. Comme il ne faut pas confondre libéralisme, ou liberté d’entreprendre, et ultra-libéralisme, la promotion d’un univers économique sans régulations qui permet aux plus forts, les grandes banques et les trusts internationaux, d’assujettir tous les agents économiques.

Il met le doigt sur une conséquence sociale grave des dérives de l’ultra-libéralisme : « L’essentiel du chômage que nous subissons, dit-il, tout au moins le chômage tel qu’il s’est présenté jusqu’en 2008, résulte précisément de cette libéralisation inconsidérée du commerce à l’échelle mondiale sans se préoccuper des niveaux de vie ». Car, pour Allais, on ne peut ouvrir les frontières entre pays qu’à condition de jouir d’un niveau de vie équivalent. Sinon, on provoque la délocalisation des industries vers les zones à bas salaires.

« Parmi les multiples vérités qui ne sont pas abordées, se trouve le fondement réel de la crise actuelle : l’organisation du commerce mondial, qu’il faut réformer profondément, et prioritairement à l’autre grande réforme également indispensable que sera celle du système bancaire ». Voilà qui s’appelle enfoncer le clou. Du reste, il précise : « Crise et mondialisation : les deux sont liées ».

Iconoclaste, il va jusqu’au bout : « Je n’étais pas convié sur les plateaux de télévision quand j’annonçais et écrivais, il y a plus de dix ans, qu’une crise majeure accompagnée d’un chômage incontrôlé allait bientôt se produire. Je fais partie de ceux qui n’ont pas été admis à expliquer aux Français ce que sont les origines réelles de la crise alors qu’ils ont été dépossédés de tout pouvoir réel sur leur propre monnaie, au profit des banquiers ».

Vous n’avez pas encore compris ce que cet homme dénonce ? Lisez ! « Cette ignorance, continue-t-il, et surtout la volonté de la cacher grâce à certains médias dénotent un pourrissement du débat et de l’intelligence, par le fait d’intérêts particuliers souvent liés à l’argent. ».

Allais en vient aux questions de fond sur la presse : « Quelle est la liberté véritable des grands médias ? S’interroge-t-il. Je parle de leur liberté par rapport au monde de la finance tout autant qu’aux sphères de la politique ».

Il poursuit : « Qui détient le pouvoir de décider qu’un expert est ou non autorisé à exprimer un libre commentaire dans la presse ? » Certains lecteurs en auront une idée. Il était néanmoins important de voir, comment un homme, dont l’intelligence supérieure ne fait pas de doute, subit l’exil intérieur pour professer ces idées.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 

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